Haut-Jura : Jean-Louis Millet met de l’eau dans son vin

La majorité municipale très à droite de Saint-Claude boycottait les travaux de la communauté de communes depuis avril 2014. La modification de la répartition des délégués à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité a fait revenir le maire de la ville, mais pour combien de temps ? Il réclame la démission du bureau ! « On n'est pas des lapins de six semaines », lui répond Raphaël Perrin...

Raphaël Perrin (à gauche) n'entend pas céder la présidence au maire de Saint-Claude Jean-Louis Millet.

La très droitière majorité municipale de Saint-Claude sortie des urnes en mars 2014 est-elle revenue à la raison républicaine ? Rien n'est moins sûr, mais en participant, mercredi 16 septembre à Viry, au conseil de la communauté de communes Haut-Jura-Saint-Claude qu'ils boycottaient depuis dix huit mois, Jean-Louis Millet et ses colistiers ont mis un peu d'eau dans leur vin. Certes, l'ambiance était tendue et les 55 conseillers communautaires des 28 communes étaient peu enclins à souffler sur les braises d'une controverse loin d'être close. « C'est bien qu'ils aient été là, c'est bien qu'il y ait eu de l'humour dans les échanges », soulignait Christophe Masson, le maire de Coiserette, village de 52 habitants.

Ce retour n'allait pas de soi. Il a même été incertain jusqu'à la dernière minute : « des élus de la majorité sanclaudienne, arrivés en avance, attendaient le chef pour savoir s'ils entreraient », dit Jean-Daniel Maire, premier magistrat de Viry, premier vice-président de la comcom et l'un des rares rescapés de la débâcle socialiste aux élections départementales de mars dernier. La fâcherie était de taille, provoquée par une vexante défaite tactique que Jean-Louis Millet a tenté de retourner à son avantage, surjouant avec un certain talent, dans les médias, le rôle de pauvre victime d'un complot socialo-communiste revanchard, pendant que ses adversaires évitaient d'en rajouter.

Chassé-croisé Lahaut-Millet

Résumons. Mars 2014, la liste conduite par Jean-Louis Millet (DVD, ex MPF) l'emporte aux municipales face au maire sortant Francis Lahaut (PCF) d'une centaine de voix. C'est la revanche de 2008 où il avait perdu de 4 voix alors qu'en 2001, c'est lui qui avait pris sa revanche sur 1995 et la première élection de Francis Lahaut. En mars 2014, Jean-Louis Millet avait gagné après le retrait de l'autre liste de droite, conduite par la députée Marie-Christine Dalloz (LR) qui refusa la fusion, autant par fierté que pour ne pas s'acoquiner avec un homme dont la proximité avec l'extrême droite lui a valu le soutien du FN aux départementales, dès le premier tour. 

Après les municipales, M. Millet comptait bien prendre la présidence de la comcom. Mais son plan échoua et le maire de Septomncel, alors conseiller général PS de Saint-Claude, Raphaël Perrin, fut élu haut la main. Un an plus tard, les deux hommes seront face à face aux départementales et Jean-Louis Millet l'emportera nettement, son adversaire payant autant la sanction contre le gouvernement que le désaveu de Christophe Perny avec qui il était ouvertement en conflit.

Arrogance et humiliation

Mécontent de ne pas avoir conquis la comcom, Jean-Louis Millet en fut néanmoins élu vice-président par le conseil communautaire qui, après avoir retoqué deux de ses colistiers, ne considérait pas sage de se couper de la ville centre. La majorité sanclaudienne donna en outre des verges pour se faire battre en ne présentant pas de candidat pour l'élection de deux autres vice-présidents. Pire, deux élus de son opposition municipale furent élus vice-présidents. A l'arrogance de celui qui avait pensé imposer une gouvernance à sa main, à prendre ou à laisser, s'ajoutait l'humiliation. Sa réaction fut à la hauteur de son dépit : il boycotta avec ses amis la comcom jusqu'à ce 16 septembre. Non sans lui avoir mis quelques bâtons dans les roues en revenant sur une subvention, qu'il avait votée quand il était dans l'opposition, à la médiathèque portée par la comcom. Il alla même jusqu'à refuser l'installation d'échafaudage sur le trottoir, retardant le démarrage du chantier qui avait déjà été décalé, le temps que l'Etat se substitue en partie à la ville défaillante.

Bref, les relations étaient exécrables. En toile de fond, une lancinante controverse se poursuivait à propos de la culture. Alors que la ville a son propre programme, plutôt versé dans le folklore, la comcom soutient l'inventive Fraternelle qui propose du cinéma, du jazz, du cinéma, des conférences,  jouant en fait un rôle de premier plan en faisant rayonner Saint-Claude assez loin. Mais entre la Fraternelle qui témoigne de la tradition coopérative locale et la bourgesoisie traditionnelle, le fossé est immense.

Exigences et ouverture

Les choses auraient pu en rester là et la comcom continuer son petit bonhomme de chemin en boitillant quand même un peu du fait de l'absence de représentation en son sein de l'exécutif de Saint-Claude. Deux événements allaient tout changer. D'abord, la prise en compte d'une question prioritaire de constitutionnalité entraînant une répartition des délégués au sein des communautés de communes plus favorable aux grandes... dès qu'une nouvelle élection surviendrait, même partielle ou anticipée. C'est ce qui est advenu avec le renouvellement du conseil municipal de Ravilloles. Dès lors, la composition de la CCHJSC fut modifiée, passant de 62 à 55 délégués. Il fallut donc procéder à un remaniement des représentations pour tenir compte des départs et des arrivées.

Saint-Claude gagnant dix postes tandis que douze communes en perdent un ou deux, la nouvelle donne est-elle susceptible de modifier le rapport de forces politiques ? Jean-Millet espère tenir l'occasion d'une nouvelle revanche. Il veut la démission de l'exécutif et refuse que des vice-présidences aillent à son opposition municipale, a-t-il écrit à Raphaël Perrin le 7 septembre. Ce dernier a réuni les maires le 9 pour les sonder. Il refuse la démission du bureau, argant que rien dans la loi ne l'oblige. En signe d' « ouverture », il propose deux vice-présidences supplémentaires réservées à la majorité sanclaudienne. Jean-Louis Millet demande alors un vote de confiance sur l'exécutif, mais Raphaël Perrin ne lâche pas et la majorité sanclaudienne vient quand même à la réunion.

« On n'est pas des lapins de six semaines »

« Notre présence n'est pas un retour à la comcom, mais à la table des négociations », a cependant prévenu Jean-Louis Millet. Sans arme juridique, il a quand même poursuivi sur le mode de l'outragé demandant réparation : « Ce qui s'est fait dans la précipitation il y a 18 mois, peut se faire maintenant, tranquillement. Mais pour en sortir, la balle est dans votre camp, pas dans le nôtre ». Il défend le principe de neuf vice-présidences dont trois pour Saint-Claude, toutes de la majorité municipale. Il insiste : « les textes n'interdisent pas la dissolution de l'exécutif ». « Il n'est pas démissionnaire », rétorque Raphaël Perrin.

Tous deux sont d'accord pour sortir de l'impasse. Raphaël Perrin défend un principe que de très nombreuses intercommunalités connaissent : « les décisions sont collégiales ». Ça devrait faire passer les vice-présidences de la gauche sanclaudienne, mais il ne le dit pas comme ça, il fait de la politique : « J'avais une vision de l'exécutif proposé en 2014, on peut se remettre autour de la table. Mais quand vous proposez neuf vice-présidences, je réponds qu'on n'est pas des lapins de six semaines. On a assez consommé d'énergie, à un moment, il faut que ça cesse ».

Chirurgie de la cataracte

Un seul élu dit son fait à Jean-Louis Millet en le contredisant frontalement, Jean-Marc Rubat du Mérac, maire de Lajoux : « Vous n'avez pas accepté l'élection et nous n'étions pas dans la précipitation ». Sous couvert d'anonymat, ils seront plusieurs à nous dire la même chose après la réunion. Jean-Louis Millet, lui, reste scotché à sa vision et répète que tout a été manigancé dans son dos en 2014. Un élu de gauche commente : « on a réuni des délégués communautaires avant l'élection de 2014, et Millet en a aussi invités, mais ils ont été moins nombreux à se rendre à sa réunion. Il a échoué ».

Durant toute la session, un diaporama tournait en boucle, rappelant les réalisations et engagements de la comcom depuis le début du mandat. Du sentier des savoir-faire de Ravilloles à l'aménagement des gorges de l'Abïme à Saint-Claude, de la cascade des Moulins au relais-santé de La Pesse, du gymnase de Lavans à la maison de santé de Saint-Lupicin qui doit ouvrir en mai 2016... Sans oublier les engins de damage des pistes de ski, le pôle des services Tomachon qui se prépare à accueillir le centre de l'oeil d'Oyonnax, spécialisé dans la chirurgie de la cataracte, ou encore la médiathèque...

Unanimité contre l'Etat !

L'engagement de la comcom auprès de la ville dans le contrat de ville a mis tout le monde d'accord. Enfin presque, les cinq élus de l'opposition sanclaudienne se sont abstenus pour être « cohérents » avec leur vote municipal. « On est exclu des financements de l'ANRU, ce qui nous empêche de déconstruire deux tours », a souligné Francis Lahaut, pour une fois d'accord avec Jean-Louis Millet : « l'Etat a diminué de moitié le nombre de quartiers prioritaires et on a la chance d'en avoir deux, les Avignonnets et Chabod, en raison du critère de paupérisation retenu. Mais il ne s'agit que de cofinancement d'actions à hauteur de 30 ou 40%... On est reconnu pauvres, mais on n'a pas les moyens d'engager une restructuration foncière. Il faudrait 2 millions pour détruire deux tours aux Avignonnets... Il y a 5 millions pour le Jura, si on peut en avoir un peu... En filigrane de tout ça, il y aurait la destruction de la tour banane à Chabod, actuellement occupée à 20%, mais il faut d'abord désamianter à 30.000 euros par logement... »

Du coup, l'assemblée s'est retrouvée unanime pour voter une motion réclamant les moyens de démolir...

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