Hamon-Mélenchon : argumentations parallèles à Besançon

Pendant que Dominique Voynet assurait que « le vote utile est celui des convictions », qu'Edouard Martin disait croire en la « remontada » et que Paulette Guinchard choisissait « sa gauche » en soutien à Benoît Hamon au Kursaal de Besançon, l'insoumis Liêm Hoang Ngoc affirmait salle Battant que « les indécis ne font pas la différence entre un social-libéral et un frondeur ».

Un peu plus de 200 personnes ont soutenu Benoît Hamon au Kursaal tandis qu'à peu près autant s'enthousiasmaient pour Jean-Luc Mélenchon à Battant. (photos Daniel Bordur)
Deux réunions de soutien le même jour à la même heure... Jeudi 13 avril, les partisans bisontins de Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon n'ont pas rendu service aux hésitants. Du coup, il y avait essentiellement des convaincus pour entendre Dominique Voynet et Edouard Martin défendre le premier au Kursaal, Liêm Hoang Ngoc soutenir le second salle Battant. Les assistances étaient équivalentes, mais que le Kursaal sonnait vide avec quelque 220 à 230 personnes, tandis que la salle Battant n'avait pas assez de chaises pour que tous soient assis. Cela montrait-il des destins divergents ? A tout le moins un rapport différent entre la salle et la scène. Le public faisait face à l'estrade surplombante du Kursaal. A Battant, il entourait l'orateur quasiment de plain-pied. L'ambiance était conviviale et feutrée au Kursaal, enthousiaste et chaleureuse salle Battant...

Dominique Voynet : « Ce n'est pas ce qui a été bien fait qui est en question, mais ce que nous n'avons pas fait »

« Le vote utile est celui des convictions », dira Dominique Voynet en conclusion d'une analyse lucide de la « pathologie française » que constitue l'élection présidentielle. « Je ne souhaite à personne de vivre ce genre d'expérience, j'ai été deux fois candidate ! Et tous les cinq ans on se laisse avoir, happer par la frénésie... » L'ancienne ministre de Lionel Jospin compare ceux qui « surfent sur l'écume des vagues » et ceux qui « labourent profond ». Elle situe clairement Hamon dans la seconde catégorie. Elle trouve que « la drôle de campagne que nous vivons trouve son explication dans 2012 », avec les « déçus pour de bonnes et de moins bonnes raisons ». Elle a du mal avec les « positionnements tactiques » et les « arguments d'autorité », la prolongation de l'état d'urgence, le projet d'aéroport de Notre Dame des Landes, le « décret pathétique sur Fessenheim »... Elle admet qu'il y a aussi eu sous Hollande « de belles choses aussi », mais prévient : « ce n'est pas ce qui a été bien fait qui est en question, mais ce que nous n'avons pas fait ». Face au constat, elle estime qu'il ne s'agit pas de « voter pour se défouler ou régler ses comptes », mais en « regardant devant soi ». Ce que fait selon elle Benoît Hamon : « il regarde lucidement le monde qui vient ». Reste que les primaires ont « épuisé son énergie » et « clivé au sein de son camp... » Elle lui sait gré d'avoir « dénoncé les postures convenues » et déplore que « l'élection puisse jouer sur du romanesque » avant de critiquer Hollande (« assez de petites phrases et de blagounettes »), Macron (« assez d'un pas à droite, un pas à gauche ») et Mélenchon qu'elle désigne par « celui qui dit qu'ils dégagent tous » qui se « positionne en victime » avec sa « pluie de grenouilles ».

 « Des combats sont perdus car on ne les mène pas »

Elle préfère Hamon qui « dit qu'il ne sera plus jamais socialiste sans être écologiste ». Elle défend son attitude sur l'Europe  quand « d'autres proposent des pistes qui seraient évacuées d'un revers de main par nos partenaires... On nous a fait le coup à 2005, on n'a rien vu après ». Pour Dominique Voynet, il n'y a cependant « pas deux gauches irréconciliables » mais trois gauches dont aucune « ne peut être majoritaire seule ». On sent ses réticences à l'égard de « la gauche social-libérale qui lorgne vers le centre et la droite, nie les rapports de classes », sa déception vis-à-vis de « la gauche social-démocrate qui devient toujours plus écologiste, qui renonce parfois devant les obstacles ce qui nous agace... », son scepticisme quant à la « gauche radicale et communiste... » Elle propose une leçon de mobilisation, mais aussi une leçon des échecs historiques : « des combats sont perdus car on ne les mène pas, d'autres parce qu'on n'a pas entendu les arguments : je me suis par exemple battue pour des TGV desservant les centres-villes et ne tuent pas les TER, aujourd'hui est pire que nos craintes d'hier. Il aurait alors été possible d'écouter les écolos et pas Jean-Pierre Chevènement... Le vote utile est celui des convictions ».

« J'ai dit une connerie ? Ça m'arrive, mais vous m'avez compris... »

Par ce qu'enfin, outre les convictions, quelle utilité y aurait-il à voter Hamon ? A cette question à laquelle bien des électeurs de gauche semblent disposés à répondre en votant Mélenchon, le député européen Edouard Martin répond avec la foi du supporter de foot : « je crois à la remontada ! » Tout son propos sera en fait construit sur autre chose que la foi, plutôt une conviction, dans le genre bon sang mais c'est bien sûr ! « Moi qui ai passé 35 ans aux trois-huit, qui ai connu des fins de mois difficiles, quand j'ai entendu Benoît Hamon parler du revenu universel, je me suis dit bon sang, mais c'est tellement vrai ! » Emporté par son élan, il commet un lapsus qui fait rire la salle : « les riches sont de plus en plus pauvres ». Les réactions l'interrompent : « J'ai dit une connerie ? Ça m'arrive, mais vous m'avez compris... » L'ancien délégué CFDT d'Arcelor parle industrie et économie : « en France, 80% des bénéfices sont distribués en dividendes, mais en Allemagne, 80% vont dans l'investissement et la croissance », mais aussi psychologie : « le malaise des chômeurs avouant dans un dîner qu'ils sont sans emploi ». Conclusion : « avec le revenu universel, on pourra exister autrement que par le travail ! Mais combien de candidats nous promettent le plein emploi ? »

Edouard Martin sur la loi El Khomri : « Je parie que les négociations des accords compétitivité chez Peugeot remettront en cause le tarif des heures sup ! Que feront Renault et Toyota dans la foulée ? »

Il cogne sur la loi El Khomri, s'est « désolidarisé de ceux qui l'ont soutenue », y compris avec les dirigeants de la CFDT « avec qui je me suis beaucoup engueulé » : « je parie que les négociations des accords compétitivité chez Peugeot remettront en cause le tarif des heures sup ! Que feront Renault et Toyota dans la foulée ? » Il dénonce « les lois Macron qui détricotent le code du travail en permettant, par exemple, de justifier des licenciements avec deux trimestres consécutifs de baisse du chiffre d'affaires ! » Il fustige le fait que « la finance veut zéro risque », mais « le risque existe, celui que les riches ne veulent pas prendre, c'est les salariés qui le prennent... » Edouard Martin prévient « ceux qui s'apprêtent à voter Macron » : « c'est le manque d'Europe sociale et de démocratie sociale ». Un symptôme en est la présence de 20.000 lobbyistes à Bruxelles : « ils me font chier tous les jours... Les lobbyistes, c'est comme le cholestérol, il y a le bon et le mauvais. Ceux-là veulent toujours opposer industrie et environnement... A 5 euros la tonne de carbone, les industriels achètent des droits à polluer plutôt qu'investir... Les lobbyistes ont menacé de fermer des usines, de délocaliser. Il y a des élus qui veulent tout changer, mais qui chient dans leur froc devant un lobbyiste ! » Edouard Martin veut encore convaincre les indécis : « allez leur parler... S'il y en a un qui doit porter le bilan du quinquennat, c'est Macron, pas Hamon... J'y crois, je sais que c'est dur... Mais dans un marathon, le dernier kilomètre est celui dans lequel beaucoup s'effondrent... »  

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !