Hamon-Macron-Mélenchon : des militants de gauche hésitent encore

Selon les enquêtes et les dynamiques, la majorité des électeurs de gauche ont choisi Mélenchon ou Macron, laissant les soutiens de Hamon sans trop d'espoir. Après avoir hésité, l'ancienne verte bisontine Catherine Thiébaut votera Macron, le montebourgeois Emmanuel Dumont votera Mélenchon. Anne-Sophie Andriantavy et Cécile Prudhomme (photo) restent fidèles à Hamon... Tous argumentent...

Anne-Sophie Andriantavy, en grande conversation sur la recomposition de la gauche avec Cécile Prudhomme et Claudine Caulet. (Photos Daniel Bordur)

La recomposition politique a commencé et la campagne présidentielle en est l'un des principaux instruments. Si l'on entend l'économiste insoumis Liêm Hoang Ngoc expliquer que sont en train d'émerger dans notre pays, deux partis de droite, un libéral représenté par Macron et un conservateur porté par Fillon, on peut considérer que c'est finalement assez simple.

Mais c'est sans doute aller un peu vite en besogne. Car rejoignent Macron des personnes qui refusent mordicus qu'on les classe à droite. C'est évidemment le cas de Jean-Louis Fousseret, le maire de Besançon, qui a souvent opté pour les leaders de la droite du PS, de Laurent Fabius à Dominique Strauss-Khan puis à François Hollande, avant de rallier, comme le droitier socialiste maire de Lyon Gérard Collomb.

C'est plus curieusement le cas de Catherine Thiébaut, conseillère municipale écologiste depuis deux mandats. Elle a certes quitté EELV l'an dernier, voté Juppé à la primaire de la droite et du centre, mais elle l'assure : « je ne crois pas être devenue de droite ». Pas plus qu'Emmanuel Macron : « je ne le sens pas de droite. J'ai toujours eu une difficulté avec Valls. Macron est brillant. Il est jeune, ce qui est une bonne chose, il incarne le renouvellement, il veut protéger les gens, mais va-t-il réussir ? Car l'Europe n'est pas protectrice actuellement... »

Soir de victoire législative pour Eric Alauzet en 2012... Catherine Thiébaut et Eric Durand étaient là...

En fait, ce qui pousse la syndicaliste Catherine Thibaut, ancienne déléguée du SNUI devenu aujourd'hui Solidaires-Finances, vers le candidat d'En Marche, c'est la méthode : « J'en ai assez des clivages. Au Sybert [qu'elle préside, ndlr], j'ai appris à travailler avec des gens de tous bords, j'aime qu'on travaille tous ensemble, sans jeter d'anathème. Il y a dix ans, j'étais plus radicale, j'ai évolué vers plus de sérénité, j'écoute davantage et je peux changer d'avis... »

« Si on n'est que dans les solutions,
on n'est plus politique »

On peut évidemment lui rétorquer que les divergences politiques n'ont jamais empêché de travailler en commun. Les commission parlementaires sont pluralistes, les intercommunalités ont souvent des exécutifs où cohabitent élus de droite et élus de gauche. Cela permet même de tenter de prendre en compte des intérêts a priori divergents... C'est d'ailleurs l'avis de l'adjointe Anne-Sophie Andriantavy, soutien de Benoît Hamon : « Macron dit vouloir trouver des solutions, je dis au contraire que c'est le travail des services. Nous, on a la philosophie, le projet de société. A ceux qui ont la connaissance technique de le faire. Si on n'est que dans les solutions, on n'est plus politique. Et une fois que le projet est choisi, on peut travailler avec la droite et la gauche... »

Catherine Thiébaut évoque les programmes et positionnements nationaux : je suis comme beaucoup de gens qui hésitent, ne savaient pas pour qui voter. J'ai éliminé Le Pen et Fillon, il en restait trois : Hamon, Mélenchon et Macron... » Et elle regarde : « au meeting de Lille, Mélenchon a recommencé à être agressif. Il ne change pas et son programme n'est pas réaliste, je n'y crois pas, je l'élimine... Hamon, j'ai toujours pensé qu'il allait retomber. Son programme est sympa, mais notre pays n'est pas prêt pour le revenu universel. Ma fille et mon gendre l'ont compris... L'assise électorale de Fillon c'est les plus de 60 ans, il ne restait que Macron... »

Ne manque-t-elle pas d'enthousiasme ? Ben non ! « J'ai lu et relu son programme, il m'a séduite mais je suis  encore un peu méfiante, je n'adhère pas à 100%... Ce qui me plait, c'est qu'il n'est pas clivant, c'est une des raisons pour lesquelles j'ai quitté les Verts... J'ai par exemple évolué sur la vidéo-surveillance. Et je suis rassurée de voir que des écolos pragmatiques l'entourent, comme De Rugy ou Matthieu Orphelin qui a été le bras droit de Nicolas Hulot. Et Macron dit vouloir appliquer la loi de transition énergétique, son programme est crédible... »

« Un second tour entre Le Pen et Fillon m'effraie »

Le logiciel économique marcronien n'est-il pas libéral ? « Il veut investir 50 milliards dans l'écologie, dont des fonds privés... » Et la loi travail, le fait de légiférer par ordonnances ? « Je ne suis pas sûre de ça, des syndicats comme la CFDT disent le contraire, je n'ai pas regardé le détail... » Et son manque de fond critiqué par les dizaines de gens qui quittent ses meetings avant la fin ? Elle répond : « je ne l'ai pas trouvé transcendant à Besançon. Même chez Mélenchon, on sent la lassitude. On sent que la campagne doit se finir... C'est vrai qu'il n'a pas donné de chiffres, mais il y en a dans son programme... »

Et si Catherine Thibaut avait choisi Macron par défaut ? Pour éviter un second tour entre Le Pen et Fillon ? Bref, par peur ? « Bien sûr, c'est ce qui m'effraie aussi. C'est ce qui m'avait décidée à voter à la primaire de droite. Je ne pourrais pas voter Fillon... »

Le député Eric Alauzet se pose aussi des questions, hésite. Certains à gauche expliquent ainsi pourquoi il n'a pas signé l'appel des élus socialistes et écologistes du Doubs en faveur de Benoît Hamon. L'un nous a assuré qu'il attendait les derniers sondages pour se prononcer. Il y a quelques jours, il nous rappelait une position déjà exprimée à l'issue de la primaire socialiste : « la vraie primaire de la gauche, ce sera le premier tour de la présidentielle ». C'est une façon d'arrimer Emmanuel Macron à gauche. Contre l'évidence du glissement à droite de son discours économique et social qui n'a pas échappé à Dominique Voynet lorsqu'elle évoque cette « gauche social-libérale qui lorgne vers le centre et la droite, nie les rapports de classes... »

« Hamon est dans un piège »

Siégeant au sein de la même majorité municipale que Cathérine Thiébaut et Eric Alauzet, mais aussi les macronistes Jean-Louis Fousseret, Danièle Dard, Dominique Schauss ou Pascal Curie, le montebourgeois historique Emmanuel Dumont va pour sa part voter Mélenchon. « Cela ne fait pas de moi un insoumis, mais Hamon est dans un piège », explique-t-il, « il devrait retirer sa candidature, sinon il va se retrouver en short... »

Emmanuel Dumont voit Macron comme le représentant de la deuxième gauche : « économiquement de droite et sociétalement de gauche... Il est complexe, comme les rocardiens, mais sans le passé PSU... » Quoique, on connaît des anciens PSU qui vont voter Macrons, d'autres Hamon, et d'autres encore Mélenchon... Quoi qu'il en soit, Dumont « sent une dynamique » et considère que « l'intervention de François Hollande est de nature à convaincre de voter Mélenchon... La gauche est en recomposition, il faut que le processus s'achève ».

Qu'adviendra-t-il du PS ? Elise Aebisher compte bien y demeurer : « même si c'est difficile de rester dans le même parti que les macronistes, c'est à nous de rester, le nom nous appartient... » Benjamin Couble, responsable du MJS, renchérit : « c'est notre héritage, pas le leur. C'est nous qui sommes de gauche, pas Valls ni Fousseret... » C'est ainsi que les deux jeunes socialistes, soutiens de Benoît Hamon, évacuent la question stratégique que nous leur posions : les frondeurs auraient-ils dû acter leurs divergences avec le gouvernement et Solférino en quittant le PS ? En fait, c'est le résultat de dimanche qui devrait réellement éclairer cette question.

« Je ne vois pas le futur de la gauche avec une logique d'appareil », assure Elise Aebisher. C'est aussi l'avis de ceux, nombreux, qui ont quitté les partis ces dernières années... Et qui pour certains, ont construit avec un certains succès des mouvements comme la France insoumise ou En Marche...

 

 

 

 

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