Les chamailleries à propos de la répartition des directions du conseil régional entre Dijon et Besançon sont un symptôme de plus, s'il en fallait encore, de la nocivité de la fusion des régions, et notamment de la fusion de la Bourgogne et de la Franche-Comté. Vu de Paris, elle accompagne les fusions des directions régionales de l'État. Mais en confortant Dijon au-delà de ce que l'État avait lui-même réparti, la courte majorité socialiste du conseil régional donne le signal que la curée peut continuer.
Marie-Guite Dufay avait promis que la direction de l'environnement et la direction de la recherche et de l'enseignement supérieur seraient implantées à Besançon. Ce qu'il faut peut-être appeler le courant bourguignon de la majorité aura réussi à inverser la tendance à l'équilibre des lieux du pouvoir administratif qu'on avait cru que Marie-Guite Dufay avait obtenu. Et ces directions iront probablement à Dijon si l'assemblée les adopte le 24 juin.
Après la rocambolesque affaire du tribunal de commerce spécialisé, promis à Besançon mais récupéré par Dijon après, dit-on, un coup de fil de Rebsamen à Hollande, faisant suite au déménagement à Dijon du service études de l'INSEE et de la direction régionale de Pole emploi alors que la DIRECCTE est à Besançon, voilà qui augure bel et bien d'une vassalisation de la Franche-Comté.
Nous employons le terme vassalisation à dessein car l'architecture politique et institutionnelle du pays tend vers une forme de féodalité métropol'urbaine. Alors que la concurrence est érigée en valeur suprême par les instances européennes, imposée même lorsque les peuples disent n'en plus vouloir (voir les référendums néerlandais et français de 2005), il serait illusoire de la voir battue en brèche au niveau des collectivités territoriales, même si les exécutifs se gargarisent du concept de coopération.
En fait, la coopération, cela se pratique entre égaux. La concurrence, cela vise à instaurer la victoire du grand sur le moins grand, du fort sur le faible. Parfois, le faible se dit agile pour vanter sa capacité d'adaptation et se faire bien voir des costauds. Là, les forts ont imposé d'avoir les symboles chez eux à l'occasion d'un partage de dépouilles quasi clandestin tant il est honteux. Dijon est si près de Paris par le train que l'argument de Jean-Louis Fousseret selon lequel Dijon et Besançon n'étant qu'à un jet de TGV, on peut sans problème partager les directions entre les deux villes, cet argument ferroviaire peut aujourd'hui se retourner contre lui : Dijon peut être vue comme un faubourg de la capitale, et Besançon la banlieue de Dijon...
La vérité, c'est que les élus bisontins se sont lourdement trompés quand Manuel Valls a annoncé sa funeste réforme territoriale. Sans doute ne voulaient-ils pas, comme socialistes, critiquer trop fort un gouvernement mettant en œuvre des politiques ne faisant pas partie du programme électoral sur lequel Hollande et la majorité parlementaire ont été élus en 2012.
Il aurait alors été responsable de dire non dès le début. De démonter l'argument servi par les héraut de la réforme, comme Marie-Guite Dufay, qui assurait avec une parfaite mauvaise foi qu'à deux on est plus fort. Alors qu'un accroissement des compétences et des moyens des régions les auraient rendues plus solides, plus crédibles. Une voie moins tordue était celle de la fusion départements-région, esquissée par Sarkozy avec la mauvaise idée du conseiller territorial, duc ou marquis à Besançon, nobliau sur ses terres cantonales. Ç'aurait été original d'inventer quelque chose de plus collégial, d'enfin renoncer à confier l'exécutif à un(e) seul(e), d'imaginer l'intervention citoyenne, de la société civile dotée d'autre chose que du simple pouvoir de la parole.
Il aurait été responsable de dire non pas seulement à Besançon, pas seulement en Franche-Comté, mais dans le pays. Ce fut la tentation de Fousseret qui devait avoir sinon un mauvais pressentiment, du moins de l'intuition, car il n'arrête pas de dire qu'il n'est pas naïf. En homme de pouvoir, il sait de quoi sont capables les détenteurs de pouvoir. Dans le cadre d'institutions verrouillées comme celle de la 5e république - nous nous répétons - les pires projets peuvent passer en force, par dessus la représentation nationale. Alors les citoyens...
Face aux centralismes jacobins - qu'ils soient parisien ou dijonnais voire bruxellois - les habitants de Franche-Comté n'ont pas à se plaindre mais à être citoyens et impliqués.