Friche Sernam de Besançon : enfin de l’urbanisme !

Le choix de l'architecte Brigitte Metra pour concevoir la première tranche du futur pôle tertiaire Viotte, marque pour la ville un tournant ambitieux et symbolique dans ses projets de construction, même si des questions demeurent.

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L'architecte Brigitte Métra a été choisie par Jean-Louis Fousseret et Vincent Fuster, président de la SedD, pour construire la future cité administrative Viotte. Elle faisait partie des cinq sélectionnés en octobre 2015 parmi 80 candidats, puis des deux derniers - avec Reichen & Robert - avec qui une négociation s'est poursuivie jusqu'à début juillet.

Longtemps membre de l'équipe de Jean Nouvel, Brigitte Métra vole de ses propres ailes depuis 2003. On lui doit l'usine Sophysa dans la zone Témis de Besançon, la restructuration de la Commanderie de Dole, le théâtre de l'Archipel de Perpignan, la salle de concert de la belle mais chère Philharmonique de Paris (qui a en partie échappé à son concepteur Jean Nouvel) ou encore le Palais de la culture et des congrès de Lucerne. C'est aussi une Franc-Comtoise, née à Besançon de parents dolois, venant régulièrement dans le Haut-Doubs. Dès qu'elle a su qu'un concours était ouvert pour le pôle tertiaire, elle s'est dit : « c'est pour moi ! »

Le projet dans lequel la collectivité met 23,7 millions d'euros, n'a rien de banal. Il s'agit de positionner Besançon dès la descente du train comme une « capitale économique dans la grande région », dit Jean-Louis Fousseret. Certes, il s'agit d'installer l'Agence régionale de santé et cinq directions de l'Etat, soit plus de 800 fonctionnaires, sur l'emprise du terrain des actuels bâtiments qui accueillirent le Sernam et abritent encore des locaux du CE de la SNCF dont un centre de loisirs. Il s'agit aussi, c'était la commande, d'en faire un symbole avec « deux bâtiments signaux ».

Dans la bouche de Brigitte Métra, cela donne : « il fallait surtout créer une architecture contextuelle et conceptuelle. Je connais bien le génie du lieu, la belle pierre de Chailluz, la nature et la culture de Franche-Comté ». Elle est partie de la question : « Que montrer de Besançon en arrivant ? » De fait, quand on quitte la gare, on voit, devant soi, la Citadelle et les toits de la Boucle. Et en tournant le regard sur la gauche, on verra deux fières et imposantes façades revêtues de lamelles métalliques bicolores, sensiblement plus hautes que les hôtels de l'avenue Foch et de la rue de la Viotte.

Une promenade publique s'insèrera entre les bâtiments, « porte vers un nouveau quartier » dont la deuxième tranche figurant sur le plan, pourrait représenter 150 logements s'ajoutant à la cinquantaine du projet. De la halle Sernam, on « gardera tout ce qu'on peut », explique l'architecte qui pense notamment aux éléments de charpente en bois. En fonction de leur état et des résultats des analyses des sols, ils pourront être conservés ou remplacés par des neufs...

Mine de rien, c'est l'opération d'urbanisme la plus ambitieuse à Besançon depuis la construction de la Cité des Arts qui venait après quelques décennies d'inconséquences, de ratages sinon de saccages que la proximité du second secteur sauvegardé du pays - par la taille - n'aura pas empêché. Le dossier de presse de la mairie souligne que ce projet de 20.500 m², à la taille « sans équivalent » à Besançon, est « le symbole d'un renouvellement et d'un élan architectural contemporain » sur la ville.

Restera cependant à confirmer ces bonnes intentions pour la suite, un programme de 40.000 m² de « locaux de natures diverses ». Des questions quant à la destination de ces surfaces ultérieures ne manqueront pas de se poser quand on réalise que la première tranche est très majoritairement tertiaire : 16.100 m² de bureaux pour 3100 m² de logements (une cinquantaine construits par la SMCI, l'actionnaire principal de notre confrère macommune.info) et 1300 m² de commerces dont une brasserie. Viotte est-il voué à devenir un quartier tertiaire plus vaste encore ? On songe à ce que sont aujourd'hui les abords de la gare de Grenoble, très largement dédiés aux bureaux.

Quoi qu'il en soit, cette première tranche arrive opportunément dans le drôle de jeu de la concurrence, ravivée par la réforme territoriale, à laquelle jouent les maires de Dijon et Besançon. Le pôle tertiaire Viotte est ainsi présenté comme « un enjeu majeur dans le nouvel équilibre » entre les deux villes. On serait taquin, on ferait remarquer que la rupture d'un équilibre provoque... un déséquilibre qu'on préfère appeler « nouvel équilibre ». Destiné à conjurer l'inconfort du déséquilibre, il s'atteindrait grâce au « principe de gare à gare » qui fait florès dans le pays : « il y a la même recherche [de terrains disponibles près de la gare] à Dijon », explique le préfet Raphaël Bartolt. 

En est-on réduit, en haut lieu, à se réjouir que les fonctionnaires devant passer du temps dans les trains ne perdent pas de précieuses minutes pour se rendre à la gare ? Pour l'heure, l'Etat joue un rôle de stabilisateur en assurant de la « stabilité de sa présence » : « j'ai fait supprimer de la convention les clauses de revoyure à trois, six et neuf ans », dit le préfet. Outre les économies de loyers, le regroupement de différents services est, indique-t-il, un gage d'efficacité car il permet de « meilleures collaborations, davantage d'échanges et moins de transports ».

Reste un angle mort de l'urbanisme français : la propriété privée du foncier urbain qui joue comme un accélérateur de la spéculation. Celle-ci est largement à l'origine des déséquilibres entre quartiers, entre ville et périphérie. Elle accroît les difficultés de logement des plus pauvres et des travailleurs modestes, freine la maîtrise de l'urbanisme par les collectivités et de l'aménagement du territoire...

 

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