Frédéric Barbier élu avec 23,17% des inscrits : pas de quoi pavoiser

Législative partielle d'Audincourt : le candidat socialiste (51,43% des exprimés) a battu la candidate d'extrême droite avec 863 voix d'avance mais 3807 voix de moins que Pierre Moscovici en juin 2012.

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Comme il a raison, Frédéric Barbier, de ne « pas pavoiser » après sa victoire au second tour (résultats ici) de la législative partielle d'Audincourt ! Il n'a pas tort de dire que « la classe politique doit renouer avec les citoyens et accepter de se remettre en cause », qu'il faut « mettre fin aux privilèges et aux baronnies locales ». Premier socialiste à gagner une élection législative depuis 2012, sera-t-il pour autant entendu ?

Saura-t-il faire entendre au duo de l'exécutif qu'une autre petite musique que celle de Terra Nova est possible pour la gauche ? Cette petite musique selon laquelle le PS n'aurait plus besoin de s'adresser aux classes populaires puisqu'elles votent à l'extrême droite ! On caricature à peine. Et encore, si c'était une caricature - elle est plus nécessaire que jamais - ce serait juste pour dire que forcer le trait permet d'appuyer une démonstration.

Quatre fois plus de bulletins nuls

D'abord, Frédéric Barbier aura, comme tout le monde regardé les chiffres. Il n'y a pas de quoi pavoiser quand l'abstention reste majoritaire (51% des inscrits). Pas de quoi faire le fier quand on est élu avec 23,17% des inscrits : c'est moins que ce qui est nécessaire au premier tour quand on ne dépasse pas 50% des voix... Pas de quoi pavoiser quand le nombre de bulletins blancs est multiplié par quatre, que les bulletins nuls sont plus de trois fois plus nombreux. Ils ont été 4% des inscrits à voter sans choisir : cela montre le succès très relatif du « ni ni » de Sarkozy, mais aussi l'incapacité de son pouvoir de nuisance à faire chuter le PS.

Donc Frédéric Barbier a raison de la jouer modeste. Et Sophie Montel a tort de parler de victoire du FN. Certes, elle a flanqué la trouille aux républicains, mais avec ses 48,57% des exprimés, elle plafonne à 21,88% des inscrits, obtenant 6259 voix de plus qu'au premier tour, récupérant forcément des voix de droite, et probablement quelques unes issues de la gauche. En creux, ces résultats montrent une fois de plus la défiance des électeurs de gauche pour leur camp : bon nombre n'a pas voté. Frédéric Barbier réalise 917 voix de moins que Pierre Moscovici au premier tour de l'élection de juin 2012, et il lui manque 3807 électeurs potentiels par rapport au second tour.

Bernard Lachambre (EELV) : une victoire au « goût amer »

La défiance, c'est ce dont parle Bernard Lachambre, le candidat écologiste en évoquant une « victoire au goût amer » et en soulignant que « les Français sont attachés à certains acquis sociaux remis en cause (repos dominical, prestations sociales et de santé, chômage...), aspirent à plus de justice sociale, que leurs inquiétudes portent principalement sur l'emploi et l'environnement (climat, pollution...)... Cette élection est un coup de semonce qui doit être pris très au sérieux par le gouvernement et nécessite une inflexion de sa politique ».  

Parce qu'enfin, qui parle aux ouvriers, aux précaires des petits boulots en miette, aux chômeurs, aux intérimaires ? Ignares, les médias instantanés, tétanisés par les coups de mentons, incapables de se faire historiens, clament « le FN ! » Ils ne connaissent que lui et lui font la courte échelle. Alors que ceux qui sont réellement au contact quotidien de ceux qui peinent et triment, sont des militants associatifs et des syndicalistes, des voisins, des travailleurs sociaux et des enseignants. Quand ils ont des engagements politiques, c'est partout sauf à l'extrême droite...

La responsabilité des médias vendant du temps de cerveau disponible

Cela, Frédéric Barbier le sait. Comme le savent aussi Charles Demouge (UMP), Vincent Adami (PCF), Michel Treppo (LO) ou Bernard Lachambre (EELV), candidats éliminés du premier tour. Élus locaux, militants politiques ou syndicaux, ils s'opposent parfois durement, mais tous se coltinent le réel, tentent d'apporter ce qu'ils pensent être des solutions justes aux problèmes qui se posent, sans monter les gens les uns contre les autres en fonction de leur couleur de peau, de l'origine de leurs parents ou grands-parents, de leur régime alimentaire.

Ce que ne disent pas les médias de masse, notamment ceux qui vendent du temps de cerveau disponible à leurs annonceurs des sociétés transnationales, c'est que le FN n'est pas dans cette démarche, que l'extrême droite n'y a jamais été. Pire, il a récupéré à son profit la critique faite par d'autres. La critique de l'orientation libérale de l'Union européenne vient en effet majoritairement de la gauche et d'une bonne part des gaullistes historiques que l'on classe un peu trop commodément parmi les souverainistes.

L'urgence politique

Ce que ne disent pas ces médias, c'est que c'est ainsi que procède l'extrême-droite, comme le fit Hitler pour accéder au pouvoir en tentant de séduire une partie de la classe ouvrière, annonçant par exemple des nationalisations très vite oubliées. Mais gardant le pire : l'antisémitisme, le racisme, les camps de la mort, la rapine, l'enrichissement personnel.

En ignorant les critiques originaux et autrement plus cohérents dont le FN s'inspire, en se vautrant dans la pantalonnade de la « dédiabolisation », en dépolitisant tout et en transformant tout en barnum, ces entreprises de spectacle pensent davantage à leur compte en banque qu'à la mission qui leur a été confiée par le pays et ses représentants. 

Il n'y a pas qu'une urgence économique et sociale dans ce pays. Pas une urgence à « expliquer mieux » à des gens qui n'auraient pas compris. Il y a une urgence politique. A faire de la politique qui n'est pas seulement des mots, mais aussi des actes. La société du spectacle le sait-elle seulement ?

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