François Sauvadet : « je serai conseiller territorial ! »

Le candidat UDI à la présidence de la grande région Bourgogne-Franche-Comté s'appuie sur les élus locaux et départementaux... et la réforme territoriale de Sarkozy retoquée par Hollande. Les « assises territoriales » organisées jeudi 22 octobre à Saint-Vit ont été l'occasion de défendre d'autres relations contractuelles entre la région et les intercommunalités. Non sans arrière-pensées pour certains...

François Sauvadet, très chaleureux avec Clément Pernot, le président du Jura. Photos D.B.

La droite est-elle nostalgique de la défunte réforme territoriale sarkozyste ? François Sauvadet ne cache pas qu'il s'en inspire et qu'il se l'appliquera à lui-même, du moins dans l'esprit. Qu'il soit vainqueur ou défait, il annonce qu'il abandonnera son mandat de député. Il serait de toute façon obligé de choisir, parmi les trois mandats qu'il occupera, lequel il laissera pour se conformer à la règle anti-cumul. Très bien réélu au printemps dernier président du département de Côte d'or, il estime que ce ne serait pas sérieux d'en partir aussi vite. S'il est élu président de la grande région Bourgogne-Franche-Comté le 13 décembre, il cèdera la présidence du département, c'est la loi, mais restera conseiller départemental. Vaincu aux régionales, il siégerait dans l'opposition tout en continuant à présider la Côte d'or : « je serai conseiller territorial », sourit-il.

Conseiller territorial, c'était justement le double mandat créé par la loi du 16 décembre 2010. Élus au scrutin majoritaire dans les cantons, les conseillers territoriaux devaient, à partir de 2014, siéger au département et à la région. Ces dispositions issues de la commission Balladur ont été remises en cause par les élections de 2012, François Hollande improvisant au printemps 2014 la réforme territoriale qui se dévoilera au compte-goutte et comprend la fusion de certaines régions, une nouvelle répartition des compétences entre les collectivités, et une assez peu visible réforme des services déconcentrés de l'Etat. On verra mardi 27 octobre si l'alliance LR-UDI entend avoir beaucoup de « conseillers territoriaux », autrement dit des candidats éligibles étant déjà conseillers départementaux, comme l'est également Hélène Pélissard, tête de liste dans le Jura. Les Républicains tenaient leur commission nationale d'investiture ce jeudi 22 octobre, et, l'UDI devant se réunir le 27 pour entériner ses candidats, on devrait avoir - enfin - les listes complètes dans la foulée.

« Nous nous projetons dans la prochaine mandature »

Les huit têtes de listes

Côte d'Or : François Sauvadet, député, président du département (UDI)
Doubs : Patrick Genre, maire de Pontarlier, président de l'AMF du Doubs (DVD)
Jura : Hélène Pélissard, conseillère régionale, première vice-présidente du département (LR)
Nièvre : Guillaume Maillard, adjoint au maire de Nevers (UDI)
Haute-Saône : Alain Joyandet, sénateur (LR)
Saône-et-Loire : Arnaud Danjean, conseiller régional, député européen (LR)
Yonne : Eric Gentis, conseiller régional (LR)
Territoire-de-Belfort : Didier Vallverdu, maire de Rougemont-le-Château (LR)

Du coup, la formule consistant à dire qu'il ne va « pas faire la fusion, mais la réussir », prend tout son sens. Elle revêt une certaine cohérence quand le chef de file de la droite défend une « région fédérale » ou une « fédération de départements » qui s'appuiera sur une conférence des présidents et des « assises territoriales annuelles qui se tiendront dans chaque département ». Comme le mandat dure six ans et qu'il y a huit départements dont six à droite, François Sauvadet s'enthousiasme ce jeudi 22 octobre à Saint-Vit. Devant les 120 participants d'une réunion appelée « assises territoriales », il lance avec un clin d'oeil, la voix enrouée par la campagne : « nous nous projetons dans la prochaine mandature ». Il n'en dit pas davantage, sans doute conscient que penser tout haut à 2021-2027 peut lui valoir le reproche de vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué...

Il écoute d'ailleurs ce qui lui revient comme un boomerang. A Dole, en ouvrant la campagne le 29 septembre, il s'était engagé à « ne pas prononcer le nom de la candidate socialiste ». A Saint-Vit, il critique les « cafés militants de Madame Dufay où l'on parle entre soi, c'est le mal socialiste : je dis son nom parce que j'ai lu un papier où on m'a traité de macho... » Il la joue sympa et ouvert, mais aussi efficace en glissant à ses anciens confrères journalistes, un métier qu'il a exercé de 1977 à 1993, que sa loi sur résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique a été votée « à l'unanimité et sans grève » (en fait, il y a eu une voix PS contre, voir ici, et l'abstention du Front de gauche, voir le débat ). Il mime même Sarkozy lui disant : « pas dans la rue ! hein ! pas dans la rue ! »

« Assez de ces supra-régions où il faut rentrer dans des cases... »

Le candidat de la droite annonce une « rupture » dans la méthode de gouvernance socialiste : « tout le monde en a assez de ces supra-régions où il faut rentrer dans des cases... » Il parle des territoires, de « la proximité de la région parisienne, de Rhône-Alpes et de la Suisse qui sont des chances », comme le fait d'être « une porte vers l'Europe qui représente 75% de notre commerce extérieur ». Il veut se « projeter dans l'industrie 4.0 », caresse le poils des agriculteurs, se régale encore du « morbier exceptionnel » dégusté à Métabief.

Devant le parterre d'élus locaux, il donne en fait les axes de la campagne. Redit son programme déjà exposé sur le très haut débit, sur le « bon et le mauvais emprunt » : le bon, c'est « pour les investissements structurants qu'on adossera à la BEI ». Il promet un « choc de simplification » dans les dossiers de contractualisation avec l'agriculture. Il parle routes et emplois dans le BTP, tape sur le contrat de plan Etat-région « rédigé sur un coin de table entre copains socialistes ».

« La revanche de la géographie »

Auparavant, ces assises avaient démarré par un exposé du géographe et ancien vice-président du Conseil régional, Jean-Claude Duverget. Il explique que Besançon fut plus peuplée que Dijon jusqu'au début  du19e siècle : « le tournant de destinées vient des cinq ans de décalage d'équipement ferroviaire ». Il montre plusieurs cartes de projets de divers découpages, notamment en 1891 où la Franche-Comté est liée à la Saône-et-Loire, l'Ain et la Côte d'Or : « le pays a connu 41 tentatives de découpage entre 1850 et 1970 », dit l'auteur de Chronique d'une fusion décidée depuis 160 ans. Il voit dans l'actuelle fusion, qu'il approuve, « la revanche de la géographie » : « si on allie Bourgogne et Franche-Comté, l'axe naturel est la Saône... »

Le « grand témoin » Jacques Pélissard, maire de Lons-le-Saunier depuis 1989 et consensuel président de l'association des maires de France (AMF) de 2004 à 2014, dit sa foi première dans les communes : « c'est là que les élus peuvent identifier les attentes de la population et où s'exerce la démocratie locale ». Une dizaine d'élus se succèdent au micro, laissent apparaître convergences et ambitions, voire quelques points d'achoppement, présents ou futurs. Tous critiquent la gouvernance socialiste, même si elle diffère entre Bourgogne et Franche-Comté d'aujourd'hui. Plusieurs dénoncent le pouvoir central : « Je suis lassé de subir les Parisiens », soupire le président du Jura Clément Pernot. Le député-maire de Vesoul, Alain Chrétien, souligne le « problème du centralisme administratif » du pays et refuse que les treize régions deviennent « comme treize petits Paris ». Il ne veut donc « pas de duc de Bourgogne », mais souligne « l'enjeu des premiers mois : Dijon sera l'animatrice des territoires et pas la capitale d'une région centralisée ».

« Une contractualisation adaptée aux territoires »

Plusieurs critiquent la réforme territoriale : « Ce que le gouvernement a raté, les territoires peuvent le réussir », dit le premier vice-président de la Côte d'Or, François-Xavier Dugourd. « La gauche compte sur la droite pour mettre en place sa mauvaise réforme », dit Clément Pernot, ravi de voir un de ses collègues « forcément départementaliste » briguer la tête de la région. La députée-maire de Morteau, Annie Genevard, met le doigt sur « la bombe à retardement posée par les socialistes : tous les schémas inscrits dans la loi vont mobiliser  beaucoup de crédits ». Cela gênera-t-il la politique de la droite en cas de victoire ? Est-ce cela qui motive sa promesse de changement de méthode ?

Parce qu'on parle d'une autre contractualisation entre les territoires - com-com ou pays - et la région. Cette contractualisation doit « permettre de se projeter », dit Dominique Vernier, présidente de l'AMF de l'Yonne. Marie-Claude Jarrot présidente de l'AMF de Saône-et-Loire et maire de Montceau-les-Mines veut une « contractualisation adaptée aux territoires et innovante ». Président du département du Territoire-de-Belfort, Florian Bouquet va dans le même sens : « il faut tenir compte des particularités locales ». Le maire de Pontarlier et président de l'AMF du Doubs, Patrick Genre, est encore plus clair : « il faut trouver une forme de contractualisation qui change d'un territoire à un autre, pas une contractualisation fléchée... » A contrario, le président de la com-com du Val de Morteau, Jean-Marie Binetruy, qui veut développer le tourisme, suggère de « pérenniser le dispositif des contrats de station ».

« Aller chercher des financements dans le privé »

Quand Patrick Genre veut « redonner du pouvoir aux territoires locaux », il donne un argument à ceux qui voient en lui un « baron » installant son pouvoir sur une partie du Haut-Doubs. Françoise Branget, vice-présidente du Doubs, se réjouit du rapprochement région-départements et y voit « une possibilité de mutualiser ». Nul doute que la petite phrase est de nature à inquiéter un peu plus encore les fonctionnaires territoriaux des départements alors que beaucoup de fonctionnaires des régions ne savent pas de quoi 2106 sera fait. Le député-maire de Dole, Jean-Marie Sermier, fait une autre suggestion : « Comment financer les transports ? L'aéroport ? Il faut aller plus loin que l'addition des budgets, trouver des solutions modernes, aller chercher des financements dans le privé. Pour la mise à quatre voies de la liaison Poligny-Lausanne, si on attend l'argent public, on attendra longtemps... »

Cette orientation suppose un partenariat public-privé, une ingénierie financière d'un autre type. De quoi largement alimenter le débat interne d'une éventuelle majorité régionale de droite et enflammer son opposition. Une telle perspective sert généralement une belle rente aux investisseurs, fait peser des soupçons de corruption, voire ouvre la voie aux routes à péage... François Sauvadet n'a sans doute pas intérêt à ce que la campagne, qui « sera difficile », comme le pronostique Alain Joyandet, s'oriente dans cette direction...

 

 

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