FN : arrêtez de vous faire peur !

L'extrême-droite à 25 %, voire 28,8 en Franche-Comté : des commentateurs sont fascinés. Un Français sur quatre, ajoutent-ils mi inquiets mi gourmands. Oui mais voilà, un électeur sur quatre quand six n'ont pas voté, cela fait un sur dix. 12,8% des inscrits, c'est un citoyen comtois sur huit ; 6,9%, c'est un Bisontin sur quatorze...

bureauvote

C'est un fait, le FN est un parti d'extrême droite. On peut toujours le penser, le démontrer, le dire et l'écrire. On peut aussi récuser la fameuse « dédiabolisation » qui est surtout une opération relativement réussie de communication en direction d'entreprises de... communication de masse (un exemple ici). Le FN puise un peu partout pour se constituer un programme dont il change le contenu au gré du vent. Il était ultra-libéral il n'y a pas si longtemps, le voilà qui réclame aujourd'hui la nationalisation [d'Alstom] comme l'auraient fait les hérauts du Programme commun de 1972. Comme jadis le NSDAP (parti nazi) dans l'opposition, avant de - notamment - mener une politique en faveur des industriels et des financiers qui l'avaient hissé au pouvoir après des élections ayant vu rétrécir sa majorité relative, passée de 37% à 33% et perdant 40 députés !

Voilà le FN à 25 %, s'alarment des commentateurs fascinés. Un Français sur quatre, ajoutent-ils mi inquiets mi gourmands. Oui mais voilà, un électeur sur quatre quand six n'ont pas voté, cela fait un sur dix. Les électeurs du FN n'ont ni prospéré ni fait des petits. Ils ont simplement davantage voté que les autres. Et une loi électorale compliquée leur donne un tiers de sièges, au détriment du centre, des écologistes et du Front de gauche, laminés dans plusieurs circonscriptions alors qu'ils auraient mieux résisté dans un vote national.

Un citoyen sur huit

Une analyse comparative des derniers scrutins en Franche-Comté et à Besançon permet de relativiser ce qui est présenté comme une « vague bleu marine », voire un « raz-de-marée » comme l'a titré L'Est républicain. Dans la région, il a obtenu 106.000 voix. C'est beaucoup, presque 13% des inscrits, soit un citoyen sur huit. Mais ce n'est pas la première fois : Marine Le Pen avait obtenu près de 142.000 suffrages à la dernière présidentielle, soit un peu plus que son père (+ Mégret) dix ans plus tôt, soit un citoyen sur six. On doit aussi constater que l'électorat du FN varie beaucoup et en fonction du type d'élection. C'est la première fois que le parti d'extrême droite réalise un tel résultat lors d'élections européennes qui lui avaient mal réussi en 2004 (5,4% des inscrits) et en 2009 (3%).

A Besançon, le FN a obtenu 4723 voix aux européennes, soit moins de 7% des inscrits. C'est 460 de plus qu'au premier tour des municipales et 1617 de plus qu'au second tour. C'est beaucoup moins qu'à la présidentielle de 2012 (6150 voix et 9% des inscrits), moins qu'à la fameuse de 2002 où Le Pen et Mégret avaient totalisé 7008 voix et 11,22% des inscrits le 21 avril avant que le premier ne se tasse à 6504 voix au second tour. Certes, ce sont les votants qui décident et non les abstentionnistes, mais il faut voir ce qui est : à Besançon, le FN a convaincu un citoyen sur quatorze le 25 mai dernier. Le 21 avril 2002, c'était un sur neuf. 

Besançon : le FN gagne des voix d'un scrutin à l'autre au centre-ville, en perd dans les quartiers...

Parmi les 66 bureaux de vote bisontins, celui qui a voté le plus à droite il y a deux mois lors des municipales (n° 505 Helvétie, quartier bourgeois, 50,7% pour la liste Grosperrin au premier tour) a enregistré 96 votants de moins. La droite et le centre ont perdu 85 voix, le PS, les écologistes et les divers-gauche 91, pendant que le FN en gagnait 25 et que la gauche « de gauche » gagnait 19 voix (FG 40 en mars, FG+ND+LO+NPA 59 en mai).

Le bureau Champrond (n° 201, quartier Battant), le plus à gauche de la ville avec 75,6% en mars l'est resté en mai. Et si là aussi il y a moins d'électeurs (109), seul le FN a augmenté (+ 15), la gauche perdant dans l'abstention un quart de son électorat et la droite un tiers. Dans la Boucle, le bureau 101 est dans une configuration très proche. Comme à l'Helvétie, on constate que le Front de gauche souffre de la présence de Nouvelle Donne.

Le bureau Fanart (n° 307, résidentiel) était de ceux où la droite était devant la gauche au premier tour des municipales avec un FN plus haut que la moyenne, la participation s'est effondrée (- 35 %) aux européennes et tous les groupes ont perdu des voix (un tiers pour la droite, 45% pour la gauche, 12% pour le FN) sauf la gauche non socialiste. A Saint-Claude, le bureau 403 offre des similarités :  un quart de votants en moins, un tiers en moins pour la droite, 45% en moins pour la gauche, 15% en moins pour le FN, 8 voix de moins pour le FG, mais 2 de plus pour la gauche critique si l'on ajoute Nouvelle Donne...

Planoise : jusqu'à 80% d'abstention le 25 mai

Planoise est particulier avec des taux d'abstentions très importants, plus de 80% à Ile-de-France (n° 601) où le FN avait obtenu son record de suffrages exprimés (22%) aux municipales et passe de 56 à 40 voix tandis que la gauche perd plus de la moitié des ses voix, la droite 40%... Bouloche (n° 604) qui avait vu le FN devant l'UMP aux municipales voit là aussi tous les camps, sauf le Front de gauche (18 à 26), perdre des voix aux européennes : PS et EELV perdent les deux tiers des voix (196 à 69), la droite un tiers (51 à 35), le FN passe de 58 à 54...

Les Vieilles-Perrières (n° 203, résidentiel ancien) avaient la palme du civisme municipal (64%) et l'ont gardé aux européennes (54%), ce qui n'a pas empêché droite et gauche de perdre 30% de leurs voix tandis que le FN croissait légèrement, comme le Front de gauche (de 27 à 37) qui avec Nouvelle Donne (25) fait plus que doubler les voix de gauche non socialiste.

Cet échantillon de huit bureaux permet de proposer une tendance : dans tous les milieux et tous les quartiers on a moins voté, on a moins voté à droite et à gauche. Quand on s'éloigne du centre-ville, le FN perd aussi des voix. La gauche radicale ou critique améliore ses résultats dans cinq bureaux et reste stable dans un.

     

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