Eric Alauzet : une analyse « hors sujet, partielle et partiale »

Interpellé par les élus communistes de Besançon, le député EELV explique pourquoi il a refusé d'approuver le rapport de la Commission d'enquête parlementaire sur la baisse des dotations aux collectivités. Dans un texte adressé à Factuel, il indique : « c’est un sentiment de colère qui m’habite aujourd’hui, le sentiment d’avoir été trompé alors que j’ai sans doute été un des députés les plus présents aux auditions. »

Eric Alauzet : « Le manque de transparence, de clarté et de recherche de consensus aura mis les commissaires dans un piège inacceptable ».

 

A propos du rapport sur les conséquences de la baisse des dotations et du refus de la commission de publier ce rapport : « Le piège s’est refermé ». L'Assemblée nationale a créé le 23 juin 2015 une commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'état aux communes et aux EPCI, de trente membres, conformément au chapitre IV de son Règlement.

 Éric Alauzet, membre de la commission des finances, y a siégé au titre du groupe écologiste et en a été nommé secrétaire. Alain Fauré (PS) a été désigné Président de la commission et Nicolas Sansu (PC) qui était à l’origine de la proposition de résolution pour créer la commission, en était le rapporteur.

La commission s’est réunie régulièrement entre le 1er septembre et le 10 décembre 2015. Elle a surtout auditionné des représentants des associations des collectivités locales mais également d’observatoires publics, de fédérations de bâtiments ou de transports, de ministères, etc.

Une seule réunion d’échanges entre les commissaires présents a eu lieu quelques jours avant la présentation du Rapport. Ce dernier, en présence de 19 membres, a été rejeté et conformément au règlement de l’Assemblée nationale, ne sera pas publié.

Ce rapport aurait pu être utile...

Ce rapport aurait pu être utile, notamment concernant les pistes qu'il explorait pour que les collectivités puissent faire face à la réduction de leurs dotations financières en provenance de l'Etat.

Malheureusement et contrairement à l’objectif initial qui était de mesurer les conséquences de la baisse des dotations aux collectivités locales ainsi qu’aux déclarations régulières du rapporteur qui insistait sur le fait qu’il ne s’agissait pas de débattre des causes de cette baisse afin de s’assurer de l’adhésion des membres de la commission à la démarche, le rapport est pourtant consacré dans ses soixante premières pages à ce sujet précis.

Une anomalie démocratique

Si j’ai accepté de participer à la commission d’enquête, c’était sur les bases claires énoncées juste avant. Et comme ce rapport a été rédigé par le seul rapporteur sans qu’il n’ait à aucun moment soumis tout ou partie de son texte aux membres de la commission, aucune possibilité n’a été donnée aux commissaires pour exprimer leur avis. Même si cette démarche est permise par les règles qui régissent ce type d’exercice, il y a là à l’évidence une anomalie démocratique patente à laquelle il convient de remédier rapidement.

Il est en effet regrettable et dommageable que les règles de fonctionnement des commissions d'enquête ne permettent pas d'amender un rapport car la confidentialité impose de ne le soumettre aux membres de la commission qu’au dernier moment et dans sa forme définitive sans possibilité de modification.

Il faut savoir que nous avons eu deux jours pour consulter le rapport à l’Assemblée nationale dans des conditions extrêmement strictes et contraintes, puisqu’il n’était consultable qu’en un lieu précis et sous contrôle sans qu’un exemplaire puisse sortir de ce lieu et ceci alors que nos agendas sont particulièrement remplis les mardis et mercredis. J'y ai passé cinq heures et il m'en aurait fallu quelques-unes de plus pour en analyser la totalité.

J’ai pris mes responsabilités

Bref c’est un sentiment de colère qui m’habite aujourd’hui, le sentiment d’avoir été trompé alors que j’ai sans doute été un des députés les plus présents aux auditions.

Alors, j’aurai simplement pu ne pas participer à la commission conclusive et laisser aux seuls députés socialistes la responsabilité de sa « non publication » et cela n’aurait rien changé au sort de ce rapport dans la mesure où la totalité des membres du groupe SRC se sont opposés à sa publication.

Et ce n’est pas ma façon de faire de la politique : alors j’ai pris mes responsabilités et dit au rapporteur ce que je pensais du résultat avant de m’opposer également à sa publication. Il n’était pas question pour moi de voir apposer mon nom à un document qui ne qui ne respectait pas l’objectif affiché.

Une analyse contestable et à charge

Sur le fond, le rapport était lesté dans sa première partie d'une analyse des plus contestables et à l’évidence à charge contre le Gouvernement. Si la question de l’origine des baisses de dotations mérite une analyse voire la critique - et je ne me suis d’ailleurs pas gêné pour en adresser régulièrement au Gouvernement -, encore une fois ce n’était pas l’objet du rapport. Ouvrir une controverse était évidemment mal venue dans ce type d’exercice dont la vocation et au contraire de faire converger les avis pour disposer d’une réflexion de référence utile pour la suite.

La surprise a donc été totale de découvrir qu’il n’en n’était rien et que nous étions mis devant le fait accompli sans possibilité d’amendement d’un rapport résultant de la rédaction du seul rapporteur et d’une analyse très personnelle et non avenue dans sa première partie, la partie précisément consacrée à l’analyse des causes de ces baisses de dotation.

Les oublis du rapports

Sans trop développer sur le fond, le rapport faisait un lien direct et univoque entre la baisse des dotations et le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et donc les aides aux entreprises. En oubliant de rappeler que :

  • les baisses de dotations ont été principalement et initialement décidées pour réduire le déficit public et non pour soutenir les entreprises ;
  • une bonne partie des aides aux entreprises a été financée par le report de 2015 à 2017 de la baisse du déficit public à 3%  €) le CICE (20 Md€) a été financé au moins à moitié par l’augmentation de la TVA de 7 à 10% (6 Mdet par la recette de la contribution climat énergie (4 Md€) votés en loi de finances rectificative (LFR) en décembre 2012 ;
  • les aides financières aux collectivités décidées pour atténuer cette baisse de dotation n’ont été que très partiellement et imparfaitement évoquées ;

Les mesures d’aides étant celles – ci :

  • l’augmentation de 50% de la dotation d’équipements ruraux (DETR) en 2015 suite à l’insistance de quelques députés dont je faisais partie et qui avait conditionné mon vote du budget 2015 ;
  • une optimisation du FCTVA en faveur des collectivités locales également en 2015 ;
  • un fonds d’aide à l’investissement de 1 Md€ en 2016 en faveur du bloc communal avec un fléchage en faveur du développement durable qui avait fait l’objet d’un de mes amendements non satisfait en 2015 mais concrétisé pour 2016 ;
  • l’élargissement du FCTVA aux travaux d’entretien des bâtiments et à la voirie en 2016 (143 millions d’euros à compter de 2018) ;
  • un abondement du fonds d’aide à la résorption prêt toxiques à hauteur de 150 M€/an pendant 15 ans et la contrepartie identique de banques ;
  • sans parler des 860 M€ pour l’aide sociale des Départements en 2014 ;

Le revers positif d’une face négative

Par ailleurs, la rigueur intellectuelle aurait nécessité d’expliquer également que certaines dépenses des collectivités avaient été réduites du fait de la baisse de l’inflation et du prix des produits pétrolier précisément en lien avec la crise de 2008 et de la baisse de la croissance qui ont accéléré la baisse des dépenses publiques. C’est le revers positif d’une face négative.

Enfin, le rapport affirme que ce sont les collectivités qui portent l’essentiel du redressement des comptes publics alors que l’Etat et les organismes de protection sociale y prennent largement leur part au prorata de leur poids dans le PIB même s’il faut, il est vrai, considérer que pour l’Etat cette baisse est évaluée par rapport à la tendance des augmentations, ce qui n’est pas le cas pour les collectivités locales.

Bref, l’analyse, outre le fait d’être hors sujet, apparait partielle et partiale.

Le résultat de tout cela, c’est la non publication d’un rapport qui a nécessité plusieurs mois de travail et mobilisé de nombreuses personnes. Et donc un total gâchis. Le manque de transparence, de clarté et de recherche de consensus aura mis les commissaires dans un piège inacceptable. Le piège s’est refermé.

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