Eric Alauzet : « Je suis d’accord avec eux, mais je reste »

Le député écologiste du Doubs partage les analyses de Jean-Vincent Placé et François de Rugy qui viennent de quitter EELV. Mais il préfère rester « même si je suis minoritaire dans le parti », a-t-il indiqué à Ornans lors d'une réunion, animée, de compte-rendu de mandat.

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Éric Alauzet a choisi Ornans pour la première d'une série de réunions de compte-rendu de son mandat de député, mercredi 2 septembre. L'occasion pour l'affable sénateur-maire Jean-François Longeot de se fendre d'un bref mot d'accueil avant de s'éclipser : « Je m'entends très bien avec Éric Alauzet et je me félicite du travail que nous faisons ensemble ». La petite phrase fait sourire la dizaine de personnes présentes, élus locaux pour la plupart, rarement encartés. Elle amuse l'intéressé : « Je sens que je suis en train de perdre des voix... On travaille plus facilement ensemble quand on est dans des assemblées différentes ».

M. Alauzet a trois « priorités : l'emploi, l'écologie que le président s'approprie enfin, et la république ». Sur la première, sa conviction s'écarte du credo gouvernemental : « vous savez que j'essaie de soutenir le gouvernement, mais c'est une grave erreur de croire que la croissance va finir par revenir ». Il veut sortir du « débat vain » entre soutien à la demande et soutien aux entreprises. Ce débat structure la gauche et « déchire les partis dont le mien qui va mal ». Il n'aime pas les positions trop tranchées et les jugements hâtifs. « Il faut apporter des nuances dans les débats. Sur le pouvoir d'achat, on dit que les gens n'achètent pas, ou alors des produits étrangers, mais si on achète une télé japonaise, elle contient des pièces fabriquées en Europe. Le pourcentage des produits français dans les produits étrangers est passé de 20% à 30% et sera bientôt à 40%. Le repli national n'a pas de sens ». Il défend les « recettes de gauche » que sont les 150.000 emplois aidés, adoptées « depuis le début du mandat ». Et affirme que « ceux pour qui ce ne sont pas de vrais emplois ont tort... »

« On peut critiquer, mais aussi voir ce qui va dans le bon sens »

Les autres réunions
- jeudi 3 septembre, 18 h, Besançon, école des 4 vents
- jeudi 3 septembre, 20 h 30 : Thise, salle de l'amitié
- lundi 7 septembre, 20 h 30 : Saône, salle du centre
- Mardi 8 septembre, 18 h : Besançon, FJT de la Cassotte
- Mardi 8 septembre, 20 h 30 : Devecey, mairie
- Mercredi 9 septembre, 18 h : Roulans, espace culture-
- Mercredi 9 septembre, 20 h 30 : Besançon, MJC Clairs-Soleils

Conseiller municipal écologiste d'Ornans, Gérard Mamet juge trop appuyé le soutien au gouvernement : « François Hollande ne croit pas à la croissance, il a cédé au chantage des financiers... » Pour Éric Alauzet, « le curseur s'est déplacé à droite, c'est évident ». Gérard Mamet n'est pas d'accord : « Quand Macron dit qu'il veut que les jeunes aient envie d'être milliardaires, ou quand Moscovici parle du ras-le-bol fiscal, c'est laisser tomber les digues et ne pas les défendre. De très nombreux indicateurs démontrent que les gens sont attachés à la justice. La déclaration du Bourget de Hollande n'était pas sincère, je l'ai cru sincère. Tout ce qu'il a fait après le montre. Depuis trente ans, les inégalités se sont aggravées. Le CICE n'est pas la bonne direction... »

Éric Alauzet encaisse mais reste zen : « Il y a des choses qui ne sont pas vraies dans ce que tu dis ». Gérard Mamet insiste en citant Guillaume Duval, d'Alternatives économiques : « des entreprises ont empoché le CICE en augmentant les profits sans créer d'emploi ni investir... » Le député répond : « C'est un économiste... Je les écoute tous ». Puis il passe à sa deuxième priorité, l'écologie : « C'était une mauvaise décision d'abandonner l'écotaxe, mais on ne parle jamais de l'introduction de la taxe de 4 centimes sur la gazole poids lourd, une bataille historique des écologistes. On peut critiquer, mais aussi voir ce qui va dans le bon sens ». Il s'étonne ainsi que des participants à l'université d'été dEELV « disent à quand la taxe carbone alors qu'elle existe, même si elle est insuffisante. Jean-Vincent Placé et François de Rugy, qui représentent 20% du parti, en ont marre... Je pense comme eux, mais je ne démissionne pas, je reste minoritaire dans mon parti ».

« Ce qui fragilise la SNCF, cest le covoiturage... »

Gérard Mamet lui reproche de penser qu'il n'y a qu'une seule politique possible mais soutient son action contre l'évasion fiscale. « J'ai dit qu'il y a deux politiques et qu'elles sont mauvaises », rétorque le parlementaire. Il défend d'autres pistes qui s'appuient notamment sur la transition écologiste, notamment dans l'économie collaborative, les transports ou le logement, plutôt que sur les grands travaux dont il estime que nombreux sont « inutiles ». Nicole Rivier, comédienne, abonde dans son sens : « J'ai économisé 900 euros par ans avec le covoiturage ». Elle le tance sur la partie de la loi Macron consacrée aux bus concurrents des trains : « comment avez-vous laissé passer ça ? » Réponse : « on est minoritaires [dans la majorité parlementaire] sur ces questions ». Le conseiller régional Éric Durand nuance : « on a limité les dégâts pour les TER sur les distances inférieures à 100 km... La SNCF est à côté de la plaque. Mais personne n'a vu venir le fait que les jeunes préfèrent payer 40 euros de moins et mettre quatre heures de plus... Notre combat a plus de 15 ans sur cette culture suicidaire de la vitesse... » Alauzet opine : « ce qui fragilise la SNCF, cest le covoiturage... »

L'échange arrive sur la question des réfugiés. Éric Durand en « veut à François Hollande, son renoncement à l'idéal européen. Il a fallu que Merkel lui fasse la leçon ». Éric Alauzet répond : « Elle n'a pas une extrême droite à 30%... » Maire de Foucherans, Jacques Moniotte pense que la chancelière a plutôt à l'esprit le « problème démographique allemand » : le pays vieillit et a besoin de main d'oeuvre. Georges Béliard estime pour sa part que cela lui permet de détourner l'attention vis à vis de la position allemande sur la Grèce. Et si l'Europe souffrait des exigences de retour sur investissement des fonds de pension allemands issus de la réforme des retraites menée par Gherard Schroeder qui a mis à l'étrier le système par capitalisation ? Éric Alauzet découvre ce point. Gérard Mamet dénonce les « conséquences catastrophiques du plan Schreder, c'est ainsi que j'analyse le CICE : du moins disant social pour avoir davantage de parts de marchés ».

« Avec les communes nouvelles, on est en pleine brasse coulée »

Maire de Montgesoye, Nicole Morel, s'inquiète de la loi NOTRE qui comporte notamment des incitations financières à une fusion précipitée des communes : « deux mois pour trouver des alliances, on n'est pas sûr d'y arriver. Avec les communes nouvelles, on est en pleine brasse coulée, on veut réformer trop de choses en même temps ». Jacques Moniotte tempère : « personne ne le demande, on est dans des processus à deux ou quatre ans, attention aux mariages d'argent ! » Éric Alauzet, qui a écrit aux élus locaux en juillet, écoute et lâche : « je suis de l'avis de l'assemblée des communautés de France qui veut arrêter cette incitation financière ». Nicole Morel Morel se demande « ce qui va rester aux communes : l'état civil ? les chiens écrasés ? Quel intérêt y aura-t-il à être élu ? » Éric Alauzet le constate : « vous la posez tous cette question. Si là où il y a le plus de compétences, il n'y a pas de suffrage universel, ça n'ira pas... »

Daniel Poirot, président d'une société de pêche à Vuillafans, a un dossier sous le coude : « les problèmes de la Loue ont été aggravés par la canicule... Et on a vu des gens pêcher dans des réserves, des gens pêcher sans carte, des centaines de canoës naviguer sous le seuil autorisé... Les gendarmes nous ont dissuadés de porter plainte car elle n'aurait pas de chance d'aboutir... Il y a du découragement ». Le député prend le dossier, promet d'intervenir auprès du préfet : un arrêté aurait accordé une dérogation pour naviguer. « Il y a eu du chantage à l'emploi », précise Georges Béliard.

Des petits gâteaux et des boissons sortent d'une glacière. Éric Alauzet et Gérard Mamet, qui ont symbolisé les profonds désaccords internes à EELV, discutent amicalement. Après tout, ils ont le même idéal...

 

 

 

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