« La meilleure façon de relancer le pays, c'est par le travail ». C'est la raison invoquée par François-Xavier, étudiant, pour expliquer le soutien à Emmanuel Macron qu'il arbore sur son tee-shirt en accueillant les participants au meeting bisontin de mercredi 11 avril. Ancien vice-président du MoDem du Doubs, Gilles Delhautal a lui aussi un tee-shirt. Il se qualifie d'homme de centre-gauche et se trouve bien comme helper de la galaxie En Marche : « J'ai été dirigeant syndical CGC chez Peugeot, je n'ai pas voulu aller chez les socialistes à cause des communistes... » Et si le second tour opposait Le Pen et Mélenchon ? « Je serais bien emmerdé », lâche-t-il.
Venu aussi du pays de Montbéliard, Jean-Pierre, la quarantaine, est également un helper : « j'aide les gens à trouver leur place... » S'il a rejoint le mouvement de l'ancien ministre, c'est afin de « poursuivre la construction d'une Europe plus forte. Et parce qu'Emmanuel Macron est le plus en phase pour comprendre ce qui se passe... » Politiquement, il se situe dans le camps des « rationnels » et des « pragmatiques » : « il y a toujours eu du bon et des cons de tous les côtés. Je suis pour mettre le meilleur dans chaque sujet pour le meilleur résultat ». Le clivage du référendum de 2005 est-il plus important que le clivage droite-gauche ? « Je ne sais pas, mais on doit en tenir compte... Trump attend qu'on casse l'Union européenne ». Ne se casse-t-elle pas toute seule ? « Beaucoup lui tapent dessus... »
Brigitte, 50 ans, est venue en voisine du parc des expositions : « Par curiosité... On verra plus tard si je soutiens. Je me pose beaucoup de questions sur le personnage ». Estimant le clivage droite-gauche « peu pertinent », elle se sent « plutôt centriste »...
La sono lâche soudain une musique de boîte à fond la caisse. Ancien militant écolo, Philippe Binder attend l'intervention du candidat : « je suis venu m'informer... » A la tribune, le maire de Besançon, Jean-Louis Fousseret, prend le micro et paraphrase Corneille : « il y a quelques mois nous étions une dizaine dans le Doubs, nous voilà 1400... » Il salue les supporters venus « du Grand-Est, de Champagne, de Lorraine, d'Alsace il y a un car de Strasbourg, un autre de Dijon... » Beaucoup plus tard, alors qu'Emmanuel Macron parle depuis 40 minutes, arrive un bus en provenance du Haut-Rhin... Il aura fallu qu'on vienne d'assez loin pour réunir environ 2500 personnes, un peu moins que pour François Fillon il y a quelques semaines dans la même salle...
« Vercingétorix a oublié qu'à la fin il rend les armes... »
Jean-Louis Fousseret se demande tout haut « d'où vient le succès » d'En Marche. Sa réponse est simple : « très tôt, nous avons saisi le souhait de nos concitoyens qui en ont ras-le-bol du bloc contre bloc et des négociations entre appareils... Nous voulons dépasser les vieux clivages, le bipartisme sclérosé... Nous voulons autre chose, nous voulons du neuf... Nous voulons une France qui préfère l'efficacité à l'impuissance... »
Descendant du fond de la salle pour un (petit) bain de foule, Emmanuel Macron embraye à son pupitre : « Nous sommes là parce que ça ne peut pas continuer comme ça... Parce que nous voyons les mêmes visages depuis trente ans : d'un côté le révolutionnaire communiste, il était sénateur socialiste quand j'étais au collège... De l'autre, Vercingétorix qui a oublié qu'à la fin il rend les armes... Qui a fait tous les postes [de la république] et en connait les pires usages... Et enfin Madame Le Pen... » La foule hue, il la fait taire : « ne sifflez pas, ne leur ressemblez en rien... C'est d'un parti de haine et de rejet de l'autre auquel nous avons à faire... »
Il estime qu'il y a « d'un côté une gauche communiste qui prétend vendre des rêves, mais elle ne les vend pas : c'est votre argent... Si vous voulez 100 milliards d'impôts nouveaux, vive la gauche communiste... » Il cogne sur le « désarmement » programmé, face au terrorisme comme face à Moscou. Il accuse cette gauche de « cynisme » en « faisant croire qu'on sera plus heureux soit en n'ayant pas de travail ou en répartissant ce qu'on n'a pas encore ». Il reproche à Mélenchon, qu'il ne nomme pas, de prendre le Vénézuela pour modèle.
« Le tic tac inefficace de l'alternance entre la droite et la gauche »
Il s'en prend ensuite à « la droite qui n'a rien à voir avec De Gaulle, Pompidou ou Giscard : la droite des affaires, des privilèges pour quelques uns et des efforts pour tous les autres ». Il dénonce la « purge » proposée par Fillon dont on « peut débattre des projets », mais pas en « perdant à ce point l'autorité morale ». Il s'en prend enfin « au parti de la haine, celui qui propose ne pas régler les problèmes mais de désigner un ennemi : l'étranger... ». Il les met dans le même sac car « ils iront se réfugier en leur château le jour tout ira mal. Ce qu'ils proposent, c'est un projet d'appauvrissement des classes moyenne et populaire, je n'en veux pas pour mon pays ».
Après un quart d'heure de démolition de la concurrence, on s'attend à la présentation d'un projet qui « n'est pas celui d'un camp, du tic tac inefficace de l'alternance entre la droite et la gauche ». Il restera sur les têtes de chapitres sans entrer dans les détails d'au moins l'un d'eux. Il dit son « indignation véritable, profonde, pas celle d'estrade qui dénonce et ne propose rien... l'indignation volontariste, utile... » qui porte la réindustrialisation face à l'abandon des classes moyennes depuis 20 ans. D'où son projet, présenté il y a près d'un mois, de suppression de « l'injuste » taxe d'habitation.
Emmanuel Macron dit aussi vouloir « tourner la page des vingt dernières années ». Cela inclut les quinquennats de Hollande, Sarkozy et le second de Chirac, mais aussi les cinq ans de gouvernement Jospin pendant lequel le chômage recula fortement, notamment grâce aux 35 heures, comme l'a souligné un rapport parlementaire rédigé par Barbara Romagnan, soutien de Benoît Hamon.
« L'émancipation par le savoir »
Macron flatte les classes moyennes, veut répondre à leur « angoisse » relative à l'insécurité, fait applaudir « nos militaires ». Il évoque de nouveaux moyens de renseignements, une nouvelle police et la « tolérance zéro ». Il redit ses projets d'augmenter de 100 euros les petites retraites, de continuer la réforme des retraites, de répondre à « l'insécurité culturelle » qui oppose les religions...
Pour l'école, il veut remettre des travaux dirigés et des classes bilangue... Dit vouloir recréer « l'émancipation par le savoir », limiter les CP et CE1 à douze élèves. Formation continue et indemnisation du chômage sont ses principales pistes d'investissement, avec le seul chiffre de son discours : 15 milliards. Il veut un treizième mois pour les smicard parce qu'il financera par l'impôt « notre système social ». Entend-il supprimer les cotisations qui financent la Sécu ? On ne sait, mais en matière de soins, il veut supprimer la tarification à l'activité.
Il donnera 18 mois aux opérateurs pour développer la fibre et/ou la 4G « partout » afin de porter « l'émancipation territoriale », notamment dans le monde rural. Il revient sur sa visite à Micronora il y a six mois et sa « leçon de Besançon » après la crise horlogère qui « tirera la réindustrialisation » du pays.
« Simplifier le droit du travail au contact du terrain »
Pour cela, il promet de « baisser les charges des entreprises », de « simplifier le droit du travail au contact du terrain », d'encourager les « libertés concrètes, comme celle d'entreprendre », de « développer l'industrie »... Sa politique entend « investir dans le public » et « redonner des marges aux entreprises », dans les microtechniques, le numérique ou l'environnemental...
Il fait applaudir l'idée que « seule une Europe forte peut protéger notre industrie », assure porter un projet européen « d'harmonisation fiscale et sociale ».
Il termine sur une critique de Fillon qui n'est « pas au rendez-vous de l'histoire ». Une critique de Hamon qui propose un revenu sans travail « à perpétuité ». Il cite Stéphane Hessel pour qui l'indignation pousse au militantisme. Invoque le besoin d' « alternance profonde et de renouvellement », produit de son « indignation utile ». On voit cependant mal Emmanuel Macron participer à des mouvements comme Occupy Wall Street ou celui des places en Espagne, plus proches de la philosophie de Stéphane Hessel... On constate cependant qu'il cherche à les récupérer.