Sept listes sont en lice pour le scrutin régional. La présidente sortante, la bisontine Marie-Guite Dufay (PS) brigue un nouveau mandat à 72 ans, avec une configuration politique différente de 2015 : elle garde le soutien du PRG, obtient celui du PCF, mais perd CAP 21 (qui rejoint EELV), les sept élus de la GRS (qui rallient Le Temps des cerises) et ceux ayant rejoint LREM en cours de mandat.
L'alliance LR-UDI dirigée par le maire de Chalon-sur-Saône Gilles Platret (LR) et le député du Jura Jean-Marie Sermier (LR) connaît quelques turbulences depuis l'annonce du ralliement de Pascal Lepetit (Debout la France) qui sera tête de liste dans la Nièvre. Le leader sortant de l'union de la droite et du centre, François Sauvadet (UDI) a critiqué vivement ce rapprochement avec le parti de Nicolas Dupont-Aignan qui avait soutenu Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017. Le député Michel Zumkeller (UDI) s'est contenté de dire qu'il sera « vigilant sur les valeurs ».
A quelques jours de la date limite de dépôt des listes, la situation pouvait encore évoluer. Mais DLF, qui avait un temps envisagé de présenter une liste autonome, dirigée par l'élu régional sortant Lilian Noirot (élu sortant, ex FN), ne l'a finalement pas fait. Certains observateurs avaient même annoncé qu'il pourrait rejoindre Gilles Platret ! Quoi qu'il en soit, cette situation illustre les difficultés idéologiques de LR où l'on hésite entre l'alliance avec LREM, comme en PACA, et l'union avec la droite très à droite. Une illustration est donnée aux départementales de Saône-et-Loire, à Pierre de Bresse, où l'élu LR sortant se présente comme candidat RN...
En 1998, le FN faisait déjà tanguer la droite
Cet épisode fait ressurgir les régionales de 1998 qui virent la droite bourguignonne, à égalité de sièges avec la gauche, s'allier au FN pour que Jean-Pierre Soisson (RI, UDF, DL, UMP, LR), qui fut ministre sous Giscard et sous Mitterrand, l'emportât. En Franche-Comté, avec la même situation d'égalité de sièges, Jean-François Humbert (UDF) avait immédiatement démissionné après avoir été élu avec les voix du FN, qu'il refusât, entraînant sa réélection après un accord de gouvernance avec PS et Verts qui lui cédèrent le passage en s'abstenant.
La banalisation de l'extrême-droite était en marche plus ou moins chaotique. Servie aujourd'hui sans vergogne sur un plateau par les grands médias, qui orchestrent un duel Le Pen-Macron en 2022, l'extrême-droite est conduite régionalement par Julien Odoul, passé du courant anti TCE du PS au très européen Nouveau centre puis à l'UDI avant de rejoindre le FN. Président du groupe RN sortant depuis la disgrâce de Sophie Montel, il est conseiller municipal de Sens (Yonne) et attaché parlementaire du député RN du Pas-de-Calais Bruno Bilde. L'affaire de la tête de liste RN dans le Territoire-de-Belfort quittant avec fracas le navire en annonçant avoir voulu le piéger, ajoute à l'impression d'amateurisme grand-guignolesque qui accompagne depuis longtemps l'extrême-droite. Le pire, c'est que le RN paraît en capacité de ravir la région, six ans après avoir gagné le premier tour avant de subir la remontada de Marie-Guite Dufay au second.
Les écologistes rassemblés jusqu'au centre-droit...
Les écologistes partent cette fois quasiment tous ensemble derrière EELV qui a intégré Génération écologie, l'Alliance des écologistes indépendants et CAP21 (le mouvement fondé par Corinne Lepage, ancienne ministre de Chirac), ces deux derniers représentant une écologie de centre-droit... La conseillère municipale dijonnaise Stéphanie Modde (EELV) est tête de liste, mais une mauvaise chute de vélo l'empêche de faire campagne sur le terrain. Son binôme, le jurassien Pascal Blain, avait recueilli davantage de voix d'adhérents pour la désignation de la tête de liste, mais avait cédé la place en raison de la parité sur l'ensemble des régions.
Déçue de n'avoir pas réalisé l'alliance avec le PCF et avec EELV, la France insoumise a fait l'union avec six formations issues de la décomposition du PS ou de la mouvance autogestionnaire sous l'intitulé printanier Le Temps des cerises, faisant notamment un clin d'oeil aux 150 ans de la Commune. Réunissant des proches de Clémentine Autain (Ensemble), Benoît Hamon (GénérationS), Jean-Luc Mélenchon, Arnaud Montebourg et Gérard Filoche, intégrant Nouvelle Donne et Place publique, la liste est conduite par Bastien Faudot, conseiller municipal et départemental de Belfort, porte parole national du MRC (fondé par Jean-Pierre Chevènement qui s'en est éloigné) dont il avait tenté d'être le candidat à la présidentielle de 2017.
LREM penche davantage à droite qu'à gauche...
La liste Le Temps des cerises illustre la pluralité des alliances passées par LFI selon les régions. Les Insoumis font ainsi liste commune avec le PCF en Normandie ; avec EELV en Pays-de-la Loire sous la houlette du député repenti du macronisme Mathieu Orphelin ; ou encore avec le PCF, EELV et même l'honni PS, dans les Hauts-de-France au nom du danger RN. Ces unions à géométrie variable démontrent que la gauche expérimente diverses formules dont les résultats comparés apporteront des leçons pour l'élection présidentielle de 2022.
C'est aussi le cas à droite avec les alliances diverses passées par LR, comme on l'a vu plus haut, mais aussi par LREM. Le parti présidentiel, peu et mal implanté dans nombre de territoires, est également dans l'expérimentation. Visant pour 2022 l'hégémonie sur la droite dite républicaine, il essaie aussi de refaire le coup de 2017 en Bourgogne-Franche-Comté en évoquant une alliance de second tour avec Marie-Guite Dufay. Mais cette éventualité paraît compromise, le PCF ayant conditionné son soutien à la présidente sortante au refus d'une fusion avec LREM.
Inexistant en 2015, le parti macroniste sera représenté par le maire de Nevers, Denis Thuriot (ex PS), allié au MODEM et à quelques élus UDI ou LR dont Hélène Pélissard qui présida un temps la fédération du Jura et soutint Bruno Le Maire lors de la primaire de la droite de 2016. A moins que ce soient des anciens du parti, comme le maire de Vesoul Alain Chrétien.
Le parti trotskyste Lutte ouvrière présente également une liste, dirigée par l'infirmière dijonnaise Claire Rocher, comme lors du dernier scrutin régional.
Deux tours, deux modes de scrutin
Les deux scrutins se jouent sur deux tours, mais pour compliquer l'affaire, ils diffèrent selon qu'on vote pour la région ou le département. Dans les conseils régionaux, les sièges sont répartis à la proportionnelle avec prime majoritaire (25% des sièges d'emblée à la liste arrivée en tête) et pondération en fonction des résultats par départements puisque l'on vote pour des listes départementales. Pour se maintenir au second tour, une liste doit obtenir 10%, et peut fusionner avec une ou des listes ayant obtenu 5%. Comme les listes de second tour doivent être déposées mardi 22 juin, mieux vaut s'y être préparé...
Départements : des binômes paritaires
Dans les conseils départementaux, on vote pour des binômes (une femme, un homme) dans des cantons au scrutin majoritaire. En Franche-Comté, seule la Haute-Saône est aujourd'hui à gauche : le président sortant Yves Krattinger (DVG, ex PS) est challengé par l'ancien ministre de Sarkozy Alain Joyandet (LR). Dans les autres départements, les sortants LR semblent en mesure de rempiler : dans le Jura Clément Pernot est assuré d'être réélu dans son canton de Champagnole où son binôme est seul en lice. Dans le Doubs, les formations de gauche se sont réparties les candidatures sans se faire concurrence, mais ne présentent personne dans deux cantons du Haut-Doubs, dont celui de Maîche dont la présidente sortante Christine Bouquin est l'élue. Dans le Territoire-de-Belfort, Florian Bouquet n'est opposé qu'au RN dans son canton de Châtenois-les-Forges. La gauche est absente de deux cantons. Dans cinq des neuf cantons, LREM est allié au MODEM, à AGIR et à un méconnu « parti écologiste ».
Cet article a été actualisé le 20 mai.