EELV invite l’évasion fiscale dans la campagne des régionales

Symbolisant la lutte contre la corruption, la députée européenne Eva Joly, et Eric Alauzet, actif dans le débat parlementaire national sur la loi bancaire, ont soutenu la tête de liste Cécile Prudhomme qui veut « privilégier les banques vertueuses » et imposer une clause « écologique et sociale » dans les marchés publics de la région.

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L'évasion fiscale a frappé un nouveau grand coup dans le paysage médiatique avec la censure par le nouveau patron de Canal + d'un documentaire sur la banque Pasche, ancienne filiale du Crédit Mutuel qui l'a revendue à une banque luxembourgeoise, finalement diffusé par France 3 mercredi 7 septembre. Les quotidiens dont la banque mutualiste est propriétaire n'ont pas traité du sujet. Quand on fait une recherche sur le site de L'Est républicain, le système répond qu'« aucun document ne répond à [notre] requête ». Le Progrès a traité jusqu'en 2014 des épisodes judiciaires de l'affaire de la spoliation présumée de l'héritier de l'entreprise La Canadienne, évoquée dans le documentaire, signalant en 2011 que la banque Pasche était une filiale de CIC Lyonnaise de banque, le CIC étant une filiale du Crédit mutuel (voir ici et ).

« Risque démocratique colossal »

C'est dans ce contexte déjà chargé par les affaires UBS, HSBC, Lux Leaks (liste non exhaustive), qu'EELV milite pour la transparence financière. « La lutte contre l'évasion fiscale » est une façon de donner « des moyens à la transition écologique », explique ainsi Cécile Prudhomme, tête de liste aux élections régionales, en ouvrant, jeudi 8 octobre, au Centre diocésain de Besançon, une réunion avec deux parlementaires particulièrement engagés dans cette bataille, la députée européenne Eva Joly et le député du Doubs Eric Alauzet. Pour celui-ci, l'évasion fiscale est à l'origine de « l'effondrement » économique et de la « captation des richesses par une minorité », ce qui génère un « risque démocratique colossal ». Il décrit un système basé sur un manque à gagner entraînant un « déficit poussant à l'endettement, puis à la titrisation et à la spéculation ».

Il défend son rôle, avec la députée Karine Berger (PS), au sein de la commission des finances de l'Assemblée nationale, dans l'amélioration de la loi bancaire préparée par le gouvernement : « l'idée était de séparer les activités de dépôts des activités de marché. Le résultat a pu être exprimé comme décevant, car il n'y a pas eu de séparation stricte mais filialisation de 1,5% des actifs, mais ils représentaient 15% avant ! Surtout, la loi bancaire empêche les banques de repartir dans la spéculation avec leurs fonds propres... » Il met l'accent sur la taille des banques, sur l'ordonnancement des paiements en cas de problème : « on a protégé l'épargne inférieure à 100.000 euros... Au Portugal, on a refilé les actifs dangereux aux actionnaires et les bons à l'Etat... »

« Nos démocraties ne survivraient pas à l'inaction fiscale... »

Il défend le « reporting par pays » qui permet de « dévoiler les incohérences » dans les comptes consolidés des banques, les quatre grandes françaises ayant 1600 filiales... Il argumente son relatif optimiste sur la poursuite d'une prise de conscience : « même les libéraux comme James Cameron avancent sur les impôts : ils ont besoin de recettes fiscales pour mener des actions publiques. Nos démocraties ne survivraient pas à l'inaction fiscale... » Il estime indispensable de protéger et accompagner les lanceurs d'alerte « menacés de perte de revenu, de problèmes personnels, par le risque de suicide... »

Eva Joly voit pour sa part « poindre un espoir », mais ne cache pas l'immensité de la tâche qui reste à accomplir, surtout dans le contexte politique de la « grande coalition immobile » socialistes-conservateurs au Parlement de Strasbourg. Car il faut avoir l'optimisme chevillé au corps pour décrire en restant zen ce détail de la crise grecque : « Il manquait un milliard à Tsipras et le FMI et la Commission européenne exigeaient des privatisations. Alors il a privatisé la mine d'or Eldorado Gold qui a été rachetée par des Canadiens. L'exploitation provoque des dégâts environnementaux, utilise de l'arsenic et du cyanure... C'est près de Thessalonique où il y a de la pêche, des forêts, du tourisme. Et Eldorado Gold ne paie pas d'impôts car elle utilise les mécanismes connus de toutes les multinationales... BMW, Volkswagen, Bosch ont les mêmes structures et ne paient pas d'impôts en Grèce : est-ce de la fraude fiscale ? Quand on en parle, les médias montrent les vendeurs de rue. Tsipras aurait eu ce milliard qui manquait si les sociétés allemandes avaient payé des impôts... »

« La décolonisation a été une autre façon d'exploiter les pays en voie de développement

Elle entend démontrer « le lien entre les paradis fiscaux, l'absence d'investissements pour le développement et les flux migratoires » en narrant une histoire qu'elle a connu en travaillant à l'Agence de l'environnement de Norvège : « une mine de cuivre de Zambie polluait les rivières tout en transférant ses bénéfices à l'île Maurice. La décolonisation a été une autre façon d'exploiter les pays en voie de développement ». Elle critique vivement Jean-Claude Junker : « l'Union européenne a à sa tête un soutien de ce système, pour le démonter, il faut une pression importante des citoyens... »

Elle estime urgent un statut des lanceurs d'alerte dont « dépend la démocratie » : « le scandale VW est arrivé parce qu'il n'y a pas eu de lanceur d'alerte. Et ça va coûter 80 milliards, ça met en danger l'entreprise. Mais la Commission européenne nous a répondu que notre proposition de protection des lanceurs d'alerte n'était pas à l'ordre du jour alors qu'elle a le temps de travailler à une directive sur le secret des affaires. Si VW fait cela, c'est qu'elle n'est pas seule, les multinationales se sentent au-dessus des lois... ».

Un rôle pour les collectivités locales ?

Que faire ? Les questions fiscales nécessitant l'unanimité des 28 pays européens qui ont des « intérêts divergents », il ne reste pour l'ancienne candidate à la présidentielle que « la pression des citoyens ». C'est bien ce que souligne Jean-Pierre Amiotte, du CCFD, qui partage la tribune avec les responsables d'EELV : « il faut que les citoyens interviennent. Et que les médias jouent le jeu de la citoyenneté plutôt que celui des grandes entreprises ». Un instant auparavant, il avait insisté sur le rôle des collectivités locales, regrettant que l'ancien président du Département du Doubs, Claude Jeannerot (PS), ait « botté en touche » après qu'il lui eu demandé de ne travailler qu'avec des banques éthiques. Il lit un extrait de la lettre de l'élu : « les collectivités locales ne sont pas les mieux à même de connaître les pratiques des banques », donc « je ne peux pas prendre d'engagement que je ne pourrai tenir ».

Jean-Pierre Amiotte suggère aussi aux collectivités d'éviter de « donner des miettes financières à des petites associations locales faisant de petites actions dans un pays du sud, ce qui relève davantage du clientélisme que d'une action de développement ». Et de souligner cependant le rôle positif joué en Franche-Comté par le Cercoop, et en Bourgogne par Bourgogne-Coopération.

La tête de liste, Cécile Prudhomme, défend « une clause de responsabilité écologique et sociale » dans les marchés publics passés par la région qui devra « privilégier les banques vertueuses ». Elle entend aussi « orienter les aides vers les PME plutôt que vers les grands groupes ».

 

 

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