« Daech a envahi nos esprits »

Le mot est de François Patriat lors du meeting de soutien à Marie-Guite Dufay, devant 500 personnes lundi 30 novembre à Besançon. La campagne électorale est plombée par les attentats, mais les orateurs socialistes veulent y trouver des raisons supplémentaires de voter.

meetingmgd2

La hantise des attentats a conduit les socialistes bisontins à faire appel à un service d'ordre un peu trop tatillon, manquant de discernement. Pour entrer au Kursaal lundi soir, l'auteur de ces lignes a vu l'intérieur de son petit sac à dos où se trouvaient un appareil photo et un carnet scruté à la torche, en même temps que des militantes socialistes ouvraient leur sac à main... Ambiance. Comme en écho, François Patriat, président de la région Bourgogne, dira plus tard à la tribune : « L'Etat islamique n'a pas envahi Paris, mais nos esprits... Voter, c'est résister. Résister, c'est ne rien changer à nos modes de vie, ne pas céder à la paranoïa... » 

Esprits envahis, l'expression est juste. Le meeting démarre avec un morceau des Eagles of death metal, le groupe de rock qui jouait au Bataclan le 13 novembre, puis une minute de silence suit. Jean-Louis Fousseret prend la parole : « il faut résister aux peurs et à la désespérance ». Il n'a pas oublié de dénoncer « l'absurde » RGPP sarkozienne qui a supprimé 15.000 emplois dans la police et la gendarmerie.

« Oui, l'engagement politique a du sens »

Sondages : attention aux coups de fourchettes dans les yeux !
Animateur du meeting, présentant les orateurs, Michel Neugnot, tête de liste en Côte d'Or, a commenté les derniers sondages parus dans les quotidiens régionaux : « le second paru est antérieur au premier qui nous place en meilleure position... »
Lire l'article ici.

Luc Bardi, quatrième sur la liste du Doubs, fait part de son choc en apprenant les attentats par son auto-radio : « je revenais d'une réunion publique à Pontarlier, je me suis posé la question de l'engagement qui devenait dérisoire... La suspension de la campagne était évidente. Les émotions se sont estompées et ma réponse est aujourd'hui claire : oui, l'engagement politique a du sens, pour une société plus juste, solidaire... Je milite pour une économie sociale et solidaire créatrice de liens ».

François Patriat cogne sur Sophie Montel, la candidate FN, qui a commencé sa campagne à Pouilly-en-Auxois « car il y a 80 réfugiés ». Il demande : « à quoi ça sert d'inciter les gens à se mépriser ? Voter extrême-droite, c'est voter Daech qui souhaite la victoire du FN, comme d'ailleurs certains journalistes, et pas dans des petits medias... Sur le mode il faudrait une bonne guerre... » Il veut aider son auditoire à convaincre les autres d'aller voter et cite Jaurès : « même si les socialistes éteignent un moment les étoiles du ciel, je marcherai avec eux dans la sombre nuit qui mène à la justice ».

« Essayer de comprendre l'incompréhensible »

Marie-Guite Dufay arrive au pupitre sous les vivas et de longs applaudissements. Elle confesse son trouble : « Ça n'a pas été facile de reprendre le cours de la campagne. L'effroi et la sidération resteront longtemps dans nos coeurs meurtris. » Elle internationalise la tragédie : « Soyons unis aux victimes de Paris, du Liban, Bamako, Tunis... » Elle approuve l'état d'urgence qui « s'impose », fait entendre une nuance : « attention à la modification de la constitution ou à la déchéance de nationalité », colle à François Hollande qu'elle cite : « la liberté ne demande pas à être vengée mais servie ».

Elle veut de la « vigilance vis-à-vis de l'extrême-droite » et estime nécessaire d'« essayer de comprendre l'incompréhensible : quel ressort insondable peut amener des jeunes au terrorisme ? Il faut aussi interroger nos amis musulmans sur le salafisme sur des questions qui se sont posées à nos communautés chrétiennes... »

« Pas de clivage droite-gauche sur le numérique »

Après quoi, elle parle de son programme dont « l'esprit peut conforter la république ». C'est ainsi que les « cibles des terroristes », la culture et le sport, les associations oeuvrant à l'éducation et à la citoyenneté, dont les budgets seront « sanctuarisés ». Elle défend son bilan qu'elle présente en perspective avec l'actualité : « il n'y a pas de liberté quand on construit sa vie sans formation. C'est parce que la région est de gauche que nous voulons nous servir de la compétence formation pour protéger. C'est nous qui avons inventé "former plutôt que chômer", qui avons instauré la gratuité des manuels scolaires que la droite n'a jamais votée ».

Parlant d'économie, elle critique François Sauvadet sans le nommer : « C'est malhonnête de comparer les chiffres du chômage dans notre région industrielle qui a subi les plus grandes transformations économiques, et de dire qu'on n'a rien fait sur le chômage. Alors que les banques n'assurent plus les prises de risques pour le développement, le gouvernement a créé la BPI, et les régions Bourgogne et Franche-Comté ont mis en place les fonds les plus développés pour l'accompagnement des entreprises. Et sans Denis Sommer, le cluster automobile n'existerait pas ».

« L'ESS, une économie à part entière »

Elle défend les « trois universités qui n'en feront qu'une qui doit être attractive entre Paris, Lyon et Strasbourg ». Elle veut des investissements dans la « transition écologique, dans l'économie verte avec des retombées sur notre territoire ». Elle entend investir dans le « socialement utile : l'économie sociale et solidaire n'est pas une économie de la réparation, mais une économie à part entière ». Quant au très haut débit dont parle souvent François Sauvadet, elle assure : « il n'y a pas de clivage entre droite et gauche sur le sujet. Mais celui qui me donne des leçons ne parle jamais de la dorsale numérique ! »

Parmi les militants, la résignation d'une défaite annoncée semble avoir cédé le pas à la mobilisation. « On est bien reçu quand on fait campagne, pas insulté », dit le maire de Lure Eric Houley, numéro trois en Haute-Saône. Numéro cinq sur la liste du Doubs, la Pontissalienne Liliane Lucchesi, souligne l'accueil positif de sa campagne téléphonique... Et puis, preuve que les bisbilles sont considérées comme subalternes, du moins pour l'heure, la députée Barbara Romagnan, qui a voté contre la prolongation de l'état d'urgence, n'a pas fait moins bien que les autres parlementaires à l'applaudimètre. On aurait même l'impression qu'elle l'a été plus chaleureusement...

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !