« Vous êtes des irresponsables ! Vous ne connaissez pas Vesoul ! Vous rendrez des comptes aux Vésuliens ! » Alain Chrétien est remonté, et le mot est faible, quand il quitte la salle du Conseil général de Haute-Saône après le vote qui transfère en 2015 le collège Gérôme de centre-ville à l'IUFM
Le collège Gérôme est le plus ancien collège de Haute-Saône, initialement un collège de Jésuites en 1610.
Il comprend 12.000 m2 de surface totale et 7.200 de « surface utile ». Selon le schéma en vigueur, les collèges de cette taille (500) doivent avoir 4.500 m2 de surface utile. Les exigences du bureau d'études Gest'amo, sollicité en 2010, concernaient en priorité l'accueil des collégiens en toute sécurité (en octobre 2012, trois jeunes filles ont été fauchées devant l'entrée), la fonctionnalité des lieux (des salles trop grandes réparties sur plusieurs sites assez distants), l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite et aux pompiers, le faible rendement énergétique, la nécessaire mise aux normes sismiques.
Schéma départemental des collèges voté à l'unanimité en 2006
D'abord il a fallu voter le regroupement de l'IUFM et de l'IUT. L'unanimité s'est faite pour que l'IUFM (qui reçoit actuellement 35 élèves) soit installé dans les locaux de l'IUT (350 étudiants) à Vaivre et Montoille et ce dès septembre 2013. Puis la commission Education du département a présenté trois options pour la collège Gérôme : sa réhabilitation, la construction d'un collège neuf ou le réaménagement de l'IUFM pour l'y installer. Pour Yves Krattinger (PS), le président du Conseil général, « il est hors de question de douter de la politique en faveur de collèges de qualité que mène le département ». Gérard Pelleteret, 3ème vice-président, rappelle que le « schéma départemental des collèges » a été voté à l'unanimité le 13 novembre 2006. « D'accord, admettent les conseillers de l'opposition, mais dans le schéma toutes les options figuraient, le choix restait à faire ensuite ». Le grief principal est celui d'un déficit de concertation avec la communauté éducative et la municipalité de Vesoul propriétaire de ce bâtiment du 17e. Sylvie Manière (UMP, Vesoul-ouest) considère que « l'immobilisme a longtemps duré et que la décision du jour est précipitée... Alain Chrétien a arraché une étude technique en 2010 et les doléances ensuite n'ont pas été prises en compte. Avez-vous une pierre à la place du coeur ? » Yves Krattinger ne répond pas. Ses partisans dans la salle grondent. « Les conseillers d'opposition ont interpelé abondamment depuis deux ans sur le collège Gérôme », reprend-t'il, « seule l'assemblée départementale peut décider. Ce n'est pas le monde entier qui peut décider ».
« Mort programmée du centre-ville ? »
L'argument budgétaire a été décisif. La réhabilitation était évaluée à 15,5 millions d'euros et 4 ans de travaux ; un collège neuf à 12 millions et 3 ans de travaux. Le transfert à l'IUFM coûtera 6,2 millions d'euros pour une rentrée possible en septembre 2015.
« Vous gonflez d'un côté et dégonflez de l'autre, vous n'intégrez pas les coûts de transfert et le seul argument budgétaire ne suffit pas », dit Jean-Claude Ayala (UMP), également adjoint à Vesoul. Il demande de différer la décision et de travailler avec la mairie. Joëlle Laure-Libersa (PS), 2ème vice-présidente, ne se démonte pas : « Les trois possibilités seront financées par des marges dégagées sur le fonctionnement et par l'emprunt. Quelle ligne budgétaire voulez-vous réduire ? ». La droite ne répond pas.
Gérard Bontour (PS, Noroy-le-Bourg) poursuit : « On peut entendre les arguments sur la difficulté de déplacement, la disparition d'un pôle économique, social et culturel en centre-ville et l'attachement au bâtiment historique, mais parler de mort programmée du centre-ville, des locaux inappropriés de l'IUFM et d'économies factices non ! Actuellement au collège Gérôme, il y a 439 élèves dont 37% de jeunes résidant à Vesoul. Un site sécurisé sera aménagé pour les bus dans le nouveau collège ».
« Les quartiers font aussi partie de la ville »
Toujours véhément, Alain Chrétien exhorte les conseillers à répliquer. Plus posé, Charles Gauthier (UMP, Dampierre-sur-Salon) demande de différer la décision, parle d'une « grosse faute à ne pas commettre ». Il conteste la nécessité d'un 27ème collège à Boult, près de Rioz, le canton du président. Alain Blinette (UMP, Autrey-les-Gray) propose : « vous avez à Boult les 12 millions d'économie pour réhabiliter le collège Gérôme ». Yves Krattinger, « sourd, muet et aveugle » selon le chef de file de l'opposition Frédéric Burghard, a le dernier mot, inévitablement : « A vous entendre tout est faisable. Le tunnel sous la Manche aussi était faisable et a coûté trois fois plus cher que prévu. On peut faire beaucoup mieux en fonctionnalité en dehors de Gérôme. Ça n'est pas correct d'opposer des élèves et des habitants de Haute-Saône entre eux. Les quartiers font aussi partie de la ville. L'artiste Gérôme serait heureux de se retrouver dans un quartier populaire. S'agit-il d'une jalousie, d'une division nord-sud, que certains territoires veulent entretenir ? Comme la nostalgie, c'est une erreur politique fondamentale ».
Jeudi, la veille de ce vote, 200 personnes avaient manifesté jusque devant le Conseil général. Alain Chrétien a lancé sur la façade le premier oeuf, imité ensuite par quelques collégiens.
