« Ce qui provoque les révolutions, c’est l’avidité, l’attaque de trop… »

« Ce ne sont pas les élections qui changent les choses, mais elles sont l'occasion de se regrouper autour d'un programme et d'un drapeau », dit Claire Rocher, infirmière hospitalière et tête de liste aux régionales, lors de la fête de Lutte ouvrière à Besançon pour le lancement de la campagne en compagnie de la porte-parole nationale Nathalie Arthaud et de Michel Treppo, tête de liste dans le Doubs.

lo-lenine

« Si on fait un score plus haut que d'habitude, on va nous regarder autrement ». Ouvrier chez Peugeot, Michel Treppo est un candidat qui a la foi. Tête de liste départementale dans le Doubs pour Lutte ouvrière, l'un des partis se revendiquant de Léon Trotsky, il répond à une question venue de la salle sur la manière de construire l'unité des travailleurs : « En 20 ans, je n'ai pas connu de grève, seulement des débrayages de deux ou trois heures, mais j'y crois. J'y croirai jusqu'à ce qu'on foute en l'air ce système ». Il y a de l'émotion et de la colère contenue dans sa voix qui monte sur la fin de la phrase. De la révolte intacte. La salle applaudit avec enthousiasme, ferveur. Ils sont comme ça, les militants LO. La fierté ouvrière chevillée au corps, mais aussi l'esprit dans les livres des révolutionnaires. « Des camarades de LO m'ont ouvert les oeillères et vingt ans après, j'y crois... Combien de militants baissent les bras, peu aidés par les organisations syndicales quand il y a une grève ? », dit encore Michel Treppo, dimanche 27 septembre à Besançon.

Leur tâche, c'est d'être prêts, les militants. De se préparer à la révolution et de l'accompagner. Et qui sait, de l'encadrer, voire de la conduire... Quand viendra-t-elle ? « La révolte n'est-elle pas plus facile après une guerre ou un crack boursier, quand l'économie capitaliste est plus faible ? », interroge un jeune homme. C'est Claire Rocher qui répond. Elle est infirmière à l'hôpital de Dijon, tête de liste régionale après l'avoir été aux européennes. Son propos est rodé, précis, calibré : « ceux qui provoquent les révolutions, ce ne sont pas les les révolutionnaires. C'est l'avidité, l'attaque de trop. La crise de 2008 est la plus grave depuis celle de 1929, la moitié de la planète est à feu et à sang. Ce n'est pas le degré de misère qui pousse les travailleurs à changer les choses. C'est la conscience des choses et la confiance qu'ils peuvent le faire : cela passe par une organisation ».

« J'ai peur que les friandises de la bourgeoisie épuisent la révolution... »

Outre la tête de liste régionale, Claire Rocher, les têtes de listes départementales sont pour le Doubs : Michel Treppo, ouvrier PSA ; Jura : Dominique Reboy, enseignante à Dole ; Haute-Saône : Daniel Rouillon, ouvrier Alsthom, de Fougerolles ; Territoire-de-Belfort : Christine Petitot, enseignante à Belfort.
Les treize listes du pays sont « prêtes, mais encore en cours de vérifications administratives ».

Comment les choses se passeront-elles « après » ? Par exemple, dit un autre jeune homme, s'il y a « 18 millions de personnes dans la rue » ? Ceux qui critiquent LO pour son côté messianique en seront pour leurs frais. Rien n'est écrit d'avance, à entendre Michel Treppo qui, s'il a la foi, ne lit pas dans le marc de café : « A 18 millions de personnes dans la rue, il n'y a plus de profits dans les caisses... Comment ça se passera ? Je fais confiance à ma classe pour organiser au mieux la société ». Nathalie Arthaud, candidate à l'élection présidentielle de 2012, prend le relai : « une chose est d'être dans la rue, une autre est de contrôler, de s'organiser... Ce serait l'improvisation, un peu comme ont fait les Lip avec une inventivité... » Elle salue Charles Piaget, assis dans le public qui l'applaudit. Puis elle conclut, grave : « Ce sera un bras de fer, un combat à mort contre la bourgeoisie... »

On frémit. La révolution, c'est du sérieux. D'ailleurs, un jeune dit son inquiétude du lest qui pourrait être lâché : « j'ai peur que les friandises de la bourgeoisie, comme la Sécurité sociale, épuisent la révolution... » Claire Rocher théorise : « rendre l'exploitation moins ardue n'est pas la supprimer ». On en reste là, sur ces mots en suspend. On range les chaises. On brade les parts de tartes aux poires et de gâteaux aux noix qui ne sont pas parties. Environ 200 personnes se sont retrouvées pour parler, échanger autour des stands de livres, partager le poulet à l'orientale et le crumble aux pommes sous les portraits des grands anciens, être ensemble, écouter des musiciens.

« Le combat contre le FN passe par un combat contre le gouvernement »

Cet exercice de questions-réponses réalisé dans une ambiance studieuse et disciplinée, Michel Treppo l'avait lancé avec une ode au « camp des travailleurs ». Trois mots affichés sur les murs, projeté sur l'écran du fond de scène, repris plusieurs fois en conférence de presse. La question des réfugiés ne provoque aucun remous. Dans le pays de Montbéliard, elle est davantage présente. « Ceux qui nous sont proches n'en parlent pas, mais leur silence est éloquent », dit en substance un cadre du parti. Un parti qui a fait de l'internationalisme un de ses combats, et partant de l'anti-racisme. Dans les propos de Michel Treppo, né d'un père italien et d'une mère espagnole, cela donne : « ma vraie nationalité, c'est d'être un travailleur ». Le scandale des tests de pollution des moteurs Volkswagen lui fait joindre l'évocation environnementale à la critique du consumérisme : « la campagne de PSA disant que l'air est plus propre après être passé dans le moteur qu'avant, c'est du baratin ! Il y a là une vraie signification de ce qu'est le capitalisme... Il faut arracher l'économie aux lois du capitalisme ».

Auparavant, le trio Arthaud-Rocher-Treppo avait expliqué à la presse pourquoi, bien que pas électoralistes pour deux sous, LO entendait profiter de la « tribune » fournie par la campagne électorale pour faire passer quelques messages. Message politique : « La révolte sociale n'est pas dépendante des scores électoraux », dit Nathalie Arthaud. Il n'y aurait pas d'intérêt général parce qu' « on n'a pas les mêmes intérêts que la famille Peugeot qui a augmenté sa fortune personnelle », dit Claire Rocher. « Le Front de gauche et le PG ne mettent pas en avant la nécessité pour la classe ouvrière de se battre, ne mettent pas en avant la lutte des classes », dit Nathalie Arthaud.

« Les Grecs ont voté Tsipras pour éviter le pire, pas pour valider l'austérité comme l'a titré Le Monde ! »

Pourquoi la colère sociale profite-t-elle au FN ? « C'est le résultat de la politique anti-ouvrière dont est responsable le PS. Le combat contre le FN passe par un combat contre le gouvernement. Le FN n'a pas le monopole de l'opposition, il veut une place dans le système... », analyse Nathalie Arthaud. La peur ne bride-t-elle pas les mouvements sociaux ? « On n'arrête pas de nous dire que la crise est là, comme si le seul choix des travailleurs était de se partager la misère. Ce système n'est pas l'avenir de l'humanité, le capitalisme n'est pas l'alpha et l'oméga de l'univers », s'exclame Claire Rocher. « On ne se présente pas contre le PC ou le Front de gauche, on défend une autre politique... Les Grecs ont voté Tsipras pour éviter le pire, pas pour valider l'austérité comme l'a titré Le Monde », dit Nathalie Arthaud.

En fait, « ce ne sont pas les élections qui changent les choses. Le vrai pouvoir n'est pas là, il est dans les conseils d'administration des banques où ces gens ne cèdent que face aux mobilisations », dit Claire Rocher pour qui les élections elles sont l'occasion de « se regrouper autour d'un programme et d'un drapeau ». Même pas besoin de préciser qu'il est rouge, ce drapeau...

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !