Bilan de mi-mandat à Besançon : « vous n’avez pas forcément tort de râler… »

La municipalité n'est pas contredite sur les 65% de promesses tenues ou engagées, mais on ne s'est pas bousculé dans les réunions organisées ces deux dernières semaines. A Planoise, la fin de emplois-aidés et la dégradation des conditions de vie d'un des quartiers les plus pauvres de France reviennent comme un boomerang, quand les quartiers résidentiels ont d'autres soucis.

bilan

Certains diront que le bilan à mi-mandat effectué par Jean-Louis Fousseret est une opération de communication. Ils s'appuieront sur le dossier du dernier numéro de BVV qui fait sa couverture sur la première pierre du chantier de la future cité administrative Viotte, sur le site dédié qui liste les promesses de 2014 et dit où elles en sont… Ça sent d'autant plus la communication que le maire est en délicatesse avec sa propre majorité. Et dans ces conditions, mieux vaut parler des engagements communs, ça évite de s'appesantir sur ce qui divise.

Mais cela revient parfois comme un boomerang. Comme mardi 3 octobre, lors de la réunion publique de Planoise, l'une des huit organisées pour présenter ce fameux bilan de mi-mandat. On venait de consacrer près de deux heures aux questions de sécurité et l'adjoint à l'éducation Yves-Michel Dahoui expliquait la rénovation de l'école Durer et la mise en oeuvre compliquée des cours préparatoires à douze élèves dans les écoles du quartier, même celle qui n'est pas en REP+réseau éducation prioritaire renforcé : « on a redéployé 30 classes, fait 21 classes de douze et dédoublé des salles où l'on a mis deux fois douze élèves ».

Le boomerang des contrats aidés

Près de la moitié des participants avait quitté la salle Mandela quand Lydie se leva : « que pensez-vous de la suppression des contrats aidés dont je fais partie ? Ça fait quatre ans que j'y suis dans une école du quartier, et le 21 novembre je n'aurai plus rien… » Dahoui, toujours au PS, répond : « on a eu des positions différentes au conseil municipal, je regrette la soudaineté de la mesure… » Fousseret tente de justifier : « les contrats aidés ne sont pas tous supprimés… Je ne veux pas rentrer dans le débat national… Je vais faire remonter l'information pour qu'on y soit attentif dans les quartiers prioritaires. L'objectif est de transformer les contrats aidés en formation qui donne un vrai boulot… »

Une autre intervention ? Une femme se lève : « je suis en contrat aidé à l'école Ile-de-France depuis quatre ans, et le 18 novembre, c'est fini… Je n'ai pas besoin de formation, j'ai les diplômes. On ne m'a rien proposé… Je coûte trop cher et je suis trop vieille… » Le maire compatit : « ce n'est pas normal qu'on ne vous ait pas donné un vrai boulot… » 

Comme si assistant de vie scolaire ou chargé de maintenance informatique dans une école n'était pas un vrai boulot sous le prétexte qu'il s'exerce sous le statut d'emploi aidé ! Après la réunion, un élu nous cite une source syndicale selon laquelle une quarantaine de ce type d'emplois aidés dans l'Education nationale seraient supprimés sur Besançon… A ce compte là, de nombreux postes de fonctionnaires pourraient être considérés comme des emplois aidés puisque le marché ne peut les financer. C'est d'ailleurs la logique des traités internationaux CETA ou TAFTA…

Pas seulement de la communication...

Contrariants pour la politique gouvernementale que soutient Jean-Louis Fousseret, ces témoignages montrent cependant que le bilan de mi-mandat n'est pas qu'une opération de communication ou de diversion. C'est aussi un exercice courageux d'aller se confronter à des citoyens à qui on doit des comptes. « Ce n'est pas un exercice d'autosatisfaction, mais de transparence », dira le maire le 4 octobre à la CCI pour la réunion relative aux cinq quartiers Grette, Butte, Rosemont, Saint-Ferjeux et Rosemont.

Reste qu'on ne se bouscule pas : une petite centaine de personnes à Planoise parmi lesquelles une petite moitié d'élus et de fonctionnaires municipaux, pas plus de soixante personnes à la CCI où l'adjointe aux bâtiments Catherine Thiébaut (LREM) dit tout haut qu'il n'y a « pas grand monde » en répondant à une question, ce que le maire nuance aussitôt à la tribune : « si si, il y a du monde… » Pas plus de soixante personnes vendredi 6 octobre au FJT de la Cassotte dont plus de la moitié de techniciens et d'élus...

Mais peu importe, ceux qui sont venus sont investis dans une association ou un conseil consultatif d'habitants, ont des remarques ou des interpellations à faire. Ils sont des relais d'information et d'opinion, ce que Jean-Louis Fousseret, élu depuis quarante ans et rompu aux réunions publiques, sait fort bien. A un jeune homme qui lève la main pour la troisième fois au fond de la salle de Planoise, il lance au milieu d'une phrase : « vous pouvez baisser la main, tout le monde parlera… »

Le jeune homme, membre du CCHcomité consultatif des habitants, habite avenue du Parc et témoigne : « un soir un individu a tenté de forcer ma porte, mes soeurs se sont cachées dans le placard, j'ai appelé la police, elle ne s'est pas déplacée. Pourquoi la police de proximité ne serait pas armée face à des gens armés ? » Fousseret répète ce qu'il a dit au conseil municipal : « la police municipale n'est pas faite pour courir après les gangsters, c'est le rôle de la police nationale, mais elle n'est pas assez nombreuse… » 

Il invite Benoît Desferet, le directeur départemental de la sécurité publique, à réagir l'appel infructueux au 17, qui n'est manifestement pas un cas isolé : « Quand il y a une urgence, on essaie d'intervenir rapidement, mais on fait malheureusement avec l'effectif disponible, on classe selon l'urgence… », dit le commissaire en s'adressant au jeune homme : « Ecrivez-moi, je vérifierai. Dans toute entreprise il y a des carences… » On ne savait pas qu'un commissariat était une entreprise ! Plus tard, il expliquera avoir été « surpris », à son arrivée à Besançon, par la longueur des temps d'attente pour déposer plainte. 

« Je suis stupéfait, s'il y a un pépin, c'est moi le responsable ! »

Plusieurs interventions alimentent ce sentiment d'abandon à Planoise. « Planoise n'est plus comme avant », dit un vieux monsieur. « J'ai peur de passer devant le centre commercial des Epoisses, il y a trop de dealers », dit une dame. « Ça va de mal en pis », dit une femme qui habite le quartier depuis quinze ans en donnant une semple : « depuis le 14 juillet, le feu qui signale la priorité au tram au carrefour Ide-de-Francen'est toujours pas réparé ». Le maire s'étonne : « je suis stupéfait, s'il y a un pépin, c'est moi le responsable, il faut mettre un autre feu… » Présente, l'adjointe à la voirie Marie Zehaf explique : « on ne peut pas mettre n'importe quel feu ! » Fousseret réplique : « il faut en avoir d'avance… »

Le thème de la sécurité avait été minutieusement préparé. L'adjointe Danièle Poissenot avait expliqué les « 97 agents municipaux dont 56 policiers, 13 ASVP et 9 opérateurs de vidéo-protection… », annoncé que les 143 caméras allaient être 177 d'ici la fin de l'année… Jean-Louis Fousseret avait ajouté : « j'ai conscience que ça ne va pas à Planoise, depuis deux ans, il y a une accélération des problèmes… Il y aura un commissariat de proximité au 6 avenue du Parc, pas très grand pour que les policiers soient dans la rue… On a fait ce qu'on avait dit [lors de la campagne électorale de 2014], je constate aujourd'hui que ce n'est pas suffisant… »

Débat En Marche - Insoumis !

Emmanuel Girod, qui conduisit alors la liste PG-Alternatifs-Ensemble, est présent avec quelques Insoumis. Il se lève et intervient : « Vous avez raison monsieur le maire, la situation est préoccupante… Dans l'analyse des besoins sociaux, je lis que Planoise est l'un des quartiers les plus pauvres de France. Il y a beaucoup à faire et on est loin du compte. Les familles souffrent énormément… Et vous traitez le problème par le biais de la sécurité. On n'est pas contre le processus répressif, mais la vidéo-surveillance a un coût pharaonique et comme la délinquance se déplace, ça n'a pas grand effet. Je voudrais que vous développiez davantage le volet prévention : pourquoi avez vous supprimé les correspondants de nuit ? Il faudrait une politique de long terme pour que les habitants se réapproprient leur quartier… »

Jean-Louis Fousseret est en désaccord sur la vidéo-surveillance qui « a des résultats » et « n'est pas une atteinte à la liberté », qui « permet des condamnations… » Mais il est d'accord avec Girod, comme lui ancien du PS : « je suis d'accord, on ne règle pas tout, vous avez raison sur le travail de long terme… » Il justifie le remplacement des correspondants de nuit par Médiaction, une entreprise de surveillance intervenant sur le domaine privé des bailleurs sociaux. « Ils sont injoignables », s'exclame Joëlle Caillaux, l'ancienne principale du collège Diderot qui anime depuis des années le journal de quartier La Passerelle. 

Des drones, « police du futur » ? 

Un quadragénaire qui demande des drones à caméra « pour surveiller le quartier ». Quand l'animateur du débat demande si c'est là « la police du futur », on songe à cette bande dessinée d'Enki Bilal décrivant une société totalitaire ultra techno-sécuritaire. « Ce n'est pas envisagé », dit Fousseret qui doit encore entendre des doléances relatives au cadre de vie : des pétards pendant les deux mois d'été, des barbecues derrière les immeubles en des lieux inaccessibles aux pompiers, des « cafards dans des logements pourris »…
- « Qui vous loge ? », demande le maire.
- « Néolia », répond la dame.
- « Je veux bien répondre pour GBH ou la Saiemb… Les cafards, c'est pas normal, contactez le service hygiène… »
- « On l'a jamais vu, on l'a appelé, on a écrit, fait une pétition… »
- « Vous habitez où ? »
- « rue de Cologne… »

Le jeune homme membre du CCH revient dans l'échange : « une société civilisée se base sur la sécurité. Comment voulez-vous qu'il y ait une bonne éducation ? » Le maire rame, mais il est opiniâtre : « posez vos questions, on y répondra. On n'a pas été élus pour que les gens vivent mal, mais pour faire en sorte qu'on continue à vivre bien ici… » Un autre membre du CCH intervient : « je connais tous les élus, on a alerté de tous les sujets des heures en réunion, jamais rien n'aboutit… » Adjointe en charge de la démocratie participative, Anne-Sophie Andiantavy répond : « vous faites partie de l'inter-instance spécifique tranquillité où ces problèmes peuvent être abordés ».

L'homme insiste : « il n'y a rien… » Jean-Louis Fousseret assène : « ce type de discussion de me gène pas ». Un autre habitant vient au secours du premier avec aplomb : « tout ce dont on parle en ce moment, on en parle depuis cinq ans. Et il n'y a rien eu… Quand on en parle, qu'on nous dise pourquoi ce n'est pas fait ou quand ce sera fait… » Une bonne partie de la salle l'applaudit. Le maire l'approuve : « vous n'avez pas forcément tort de râler là-dessus… »

 

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