Besançon, une attachée de presse s’en va…

Catherine Adam prend sa retraite et de nombreux journalistes viennent saluer celle qui les a souvent orientés dans des recherches complémentaires. Si elle fut « au service de la ville », fut-elle aussi « au service des élus » comme le dit le maire Jean-Louis Fousseret ? Entre information et communication, la distinction est indispensable.

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Une petite foule joyeuse se presse dans la salle Courbet de la ville de Besançon en cette fin de matinée. On reconnaît des cadres des services municipaux, des professionnels de la communication de diverses institutions, quelques élus, pas mal de journalistes... En ce lieu où l'on vote les dimanches d'élection, où se tiennent des mariages célébrés en semaine, des colloques et des conférences de presse, tout ce petit monde est venu dire un petit coucou à Catherine Adam. Chargée de relations presse à la ville depuis 24 ans, elle prend sa retraite.

Le grand public ne la connaît pas. Sans doute l'a-ton croisée dans une rue du centre-ville qu'elle arpente souvent à pied, peut-être l'a-t-on reconnue dans un reportage télé où on ne l'entendait pas... D'ailleurs, dit-elle au micro à ses invités, « c'est la première fois que je parle en public... » Puis elle fait une courte liste de quelques uns des « nombreux projets qui ont boosté Besançon » qu'elle a « accompagnés » : Micropolis, tunnel sous la Citadelle, Maison de la Franche-Comté à Paris (qui n'a pas vécu), tram, classement Unesco des fortifications Vauban...

« La communication est devenue essentielle à l'action publique »

Cette femme souriante, appréciée des journalistes, a bâti des centaines de dossiers de presse, écrit des communiqués de presse, envoyé des invitations presse aux rédactions d'ici et d'ailleurs. Jean-Louis Fousseret lui fait l'honneur d'un petit discours, saluant d'emblée toutes ces années « au service de la ville, au service des élus... » Et soulignant au passage que sa carrière aura accompagné l'évolution, non seulement d'un métier, mais d'une fonction : « avant, la communication n'était pas centrale, maintenant elle est devenue essentielle à l'action publique, elle a un rôle capital car les citoyens ont le droit de savoir ».

On sait le maire de Besançon, comme la plupart des patrons de collectivités, accro aux bons papiers, aux louanges dans les journaux relayant les places d'honneur dans les concours. Il en parle souvent en conseil municipal, en conseil d'agglomération, en conférence de presse. Il est aussi sensible aux reportages critiques qu'il a parfois du mal à accepter. D'où l'importance qu'il accorde à la communication institutionnelle.

Pas un verrou mais une clé

Catherine Adam a donc su « donner du sens » à l'action de la ville, expliquer « où on veut aller » dit Jean-Louis Fousseret que estime cela utile en raison des « clichés tenaces sur les élus ». Il entend donc remercier l'attachée de presse qui s'en va : « aujourd'hui, nous avons beaucoup progressé dans l'image de cette ville grâce à vous ».

Cet hommage du premier magistrat est presque gênant tant, justement, Catherine Adam n'aura pas été la voix de son maître que sont souvent les services de communication : un écran entre la presse et le pouvoir. Elle a souvent su aider les journalistes les plus curieux, voulant en savoir plus, en les orientant vers les interlocuteurs ad-hoc, en leur trouvant un chiffre, un détail, un nom ne figurant dans un dossier de presse, n'hésitant pas à dire ce qui n'était pas de son ressort. C'est pour cela aussi que les journalistes sont venus en nombre la saluer. Parce qu'elle n'était pas un verrou, mais une clé. Elle n'aura pas été un écran, mais une facilitatrice.

Au service de la ville plutôt que des élus, et à l'écoute des journalistes. Il y a plus qu'une nuance, peut-être même une forme de résistance discrète à un aspect un peu désagréable de l'air du temps. Certains communicants « au service d'élus » en font la promotion, les défendent, les vendent, tentent de convaincre les journalistes du bien fondé de leurs actions. Bref, ils sont des propagandistes. Peut-il en être autrement ? Oui, car c'est contreproductif, sauf à vouloir transformer les journalistes soit en faire-valoir soit en emmerdeurs. Catherine Adam a bien saisi la subtilité de ce jeu, gardant la bonne distance tout en restant accessible et conviviale. 

Langue de vipère et langue de bois

Hubert Demazure, qui fut chef d'agence de la rédaction locale de L'Est républicain avant de devenir rédacteur en chef du journal municipal BVVBesançon votre ville sous Robert Schwint, a trop d'expérience pour savoir que disserter des rapports presse-pouvoir, fussent-ils locaux, est une aventure en terrain miné. Il s'en sort par une pirouette dont il a l'habitude : « on dit parfois que j'ai une langue de vipère, que je suis langue de pute. Aujourd'hui, je choisis la langue de bois : ma chère Catherine, tu es respectée pour tes valeurs de partage et de transparence ».

Rit-on jaune des bonnes blagues d'Hubert Demazure ? Sous le trait banal, se cache une vérité : la presse et le pouvoir usent les mots, voire les pervertissent quand ils sont mal choisis. Les pouvoirs, qu'ils soient politiques ou économiques, tordent le réel quand ils confondent la communication et l'information. Et la presse s'affaiblit quand elle consent à cette confusion. Quand elle accepte ce qui est en réalité une violence faite à la démocratie.

La communication doit-elle passer la brosse à reluire ? « Un petit peu, c'est inévitable, ça sert à défendre les projets », nous répond un conseiller qui préfère parler off. « Si un élu a confiance dans un communicant, ça peut aider... Et tout le monde n'est pas pourri, on en crève de ça ».

« La communication est évidemment une information intentionnelle »

Annette Vial, qui fut chroniqueuse judiciaire à L'Est républicain, a une idée assez précise de la différence : « la communication est interne, l'information est pour le public ». La communication peut-elle être un obstacle à l'information ? « Oui ! Quand j'étais à la télé, les bureaux régionaux de l'ORTF avaient été créés pour faire passer des messages politiques. Pendant l'affaire Lip, on ne voulait pas que je passe une interview avec Rocard, j'ai été virée quelques mois plus tard après l'avoir fait... Une fois, à L'Est républicain, le directeur avait refusé un compte-rendu de tribunal indiquant que Géant-Casino avait été condamné parce que c'était un client de sa femme qui travaillait à la pub... »

Journaliste pigiste, Dominique Bonnet fait elle aussi la distinction : « la communication, c'est de l'information non objective au service de quelqu'un. L'information, c'est fait par un journaliste qui écoute ce qu'on lui dit, analyse, va chercher des informations complémentaires et contradictoires pour essayer de donner une information plus objective... » Un ancien journaliste est sur la même longueur d'ondes : « la communication est évidemment une information intentionnelle. L'information est forcément contradictoire, la communication jamais, elle est partielle et partiale... »

Patrick Isely, le directeur de BVV, fait aussi la différence, mais pas tout à fait la même : « l'information doit être sans fioriture, sans habillage, concrète, elle se suffit à elle-même... Avec la communication, on enrobe, pour vendre ou faire savoir des choses... » Journaliste à France3, Christophe Joly résume sa pensée d'une phrase : « l'info, tu vas la chercher, la comm', c'est une info qu'on t'amène... »

« Communiquer, c'est un peu vendre »

Catherine Adam ne le cache pas : « communiquer, c'est un peu vendre. L'information, c'est les choses telles qu'elles sont. J'ai toujours essayé d'informer les journalistes, jamais de leur mentir... » Alexandra Cordier, qui va lui succéder et vient du cabinet de Jean-Louis Fousseret, va sans doute faire évoluer la fonction : « information et communication ne sont pas la même chose. L'info, ce sont les faits, l'actualité. La communication, c'est un outil qui permet de mettre en place l'info, le support qui met en musique l'info... »

Le nouveau directeur de la communication de la ville, Stéphan Raphaël, est d'ailleurs sur cette orientation. A la tête d'un service d'une vingtaine de personnes — graphistes, photographes, équipe de BVV, trois chargés de communication —, il est là pour « promouvoir l'image de la ville, raconter ce que font les services à la population, travailler la notoriété grâce à BVV, au site, aux événements... »

Journaliste au Nouvel Obs pendant dix ans, il a bifurqué la trentaine venue vers la communication, d'EDF à la communication digitale de la région PACA en passant par une ville du Val d'Oise et la région Picardie. Il dit avoir un défi : « rendre Besançon plus sexy... On ne parle pas assez de cette ville qui a des prix partout. On est les meilleurs dans beaucoup de domaines, on ne le dit pas assez... » Ces derniers mots, Jean-Louis Fousseret les prononce à chaque conseil municipal.

L'ancien journaliste différencie-t-il l'info et la com' ? « La com est subjective, c'est normal ». L'information serait-elle contradictoire quand la communication s'apparente à la propagande ? « On ne peut plus fonctionner comme ça : il y a davantage d'accès à l'information et on ne peut plus balader les gens. Selon les profils, c'est différent ». L'information serait-elle plus complexe ? « Elle est différente, l'intérêt du journalisme, c'est l'analyse... »

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