Moins 5% pour les subventions et les crédits des services municipaux. Le budget 2018 de la ville de Besançon promet, comme celui de nombreuses collectivités locales, du sang et des larmes. Certes, passant de 185,9 à 187,1 millions (tableau en bas d'article), il devrait être en hausse de 0,65% par rapport à 2017, mais avec une inflation prévue de 1,1%, c'est une baisse des dépenses annoncée. Surtout, le fonctionnement devrait diminuer de un million (- 0,7%) alors que l'investissement doit croître de plus de 2 millions et atteindre 35 millions cette année avant de se stabiliser à 32 millions les années suivantes.
Il ne s'agit pour l'heure que d'orientations budgétaires qui ont été discutées lors du conseil municipal, jeudi 8 mars, et doivent être confirmées lors de la session budgétaire du 9 avril. Elles donnent néanmoins le ton. Elles s'expliquent par la poursuite des politiques gouvernementales imposant aux collectivités de participer au désendettement de l'Etat. Bien que responsable de 80,2% de la dette publique du pays en 2016, quand les collectivités en portent 9,3%, l'Etat leur a imposé de contribuer lourdement à sa réduction : 26,5% de l'effort national contre 30,6% pour l'Etat et 40% pour la Sécu.
Michel Loyat :
« Les ratios sont bons,
la dette est sécurisée »
Ces politiques sont particulièrement drastiques puisque devant se traduire par l'obligation pour 322 collectivités, dont la ville et l'agglo de Besançon, de signer d'ici l'été un engagement triennal de ne pas dépasser une augmentation annuelle du budget de fonctionnement de 1,1%. Heureusement pour la ville, les indicateurs de santé financière sont corrects. « Les ratios sont bons, la dette est sécurisée », souligne ainsi l agrégé d'économie adjoint au budget, Michel Loyat...
Les recettes de fonctionnement sont supérieures aux dépenses de fonctionnement de près de 30 millions, ce qui constitue une épargne brute nettement plus importante que les 20 millions jugés nécessaires pour que la ville soit en capacité de financer ses investissements. C'est une curiosité de la comptabilité publique de financer les investissement avec le surplus de recettes de fonctionnement !
« Les contraintes sur les collectivités
se poursuivent, voire s’accentuent »
Quant à ce qui reste d'épargne brute une fois remboursé le capital de la dette, ce qu'on appelle l'épargne nette est, avec 16 millions, supérieure aux 11 millions considérés comme le minimum nécessaire pour que la ville puisse investir sans emprunter. Quant à sa capacité de désendettement
Pour Besançon, c'est 27 millions de recettes « ponctionnées » entre 2013 et 2017. Certes, c'est du passé, mais l'encadrement des dépenses de fonctionnement avec un maximum de 1,1% d'augmentation par an jusqu'en 2020, fait douter Philippe Gonon (UDI) que la ville « respecte » ce seuil sur trois ans. Endossant sa tunique de vice-président du département, il suggère à la ville de « redéployer les dépenses de fonctionnement », notamment en accompagnant les personnes âgées à faible revenu et dépendantes. « Vous ne manquez pas de souffle, c'est de la compétence du conseil départemental. Proposer des dépenses nouvelles, il faut oser ! Rien ne vous arrête », réplique Jean-Louis Fousseret.
Jacques Grosperrin :
« La contractualisation est imposée,
vous ne maîtrisez pas ces orientations »
Jacques Grosperrin (LR) estime pour sa part qu'avec la contractualisation avec l'Etat, on « met le bras dans une usine à gaz » et que « la recentralisation autoritaire s'affiche sans complexe ». Le maire répond : « ce n'est pas le préfet qui va gérer la ville ! » Côté recettes, il ne faut pas oublier non plus la réforme de la taxe d'habitation sur la quelle le sénateur Grosperrin assure que « personne n'y voit clair ». En conséquence de quoi, il assure à l'exécutif municipal : « la contractualisation est imposée, c'est André Laignel qui le dit... Vous ne maîtrisez pas ces orientations budgétaires ».
10.148 foyers fiscaux de Besançon sont aujourd'hui exonérés de taxe d'habitation, soit 19,3% des 52.706 foyers fiscaux de la ville. En 2020, si le dispositif prévu par la loi de finances est totalement mis en place, ils devraient être 43.306, soit 82,2%.
Ce qui est certains, c'est que les dépenses sont maîtrisées. La baisse de 5% des subventions et crédits des services correspond aux « seules réelles marges de manœuvre » dont dispose la ville. Le rapport tente de faire passer la pilule en expliquant qu'il s’agit cependant « de continuer à optimiser sans toucher au cœur même des interventions communales ». L' « effort exceptionnel » en matière d'investissement pour cette année - 35 millions au lieu des 32 envisagés sur les années à venir - réside dans la réalisation du siège du CROUS et le soutien à la Saiemb-Logement.
Le contexte local, c'est aussi la poursuite des transferts de compétences vers la communauté d'agglomération. Devenus moins de 1700 après le départ en 2017 des 114 des services eau et assainissement, les employés titulaires de la ville (1534,7 ETP) vont continuer à diminuer avec les mutualisations de la communication (8 postes). Le rapport ne dit rien sur la situation des agents temporaires en 2018. Ils représentaient au 31 décembre 2016 près du tiers de l'effectif global avec 839 personnes. La réouverture du musée des Beaux-Arts entraine la « réactivation » de 16,5 postes. La ville doit également recruter six agents à la police et au stationnement.
Michel Omouri (LR) annonce
une campagne sécuritaire en 2020
Les débats budgétaires sont bien entendus les supports des débats sur le contenu des politiques. Tour d'horizon des positions.
En ouvrant la séance, le maire Jean-Louis Fousseret répète des choses cent fois dites : « Nous avons un cap. Nous avons mis en oeuvre 65% de nos 404 promesses de campagne. Nous avons des défis majeurs : la grande région, des territoires de plus en plus en concurrence, la perspective d'une éventuelle communauté urbaine... Il y a aussi 35 ans de dette à résorber, ce n'est ni de droite ni de gauche, c'est une obligation, il n'y a pas d'alternative... ». Après cette tirade thatchérienne, il assure de « la cohésion de l'équipe municipale qui est renforcée ».
Abdel Ghezali (PS) salue « le volontarisme et la continuité, la cap clair et partagé » des orientations budgétaires. Davantage de policiers municipaux et la déconstruction des 408 sont des « preuves que la ville avance ». S'il prend acte que les dotations aux collectivités « ne baissent plus », il pointe la moindre « autonomie » des collectivités engendrée par « l'obligation de signer un contrat d'encadrement des dépenses ». Il critique « les efforts inégalement partagés (ISF, CSG, ponction sur le logement social, suppression des contrats aidés...) et les choix libéraux assumés par le gouvernement ».
Ludovic Fagaut (LR) évoque le « tour de passe-passe » consistant à transférer les augmentations d'impôts à l'gglo ». Il dénonce le « lien social fragilisé » face auquel « les associations sont un bon rempart » alors que le gouvernement fait preuve « d'absence de réflexion du gouvernement sur leur devenir ». Il « salue ce qui fonctionne [sur le plan éducatif] : parcours artistique et culturel, pas comme le PEDT ». Jean-Louis Fousseret répond : « vous avez raison sur les associations, mais quelles sont les solutions ? Surtout quand certains nous disent attendre les subventions que le département n'a pas versées... »
Complimentant la majorité municipale pour avoir fait de la tranquillité publique une priorité, « content qu'il y ait enfin un commissariat à Planoise », Michel Omouri (LR) doute de l'efficacité de la police de sécurité du quotidien qui doit être expérimentée à Besançon, revient sur un dada de la droite, l'armement de la police municipale : « ce sera le débat de 2020 ». Autrement dit de la prochaine campagne municipale. Fousseret est presque blasé quand il rétorque : « c'était votre idée, et maintenant, ce n'est pas bien... » Pascal Bonnet (LR) vient à la rescousse de son colistier : « vous pourriez avoir l'honnêteté de reconnaître que les oppositions du passé avaient raison... »
Thibaut Bize (PCF) regrette les « contraintes supplémentaires sur les collectivités locales - 10 milliards de moins sous Hollande, la révolution Macron revient au même - encadrent les budgets de fonctionnement et brident les investissements ». Cela ne l'empêche pas de souligner que sont « ré-affirmées les priorités sur lesquelles nous avons été élus : éducation, politique en direction des classes populaires, solidarité... Seul bémol, la sécurité et la tranquillité publique où les résultats seraient meilleurs si les crédits alloués à la vidéo-protection étaient réorientés vers davantage de présence sur le terrain en lien avec la nouvelle Police de Sécurité du quotidien ».
Anne Vignot (EELV) constate aussi « l'invitation à participer à la baisse de la dette de l'Etat » et déplore « l'approche descendante » qui conduit à la « perte d'autonomie ». Elle en conclut que « la frugalité s'impose à nous » ainsi que « la garantie de l'accès aux besoins fondamentaux ».
Laurent Croizier (MoDem) « partage sur le fond » les priorités de la majorité mais s'interroge : « comment les articuler avec l'attractivité de la ville ? Il manque des places en restauration scolaire, dans les écoles des quartiers... Nous attendons que vous fassiez du En Marche, nous serons alors avec vous... »
Dominique Schauss (LRM) regrette « la pluie de critiques » de la droite et assure « il y a des projets ». Julien Accard (LP) est presqu'à contre-emploi : « on ne peut pas dire que tout va mal, que tout est de la responsabilité de la ville... Les locomotives - CLA, grandes écoles - sont sous-exploitées... »