Besançon : le nouveau rapport de forces politique change l’ambiance du conseil municipal

Le budget de la ville est en baisse sur l'investissement en raison du plan gouvernemental : 32 millions au lieu de 35 initialement prévus alors qu'il était à 40 l'an dernier. 6,8 millions de fonctionnement sont transférés à l'agglo. La droite et le FN votent contre.

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Voter le budget le lendemain d'une claque électorale, voilà qui n'était pas arrivé depuis longtemps à la gauche bisontine. L'impact des élections départementales sur le conseil municipal de Besançon est immédiat. La majorité municipale n'avait que des amis dans la majorité départementale : l'adjoint au maire, Yves-Michel Dahoui, les anciens adjoints Vincent Fuster, Claude Girard et Claude Jeannerot soi-même. Avant d'être député, Eric Alauzet en fut.

Aujourd'hui, ce ne sont pas moins de cinq opposants qui font une entrée fracassante dans l'assemblée départementale : Marie-Laure Dalphin, Odile Faivre-Petitjean, Ludovic Fagaut, Philippe Gonon et Michel Vienet. Face à eux une seule conseillère municipale PS, Myriam Lemercier. Élue dimanche conseillère départementale du canton de Besançon-1 qui inclut Planoise, elle vient d'intégrer le conseil municipal à la suite de la démission de Laetitia Simon.

Jean-Louis Fousseret : « la sanction est sévère, il faut l'accepter »

Cette nouvelle donne augure des relations nouvelles entre la Ville et le Département, et du tangage est à prévoir. Jean-Louis Fousseret a tenté de masquer sa contrariété derrière une sportivité de bon aloi : « la défaite de la gauche est massive, incontournable, il faut l'accepter. La sanction est sévère... » Puis il combine analyse locale et éléments de langage matignonesques : « Il faut en tirer des conclusions, quand des bastions tombent, il faut des réponses fortes, rapides, concrètes. La gauche a fait 56,13% sur la ville, mais ça n'a pas été suffisant, elle a été insuffisamment mobilisée, beaucoup trop divisée. Claude Jeannerot a accompli un travail remarquable... »

Atteint par une extinction de voix, ironie du sort, le maire « salue les nouveaux élus qui siégeront dans l'assemblée départementale et à la ville ». Il lance aussitôt une offensive qui reviendra plusieurs fois au cours de la séance : « La nouvelle majorité et la nouvelle présidente ont un grand défi à relever : le maintien de l'action sociale sur l'ensemble du territoire, une action sociale pour tous ». Puis il passe un coup de pommade : « je ne doute pas que la nouvelle majorité fera tout pour le rayonnement de Besançon ». Quand la droite tenait le département et la région, avant 2004, ce ne fut pas toujours le cas. « Nous aurons, ici et au département, toujours les yeux de Chimène pour Besançon », promettra plus tard Philippe Gonon. « Je ne doute pas que vous défendrez la ville, mais je jugerai aux actes », répliquera Fousseret.

« Monsieur le maire », « Monsieur le sénateur »

Jacques Grosperrin, le leader de la droite, n'en rajoute pas. Il fait part de sa « satisfaction de voir que le conseil municipal change ». Il rend « hommage aux élus et aux non-élus qui vont travailler avec beaucoup d'honnêteté ». Et souligne : « l'union de la droite et du centre initiée aux dernières municipales porte ses fruits... Monsieur Fousseret, Monsieur le maire... » « Merci, Monsieur le sénateur », répond ce dernier.

Mine de rien, cet échange d'amabilités inédit témoigne de la réévaluation du rapport de forces politiques... pour plusieurs années. Jusque là, Jacques Grosperrin ne disait jamais « monsieur le maire » et Jean-Louis Fousseret jamais « monsieur le sénateur ». A quoi tout cela tient ! Reste que si une campagne vient de se terminer, une autre commence, celle des régionales qui ne s'annoncent pas sous les meilleures auspices pour la gauche. La droite aurait cependant tort de se voir déjà arrivée avec un FN qui, plus que jamais, entend surjouer ce qu'il appelle l'UMPS...

Jean-Louis Fousseret : « Je ne suis pas entendu [du gouvernement], je ne désespère pas de l'être »

Julien Acard ne s'en est d'ailleurs pas privé, en pointant « l'amateurisme des documents » budgétaires présentés au conseil. Une critique allant bien au-delà du débat politique qui fait aussitôt réagir Jacques Grosperrin : « ce sont les services qui les préparent, on ne peut pas dire ça ». Réaction d'Acard : « ils transmettent ce qu'on leur demande de transmettre ». Fousseret est atterré : « j'ai renoncé à vous convaincre... » Pascal Bonnet (UMP) dira plus tard : « respecter les services est une tradition républicaine ».

Auparavant, Jean-Louis Fousseret a défendu un budget 2015 « solide et ambitieux » prenant en compte les « nouveaux paramètres » constituant un « véritable tournant » que sont les baisses de dotations de l'Etat aux collectivités. « Je continue de demander un effort étalé dans le temps, je ne suis pas entendu, je ne désespère pas de l'être », ajoute-t-il en référence à son action au sein de l'association des maires des grandes villes dont il est premier vice-président.

La dette bisontine, six mois de budget

Sur la notion de dette illégitime, voir les analyses de Robert Joumard, membre du collectif pour un audit de la dette publique, ici,
de Vincent Le Biez (UMP) qui conteste la notion en mettant dans le même sac Mélenchon, Dupont-Aignan et Le Pen...
de Chiara Filoni qui évoque les exemples argentin, équatorien et islandais.

Il défend la « rétablissement des comptes publics » et montre un graphique sur l'évolution de la dette publique depuis 1980. Elle représente 93,5% du PIB annuel du pays. Ce que, soit dit en passant, les économistes non libéraux qui passent rarement chez Yves Calvi ou à Bercy, considèrent comme un phénomène dû en grande partie aux allégements fiscaux favorisant les plus riches depuis plusieurs décennies, sans oublier la fraude. La perte de recettes a entraîné des emprunts sur les marchés financiers, à des taux excessifs, et non plus auprès des banques centrales comme avant Maastricht. D'où la notion de dette illégitime qui peine à s'installer dans le débat public sur les politiques économiques.

Reste qu'à l'inverse de l'Etat, les collectivités ne peuvent pas emprunter pour fonctionner, seulement pour investir. Se montant à 125,3 millions, l'encours de la dette bisontine, c'est à dire l'ensemble des emprunts contractés et remboursables sur des années, ne représente pas onze mois et demi de PIB comme l'Etat, mais environ six mois de budget global. Les collectivités sont cependant contraintes par le gouvernement à contribuer au remboursement de la dette nationale.

Thibaut Bize : « on ne vote pas les recettes, mais la répartition des dépenses... »

Besançon n'échappe pas à cette mesure d'austérité et doit donc en tenir compte pour construire son budget. Les communistes, par la voix de Thibaut Bize, ont tiré argument de ce point pour approuver le budget. Certes, ils demandent au gouvernement « une autre politique et une grande réforme fiscale », souhaitent un « bouclier social », mais comme le conseil municipal « ne vote pas une baisse des recettes mais une répartition des dépenses », ils le votent à l'unisson de la majorité municipale.

Jean-Louis Fousseret venait de marteler qu'il était « déterminé à accomplir [son] programme d'actions, de gauche », tout en se « préservant d'un recours inconsidéré à l'emprunt ». L'adjoint en charge du budget, le professeur d'économie Michel Loyat, venait d'indiquer que « la situation financière saine permet d'affronter la baisse des dotations sans trop de craintes ». La preuve, c'est que la municipalité n'augmente pas les taux des impôts locaux sur lesquels il a en partie la main. En partie seulement, puisqu'il y a deux curseurs pour les faire évoluer : les bases, qui relèvent de l'Etat, ont augmenté de 0,9%, comme l'an dernier.

Philippe Gonon : « Je préfère le budget du maire à celui du président de l'agglo »

Michel Loyat indique que les taux des impôts locaux ont augmenté de 0,57% en moyenne sur le mandat précédent alors que l'inflation moyenne était de 1,40%. Ce qu'il n'a pas dit, c'est qu'avec une augmentation moyenne des bases de 1,6%, la combinaison des deux curseurs bases + taux a conduit, selon notre calcul, à une augmentation moyenne des impôts locaux de 2% par an.

Cela ne suffit pas à l'opposition qui s'emmêle un peu les crayons : « On peut voter la baisse des taux », chuchote Philippe Gonon hors micro à l'intention de ses amis. « Non, on vote contre », répond Pascal Bonnet qui avait dit un instant avant, micro ouvert : « c'est un tour de passe-passe car vous avez augmenté les taux à l'agglo ». Philippe Gonon ne se démonte pas et assume publiquement : « il fallait les baisser suite aux transferts de charges sur l'agglo ». Réplique de Jean-Louis Fousseret : « on va voir si vous les baissez beaucoup au département ! » Dans le public, quelques militants de droite protestent...

Sur le fond du budget, l'opposition s'est contentée d'un service minimum. « Des choix politiques inappropriés ont impacté la ville, votre projet est marqué par un manque d'anticipation, de vision, de cap, d'ambition », dira Jacques Grosperrin. « Je préfère le budget du maire à celui du président de l'agglo [où les taux ont légèrement augmenté ]», soulignera Philippe Gonon en regrettant que « le mot emploi n'apparaisse pas dans votre budget alors que nous avons entendu tant de souffrances durant la campagne. Vous annoncez des investissements en baisse et parlez de dynamisme... »  Fousseret réagit : « je parle emploi quand je parle de retombées... Mais l'économie est surtout portée par l'agglo ».

Vote du budget et des taux par la majorité (PS-PCF-EELV-SC), 14 voix contre (12 UMP-UDI-MoDem) et 2 FN.

 

 

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