Besançon : la majorité municipale unanime pour voter le budget, mais…

Pas de Trafalgar entre les alliés de 2014. Unis sur le vote politique principal, ils restent pluriels et les divergences d'analyses sont flagrantes. L'opposition de droite se partage entre votes contre (LR) et abstention (MoDem, AGIR-UDI)… Les élus LREM, Alauzet en tête, ne votent pas la motion contre les perturbateurs endocriniens proposée par les groupes PS, PCF et EELV…

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« Volontariste et améliorant la qualité de la vie » selon les mots de Jean-Louis Fousseret, le dernier budget de ses trois mandats à la tête de la ville a été adopté par les quatre groupes de la majorité municipale PS, PCF, EELV et LREM. En l'absence des deux élus non inscrits (ex FN, ex Patriotes), les trois groupes de l'opposition de droite et du centre, unis lors des municipales de 2014, ont voté différemment : quatre abstentions du MoDem et d'AGIR (ex UDI), huit voix contre des élus LR.

N'allez cependant pas croire que la défunte majorité de 2014 s'est retrouvée comme par enchantement unie comme aux premiers jours. Ce serait abonder dans le sens de Jean-Louis Fousseret qui, après le vote, nargua l'opposition en lui lançant : « vous voyez que la majorité n'est ni éclatée ni disloquée… On va continuer à gérer cette ville jusqu'en mars… Si vous aviez doutes, soyez rassurés… » Ce à quoi Jacques Grosperrin et Ludovic Fagaut soufflèrent en même temps, hors de leurs micros non branchés mais assez fort pour être entendus : « on n'a  pas entendu le même débat ». 

Une heure et demi plus tôt, ils avaient annoncé que les divisions de la majorité seraient un de leurs angles d'attaque : « le budget est l'occasion d'une clarification », avait souligné Grosperrin en insistant sur le caractère « non homogène » de l'attelage de la défunte gauche unie : « qui appartient encore à cette majorité ? Le débat est légitime et respectable… » Gourmand, Fousseret avait répondu : « attendez le vote, laissez nous régler nos problèmes, nous sommes une majorité plurielle… » 

Des discours en contradiction
avec les votes

En guise de quoi, on a eu droit à un drôle d'exercice au cours duquel chacun tint un rôle écrit d'avance. La majorité, quelles que soient ses divergences, et elles ont été exposées au point que certaines auraient tout aussi bien pu servir d'arguments pour ne pas voter le budget, finit par l'approuver. Non dans les discours, mais dans les votes, les seuls actes qui comptent. 

En entendant Anne Vignot s'exprimer au nom du groupe EELV, on pouvait en effet se dire qu'elle annonçait une abstention ! En fait, il s'agissait d'une approbation critique, dans la lignée du débat d'orientation budgétaire où les écolos avaient déjà « regretté qu'il n'y ait pas de changement de trajectoire politique... » Certes, elle loue les « beaux projets » du mandat, les « évolutions substantielles » sur les berges des Prés de Vaux, le vélo ou le social… Mais elle exprime un goût d'inachevé en relevant que les divers mouvements sociaux (climat, coquelicots, Gilets jaunes…) n'aient pas débouché sur un « changement de cap radical au cours de ce mandat... »

Au contraire, elle estime qu'on est « dans le prolongement de ce qui se fait depuis des décennies » et exhorte à ne pas faire peser « la dette environnementale » sur les générations futures alors que « la société ouvre les yeux » sur cette  « croissance qui épuise les ressources ». Se « réjouissant » des 6 millions d'investissements supplémentaires et de la bonne gestion financière, les élus EELV « auraient souhaité voir mobilisés plusieurs leviers » du budget autrement, regrettant par exemple qu'on n'ait pas consacré la hausse de 1,8 million d'euros de la taxe foncière à la transition énergétique et à l'action sociale qui ruissèlerait sur l'économie locale et les artisans. Bref, conclut-elle sans dire ce que sera le vote - qui sera positif - de son groupe, « on ne fait pas les choix qui devraient nous emmener vers d'autres horizons et d'autres ambitions ». 

« Comment envisager les enjeux sociaux et environnementaux à budget constant ? »

Du coup, les écologistes ont-ils avalé une ou plusieurs couleuvres en votant le budget ? Avalé leur chapeau ? Se sont-ils fait tordre le bras ? Bref, ont ils manqué la dernière véritable occasion de se démarquer politiquement d'une gestion dont ils ont désapprouvé plus que des détails et dont ils disent regretter certaines orientations inscrites dans le budget ? Ont-ils craint de se démarquer ? Ont-ils eu peur d'apparaître comme les diviseurs ou les irresponsables que leurs partenaires n'auraient pas manqué de les présenter s'ils avaient voté différemment ? En fait, ils considèrent qu'ils ont réussi à influer sur certains dossiers. Interrogée après la réunion, Anne Vignot nous dira en substance : « vu de Besançon, on pourrait faire mieux, mais vu d'ailleurs, Besançon fait mieux que tout le monde… » 

Les communistes font moins la fine bouche. Thibaut Bize fait surtout porter sa critique sur les dispositions nationales (transferts de compétences vers l'agglo, contractualisation budgétaire avec l'Etat, baisse des dotations de 10 millions...) que les mobilisations d'élus ont atténuées, et dit sa « satisfaction » de retrouver dans le budget la transition numérique ou la lutte contre le réchauffement. Il se demande cependant comment on pourra « envisager les enjeux sociaux et environnementaux à budget constant… » Christophe Lime résume les raisons du vote des élus communistes d'un argument maintes fois entendu : « sur le budget, notre ligne directrice est celle de l'utilité pour les Bisontins. Elle n'a pas changé… »

« Le respect du contrat passé n'équivaut en rien à un soutien à la politique nationale »

Les socialistes sont sur une ligne proches dans la critique nationale, Nicolas Bodin trouvant « injuste » la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune, « trompeuse » l'appellation de contractualisation alors qu'elle est « imposée ». Il assure que le programme de 2014 était celui d'une « gauche plurielle » et que « le résultat est là ». Il estime que le budget traduit le « respect du contrat passé », ce qui permet de « poursuivre le travail, mais n'équivaut en rien à un soutien à la politique nationale ».

L'adjoint aux finances, Michel Loyat (PS) ne dit pas autre chose : « Nous sommes divisés par rapport à la politique nationale. Nous n'avions pas le même positionnement sous François Hollande… Le budget a été construit collectivement, nous avons débattu, et sur plusieurs points nous sommes d'accord… » Et de cogner sur quelques mesures gouvernementales : « la baisse des APL est scandaleuse. La ponction sur les bailleurs sociaux était scandaleuse sous Sarkozy, elle l'est aussi aujourd'hui. Car les investissements des bailleurs sont des économies d'énergie pour les plus modestes… »

Eric Alauzet (LREM) s'était chargé un peu plus tôt de défendre le gouvernement, expliquant que la contractualisation pénalise moins les finances de la ville que les baisses de dotation : « comme écologiste, je raisonne en coût global et ça me va bien : c'est extrêmement favorable pour le coût énergétique ». Il nuancera son appui au gouvernement en évoquant l'augmentation du pouvoir d'achat des 10% les plus riches : « un vrai problème ».

Eric Alauzet encaisse les critiques sans broncher

Plus tard, il encaissera sans broncher les critiques de ses anciens alliés et camarades. Celle de Jean-Sébastien Leuba (PS en rupture de groupe) « heureux qu'on n'ait pas eu Eric Alauzet comme maire en début de mandat pour défendre la compensation de la taxe d'habitation. C'est le degré zéro de la politique de penser qu'il suffit de baisser cette taxe pour que les François soient heureux ! » Il y aura aussi celle d'Antony Poulin (EELV) : « les vrais écologistes s'intéressent à la transition écologique, sociale et énergétique, pas ceux qui acceptent l'austérité… » Anne Vignot ira aussi de son couplet écornant son ancien camarade de parti : « que veut dire la baisse de la dépense publique ? On réfléchit en comptable sans penser à l'avenir ! »

On aurait pu penser que les deux élus MoDem allaient franchir le rubicon local comme ils l'ont fait à Paris. Laurent Croizier théorisa cette impossibilité en s'appuyant sur l'alliance maintenue du maire avec les partis de gauche : « Vous me surprenez. La politique nationale nous rapproche, mais il y a des pas supplémentaires à faire localement et nous doutons qu'ils le soient avec les socialistes, les communistes et les écologistes… ».

Il félicite pourtant Fousseret : « votre orientation libérale créé des emplois, de l'activité… Je me réjouis de votre plan soutien au commerce, mais il aurait dû sortir il y a un mois, de la revitalisation du centre-ville qui aurait dû intervenir depuis plusieurs années… Nous  soutenons l'arrêté anti mendicité agressive, nous sommes pour l'armement de la police municipale… Quant à l'éducation, c'est ma plus grosse déception avec le manque de places dans la restauration scolaire où vous ne faites que maintenant une étude… Vous prenez la bonne direction, mais il faut augmenter la densité… »

Philippe Gonon (AGIR-UDI) s'emmêle un peu les pinceaux en s'en prenant à SEDIA qui « prélève 15% sur des opérations de réhabilitation » aux 408. Fousseret se moque : « c'est la rémunération de la Caisse des Dépôts pour qu'elle réalise d'autres opérations. C'est un prélèvement sur 200 ou 300.000 euros de résultat, pas sur l'ensemble de la rénovation ! Ça doit être 50 ou 60.000 euros… » Lime s'exclamera : « Vous faites comme si les actionnaires de SEDIA étaient au CAC40, mais ce sont des personnes publiques ! »

 

 

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