Besançon : la droite peut-elle gagner les municipales de 2020 ?

L'hypothèse aujourd'hui plausible d'une quadrangulaire au second tour permet d'envisager de nombreux scénarios. Dont la présence d'une liste de LREM-centre-droit conduite par l'ancien écologiste Eric Alauzet. Mais la gauche dont il se réclame encore un peu, n'a pas perdu d'avance. La preuve, elle commence à préparer l'échéance.

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La droite va-t-elle gagner les élections municipales de Besançon en 2020 ? En mars 2014, elle avait échoué de 3% au second tour face à un sortant alors socialiste qui, avec une majorité relative de 47%, fit l'un des pires score des socialistes locaux. Il y a bien 1983 où la droite, conduite par Raymond Tourrain, en tête du premier tour, échoua d'un rien au second lors d'une élection marquée par une participation record de plus de 75%. Il y a aussi 1989 où Robert Schwint l'emporta également avec 47% lors d'une triangulaire au second tour pour lequel s'étaient qualifiés les écologistes qui firent leur première entrée au conseil municipal cette année là, tandis que la droite n'atteignait pas 40%.

Dans 18 mois, elle rêve de parvenir enfin à prendre une revanche sur l'histoire et la sociologie d'une ville dont les élites politiques ont longtemps réussi une forme de synthèse entre l'esprit coopératif d'une classe ouvrière jadis nombreuse, l'inventivité et la solidarité, voire les utopies sociales ou libertaires de cathos de gauche et de républicains laïcs unis dans l'action, trouvant dans l'université et le syndicalisme des viviers d'experts et des idées...

Cette alliance est aujourd'hui en miettes, sinon mal en point, et la droite a bien raison de croire à ses chances. Quoique à gauche, l'hypothèse de la défaite est dans les esprits. Et c'est pour la conjurer qu'elle se prépare à l'échéance. Et si rien n'est écrit d'avance, ses têtes de files réfléchissent, se rencontrent, organisent des réunions avec les militants. Certains sortent même du bois, se déclarant « disponibles » comme Anne Vignot ou Jean-Sébastien Leuba, « n'excluant rien » comme Barbara Romagnan ou Abdel Ghezali, prenant plus ou moins la précaution de dire que le projet prime le choix des personnes, ajoutant que l'union est une condition de la victoire.

Le risque du casting

Le pire, pour la gauche, n'est cependant pas écarté : c'est notamment le risque du casting, accentué par la mise en scène médiatique et la personnalisation. L'heure est aussi à la fragmentation, malgré des tentatives de clarification. L'une est venue de la gauche de la majorité municipale avec la constitution, un peu surjouée, d'un intergroupe PCF-EELV auquel ont adhéré deux socialistes. Cet intergroupe se situe clairement dans la perspective de mars 2020, met en avant son expérience, son expertise, ses valeurs intactes et jure qu'il faut consulter les citoyens pour bâtir un projet.

Le gros de la petite troupe résiduelle du PS est toujours dans l'expectative et l'on peine à voir clair dans un positionnement parfois ambigu vis à vis de LREM. Sentant le danger, Nicolas Bodin, qui s'est toujours refusé à se déclarer candidat à quoi que ce soit mais semble se préparer, s'est fendu d'un texte d'une certaine hauteur de vue. Appelant au calme et au débat, prenant des distances avec la macronie et LFI, imaginant la difficile synthèse LREM-MoDem-UDI, il défend la perspective pour les socialistes de s'unir avec EELV et le PCF. Autrement dit, continuer comme avant...

Or, cela devient de plus en plus difficile. Ne serait-ce parce que le vivier électoral d'une majorité de gauche est attaqué par les deux bouts. Par la droite, avec LREM qui a un sérieux candidat quasi déclaré en la personne d'Eric Alauzet. Et par la gauche, avec LFI que les progrès électoraux, l'implication dans les mouvements sociaux et la récente inflexion stratégique nationale rendent incontournable.

La chance de Grosperrin : que l'extrême-droite renonce

Pour l'emporter, la gauche devra aussi se poser la question de qui sont ses adversaires de droite. Car de quelle droite parle-t-on ? De la droite de toujours, plutôt de tradition gaulliste et autoritaire à Besançon, ou de la droite libérale et centriste ? Cette dernière, minoritaire dans son camp à Besançon, est cependant celle qui faillit créer la surprise en 1983 : Michel Bitard, chirurgien réputé, qui conduisait une liste d'union avec le RPR, était à l'UDF... On ne parle pas ici de l'extrême-droite qui n'a jamais fait que de la figuration à Besançon et aura bien du mal à concourir en 2020.

La première droite s'assume comme telle, elle est assez bien représentée par Jacques Grosperrin, assagi par les années et le Sénat, auréolé d'une méthode et d'une union qui ont fait espérer son camp en 2014 et l'ont fait gagner aux départementales de 2015. Sauf que 2020 sera sans doute différent, surtout quand on voit les effets de la politique gouvernementale sur ses alliés d'alors de l'UDI et du MoDem qui pourraient lui faire défaut. Il aura pour sa part intérêt à l'absence de l'extrême-droite.

L'autre droite ne se vit pas comme la droite, travaille à l'alliance des gens « raisonnables » et « réalistes » du centre-gauche au centre-droit. C'est l'extrême-centre, plutôt bien représenté par Eric Alauzet, l'ancien écologiste, passé par le groupe parlementaire PS quand Duflot quitta le gouvernement, désormais député LREM.

Alauzet avait-il un fusil à un coup ?

Peuvent-ils l'emporter ? Grosperrin devra pour cela reconduire l'alliance de 2014 réalisée avec les centristes tout en comptant sur l'incapacité de l'extrême-droite à constituer une liste. La première condition paraît compromise, la seconde une éventualité sérieuse.

Alauzet devra construire une nouvelle alliance, essayer d'attirer des socialistes égarés et des centristes résignés, mais aussi des « socio-professionnels », autrement dit des entrepreneurs et des notables. Il y travaille, mais la macronie locale n'est pas toute entière à ses côtés. Il a pour lui d'avoir déjà vaincu deux fois Grosperrin et une fois son successeur, Ludovic Fagaut.

Il a contre lui d'avoir changé de camp. Ses atermoiements de 2017 et ses revirements de dernière minute, son talent manœuvrier lui ayant permis d'avoir l'investiture d'EELV, du PS et le soutien de LREM, auront-ils constitué un fusil à un coup ? Ou réussira-t-il, par son image d'élu bosseur, partisan des petits pas, à transformer un essai qui fait grincer bien des dents ? Parviendra-t-il à convaincre qu'il est toujours un peu de gauche alors qu'il semble le meilleur atout de la droite ?

L'emporter avec 30% des voix...

Si la droite n'a pas gouverné Besançon depuis 1953, elle pourrait arriver à ses fins en 2020 cas de quadrangulaire au second tour. L'évolution des rapports de force au sein de chaque camp, les désaccords tactiques ou les rivalités d'ambition rendent l'hypothèse plausible... Ce ne sera pas forcément un cadeau pour la liste victorieuse qui pourrait « triompher » avec 28 ou 30% des suffrages exprimés, soit 15 à 25% des électeurs inscrits.

Plus encore qu'en 2014 où elle était représentée par quatre listes, la gauche est aujourd'hui éparpillée et tout peut arriver. Pour être au second tour, il faudra plus de 10% des voix. C'est à la portée de Grosperrin et d'Alauzet. C'est aussi à la portée de la France insoumise et de l'actuelle gauche municipale.

Pour l'heure, tout le monde prépare officiellement les élections européennes mais songe au coup suivant : la conquête de l'hôtel-de-ville. Les Insoumis tentent de faire bonne figure et de cacher les divergences entre groupes d'action : un drôle de jeu s'opère pour savoir qui aura l'aval du national pour être tête de liste, le moment venu. Claire Arnoux, solide rhétoricienne, forte d'un score honorable aux législatives, court les mobilisations citoyennes. Elle semble en mesure de s'imposer après avoir été numéro deux de la liste FG aux municipales 2014.

Les ambiguïtés des socialistes

La gauche municipale s'agite, se montre, théorise ses divergences avec le maire et Alauzet, parle le moins possible de LFI pour ne pas lui donner de crédit. Avec le PCF et EELV comme moteurs, elle tente d'attirer vers elle des socialistes idéologiquement paumés et tactiquement incertains. Tomberont-ils dans l'escarcelle d'Alauzet ? C'est mal parti pour, mais leur prise de distances d'avec la macronie tarde, et des ralliements individuels ne seraient pas surprenants puisqu'il s'agit d'éviter que la ville ne tombe à droite ! Et tant pis si LREM, c'est la droite, elle est selon eux moins pire que la droite de droite...

Dans ce petit jeu, un cinquième larron peut s'inviter. Franck Monneur s'y voit, au moins comme faiseur de roi : « mon rêve, c'est de faire 10,01% pour fusionner avec une autre liste », dit celui qui, après un mandat dans l'équipe Fousseret 2, a obtenu 6,2 % en 2014. Il lui faudra cependant passer le possible obstacle que pourrait représenter pour lui une alliance nationale entre LFI et le MRC, son parti. Car il ne porte pas les Insoumis bisontins dans son coeur...

Sacré alchimie que la politique locale !

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