Besançon : fissure dans la majorité municipale

Le groupe communiste a désapprouvé le bail avec Engie (ex GDF-Suez) qui pourra construire une chaudière à co-génération sur le site municipal de production de chaleur de Planoise. Il aurait préféré que la ville fasse elle-même l'investissement de 12 millions afin de récupérer le « jack-pot » de la vente d'électricité à EDF. L'exécutif met en avant la baisse de la facture des Planoisiens.

bize-pouget

Que l'opposition vote contre des projets de la majorité, voilà qui n'a rien de surprenant. Il est plus rare que ce soit une composante de la majorité qui s'oppose aux projets de l'exécutif. C'est ce qui est arrivé mercredi 18 janvier au conseil municipal de Besançon. C'est même le fait politique local le plus marquant : les communistes se sont prononcés contre l'implantation d'une chaudière à co-génération sur le site de la chaufferie urbaine de Planoise.

Ils ont également rejeté sa conséquence, un avenant au contrat de délégation de service public. Et contrairement aux dossiers symboliques qui ne coûtent rien, les deux délibérations adoptées par tous les autres groupes ont, pour le PCF, des incidences financière et environnementale.

D'abord, les communistes n'ont pas voté contre le principe du co-générateur, mais contre le fait que ce soit Engie (ex GDF-Suez) qui investisse et non la collectivité, propriétaire de l'ensemble des équipements existants : le Sybert possède l'usine d'incinération des ordures ménagères (UIOM), la ville les sept chaudières fonctionnant aux différentes énergies, dont un petit co-générateur depuis 1996, afin de fournir davantage de chaleur que n'en peut fournir l'UIOM quand la température baisse. « On avait touché le jack-pot avec seulement 2 à 3 MW », nous dira plus tard Christophe Lime. 

Des recettes d'électricité
qui échappent à la Ville

Du coup, les recettes de la vente d'électricité à EDF du nouveau co-générateur ne tomberont pas dans les caisses de la ville, mais dans les poches d'Engie. Certes, Engie lui paiera un loyer annuel de 30.000 euros pour occuper les 800 m² de terrain loué pour 18 ans, et versera une redevance fixe de 100.000 euros ainsi qu'une part variable de 495 euros par jour de production, ramenée à 165 euros les deux premiers mois de fonctionnement. L'entreprise sponsorise également les clubs de handball...

Engie a obtenu de la CRE, la commission de régulation de l'énergie, un certificat ouvrant droit à l'obligation d'achat par EDF de 12 MW d'électricité produite par an, mais la contrepartie est aussi d'en produire quand EDF en a besoin. Du coup, la priorité donnée jusque là à la biomasse (le bois) en cas de besoin de davantage de chaleur s'efface. « La cogénération va augmenter de 10% la consommation de gaz sur Besançon, le réseau utilisera 5 à 6% d'énergie renouvelables en moins », nous explique en marge du conseil Christophe Lime (PCF) qui n'a participé ni au débat ni au vote en raison de son travail à EDF.

La fin du charbon,
mais aussi un moindre recours
à la biomasse

Anne Vignot (EELV), qui a présenté le projet à l'assemblée, estime quant à elle que le futur équipement, qui doit produire 17 MW de chaleur, permettra de se passer du charbon qui représente 3% des combustibles utilisés sur le site. En outre, « la solution gaz devra trouver une ressource sur notre territoire avec la méthanisation », assure-t-elle. Cela suppose des projets de méthaniseurs dans le monde agricole... 

Thibaut Bize a expliqué brièvement les deux points qui « gênent » les communistes et expliquent leur vote : « l'installation d'intérêts privés sur un site de la ville est une première malheureuse, ce sont eux qui vont ramasser les profits de l'investissement. Et puis, on va consommer davantage de gaz et émettre plus de gaz à effet de serre au lendemain de la COP 21... » Yannick Poujet (PS) met pour sa part en avant « la réduction de 40 euros par mois la facture de chauffage » et assure au contraire que la consommation de gaz baissera de 10%...

Un coin dans la perspective d'un retour en régie municipale ?

Jean-Louis Fousseret : « ce débat contradictoire fait la richesse de notre majorité ».

Jean-Louis Fousseret appuie : « c'est certes une entreprise privée, mais je vois surtout que ça fera 40 euros de moins par an pour les Planoisiens. On n'a pas tout vendu au privé, il faut aller au-delà de ce débat, il fallait quand même trouver 12 millions pour investir, et c'est Engie qui les met ». Il a cette drôle de conclusion - « ce débat contradictoire fait la richesse de notre majorité » - qui provoque quelques rires sur les bancs de la droite.

Ce que personne ne dit, c'est que le contexte est quand même particulier : les différentes délégations de service public (DSP) des différents services du système de production et de distribution de chaleur de Planoise arrivent à échéance le 31 décembre 2018. Les communistes ont obtenu que le retour en régie directe soit étudié lors de la négociation du contrat de majorité. « Les discussions ont commencé pour savoir si on fait une régie ou si on continue en DSP », souligne Christophe Lime en pointant les difficultés que la nouvelle chaudière à co-génération fait naître. Comme l'équipement sera privé, il constituerait une enclave au sein d'une éventuelle régie. Et en cas de nouvelle DSP, les concurrents d'Engie devraient composer avec lui, ce qui pourrait en dissuader plus d'un...

Dans les deux cas, Engie semble avoir pour sa part bien anticipé les deux possibilités pour être incontournable...

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