Barbara Romagnan vote contre la prolongation de l’état d’urgence

La députée de Besançon, une des six députés opposée à la loi, développe une argumentation très construite, ce que, à part Eric Alauzet, ne font pas les autres députés franc-comtois, qui ont tous ont voté pour, tout en s'expliquant brièvement pour certains sur les réseaux sociaux.

Barbara Romagnan : « une enquête pénale est en cours, qui donne les moyens juridiques nécessaires aux enquêteurs. » Photo d'archives D.B.

Barbara Romagnan fait partie des six députés à s'être opposés à la prolongation de l'état d'urgence ce jeudi 19 novembre. L'élue de la première circonscription du Doubs est l'une des trois socialistes à refuser cette mesure, les trois autres étant écologistes. Elle explique sur son blog que l'état d'urgence « met entre parenthèse certaines garanties de l’état de droit, cet état de droit même qui a été attaqué et que l’on veut défendre.  Si on peut éventuellement  entendre qu’on les restreigne de façon très circonscrite encore faut-il que ces restrictions  apportent un réel soutien aux procédures pénales en cours. Est-ce le cas ? »

Penchant pour une réponse négative, elle estime surtout que l'état d'urgence est sans effet juridique : « une enquête pénale est en cours, qui donne les moyens juridiques nécessaires aux enquêteurs. Ces moyens sont complétés par les dispositions prévues par les différentes lois anti-terroristes votées durant les trente dernières années. A minima donc, la prolongation de l’état d’urgence concernant l’après-attentat risque d’être inutile ». Elle pointe aussi ce qu'elle estime une contradiction : « dans un contexte où les terroristes cherchent précisément à réduire nos libertés, n’est-il pas paradoxal que nous les restreignions nous-mêmes ? N’est-ce pas une façon de dire que les terroristes ont gagné, si on leur donne de fait le pouvoir de limiter nos libertés auxquelles nous nous disons si viscéralement attachés ? »

« Opportun que l’impératif budgétaire puisse céder à certaines priorités politiques »

La Ligue des droits de l'homme considère que « l'on doit lutter contre le terrorisme sans porter atteinte à nos libertés ». Elle estime que « ce qui est ici en cause, ce n’est pas l’indispensable lutte contre le terrorisme, c’est l’extension dangereuse des pouvoirs de l’Etat sans aucune garantie judiciaire ».
La Quadrature du net voit en l'état d'urgence « adopté en extrême urgence dans un climat de surenchère autoritaire » l'instauration d'un « état policier pour éluder tout bilan critique ».
Le Syndicat de la magistrature estimait dès lundi que « La France a tout à perdre de cette suspension - même provisoire - de l'état de droit ».
Pour l'Union syndicale des magistrats, majoritaire, « l'état d'urgence ne saurait être contesté ». Elle défendait lundi la « définition d'un régime juridique précis des mesures attentatoires aux libertés rendues possibles par l'état d'urgence. L'assignation à résidence et la perquisition administrative doivent être strictement encadrées. » Ajouté le 20-11 à 17 h : L'USM a exprimé vendredi 20 des réserves sur le texte adopté, particulièrement sur l'assignation à résidence : voir ici.
Le Syndicat des avocats de France constatait dès mardi : « Les lois successives sur la sécurité, le renseignement et l’anti-terrorisme qui n’ont pourtant pas permis d’éviter ces attaques ainsi que les propositions actuelles du Chef de l’Etat d’accroître dans l’urgence les pouvoirs de l’exécutif (Etat d’urgence et révision constitutionnelle) sont inquiétantes en ce qu’elles accentuent encore la dérive vers la constitution d’un Etat policier, sans contre-pouvoir effectif. Elles sont une menace pour les libertés fondamentales. »

Elle s'appuie notamment sur des positions défendues par l'ancien secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan pour qui « porter atteinte aux droits de l’homme ne saurait contribuer à la lutte contre le terrorisme », et le premier ministre norvégien déclarant au terroriste après le massacre d'Utoya : « Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, plus d’ouverture et de tolérance ».

Par ailleurs, elle ne jette pas tout dans les réponses apportées par le gouvernement à la situation, et dit approuver la création de 8500 postes de policiers et gendarmes, dans la justice et les douanes qui « participent à compenser les 12 000 suppressions de postes qui avaient été décidées dans la police sous le quinquennat précédent ».

Elle est également d'accord avec François Hollande pour qui le pacte de sécurité doit prendre le pas sur le pacte de stabilité et « trouve particulièrement opportun que l’impératif budgétaire puisse céder à certaines priorités politiques ».

Les députés favorables moins diserts

A contrario, tous les autres députés franc-comtois ont voté la prolongation de l'état d'urgence. L'autre élu de Besançon, l'écologiste Eric Alauzet, parce que la « menace est exceptionnelle ». Il se félicite de l'adoption d'un amendement de son groupe sur le contrôle parlementaire de l'état d'urgence, et souligne le renfort des garanties : « les personnes visées par des procédures administratives auront désormais accès aux recours prévus par le code de justice administrative. Les possibilités de censure de la presse et des publications ont été supprimées ».

Annie Genevard (LR) explique sur Facebook avoir voté la prolongation parce que « cette loi donne des moyens à l'Etat de mieux assurer la sécurité des Français et de lutter plus efficacement contre l'état islamique, notre ennemi mortel ». Également sur Facebook, Frédéric Barbier (PS) explique que « la plus grande fermeté s'impose contre ces assassins, c'est la seule solution pour la défense de nos institutions, de la laïcité et du vivre ensemble ».

Le jurassien Jean-Marie Sermier (LR) a anticipé son choix dès la réunion du congrès sur Facebook : « Les annonces qui ont été faites, qui reprennent en large partie les propositions faites par l’opposition, doivent à présent être mises en œuvre sans faiblesse ». Sur Twitter, le Haut-Saônois Alain Chrétien (LR) trouve « incompréhensible le refus de la saisie des ordinateurs ou des téléphones ».

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