Baisse des dotations aux communes : les communistes visent Eric Alauzet

Les élus Front de gauche de Besançon reprochent au député écologiste, également conseiller municipal, d'avoir voté avec les socialistes le rejet du rapport de la commission d'enquête parlementaire sur la baisse des dotations de l'Etat aux collectivités. Le rapport pointait notamment l'absence d'étude d'impact préalable par le gouvernement. A Besançon, l'investissement, dopé un temps par le tramway, est en recul en deça de ce qu'il était avant le chantier.

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« On ne raisonne plus en termes de services à la population, mais de taille de marché... » Conseiller municipal communiste de Besançon, Thibaut Bize est sévère avec les réformes qui touchent les collectivités locales et territoriales, ainsi qu'avec la nouvelle baisse des dotations de l'Etat que le gouvernement a fait adopter avec la dernière loi de finances. Pour Besançon, c'est une baisse de 15 M€ d'aides de l'Etat pour les années 2014 à 2016. Dans le budget, une dizaine de millions d'euros d'investissements en moins chaque année, à relativiser en raison du sur-investissement dû au chantier du tramway ces dernières années. 

Déjà, lors des débats budgétaires de 2015, le maire, Jean-Louis Fousseret, avait tiré une première sonnette d'alarme en parlant du « budget le plus compliqué » depuis qu'il est élu, c'est-à-dire une trentaine d'années. Il envisageait même, si les choses continuaient, « des mesures radicales ». Or justement, les choses continuent pour 2016 et l'on ne voit pas « l'inflexion » de la politique gouvernementale qu'il appelait de ses voeux au soir du second tour des élections régionales.

Des projets votés repoussés

 Conséquence, des questions se posent à propos de la mise en chantier de projets pourtant votés, comme le skate-parc en salle, ou des travaux repoussés, comme la réfection des vestiaires et la création d'une salle de convivialité au stade de Rosemont. Certains regrettent l'engagement de la rénovation de l'école des Beaux-Arts qui doit coûter 20 millions dont la moitié à la charge de la ville. On s'interroge sur le financement du péri-scolaire : fera-t-on payer les familles comme certains y songent dans la majorité municipale, y compris en nuançant la participation avec le recours au quotient familial ? D'ailleurs, l'opposition de droite a déjà posé la question.

Dans le domaine sportif, gros consommateur de subventions, le sport amateur voit les siennes stagner ou diminuer de 10 à 20%. Le sport de haut niveau va davantage être mis à contribution. Par exemple, les deux clubs de foot jouant en CFA2 (division 5) sont fortement incités à se rapprocher par l'adjoint Abdel Ghezali (PS) dont les efforts n'ont pas encore débouché sur du concret. « On a moins d'argent, alors on fait des choix : moins d'investissements, on privilégie le sport de masse et la formation. Pour l'instant, on maintient les infrastructures, mais on aurait pu se poser la question, par exemple pour la patinoire », dit-il.

Mutualisations complexes

La question se pose aussi d'un transfert à l'agglomération des gros équipements, piscines, stades, palais des sports... Tout comme le soutien aux clubs qui recrutent bien au-delà de la ville, comme l'ESBF (handball féminin) dont « 50% des adhérents sont de l'agglomération », explique M Ghezali, ou le rugby dont « 60% viennent de l'agglo ou d'au-delà ». C'est une forme de mutualisation, mot à la mode parmi les théoriciens du management qui ne sont pas toujours au fait de l'engagement bénévole exceptionnel du monde associatif.

Mais va-t-on tarir cet engagement en éloignant la gestion du terrain ? Difficile de répondre, mais le risque est réel. Il est d'ailleurs pointé dans d'autres domaines, comme celui de l'intercommunalité en milieu rural où de nombreuses tâches sont effectuées aujourd'hui bénévolement par les maires ou les conseillers municipaux. Et il arrive que certaines mutualisations créent de nouvelles dépenses de fonctionnement par le transfert de tâches non rémunérées vers des employés. C'est notamment ce qu'a dit un représentant de l'association des directeurs généraux de communautés de communes lors de son audition par la commission d'enquête parlementaire sur les effets des baisses des dotations.

Difficiles études d'impact pour la ministre

Parmi ces auditions, celle de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, Marylise Lebranchu, laisse clairement entendre qu'aucune simulation ou évaluation de l'impact de la baisse des dotations n'a été effectuée par Bercy. « C'est difficile de faire des études d'impact globales quand il y a tant de différences entre les communes », a-t-elle indiqué, précisant qu'ont eu lieu des « simulations en ligne, mais on ne peut pas les donner » car c'est trop volumineux. Elle a préféré insister sur « ces collectivités qui ont d'énormes réserves » alors que d'autres sont très pauvres, et sur les mécanismes de compensation destinés à résorber « l'injustice ».

 Reste que les travaux de cette commission ne seront pas publiés. Le rapport proposé par le rapporteur communiste, Nicolas Sansu, député-maire de Vierzon, a été rejeté, ce qui en interdit la publication et aux membres la composant d'en dévoiler le contenu ! Du coup, les communistes parlent de « censure ». Et les élus PCF-Front de gauche du conseil municipal de Besançon expliquent dans un communiqué être « extrêmement déçus » de cette non publication dont ils imputent la responsabilité aux députés ayant voté le rejet du rapport, parmi lesquels Eric Alauzet avec qui ils siègent dans la même majorité municipale... « Nous attendions le rapport pour confirmer nos craintes et s’appuyer dessus pour convaincre nos collègues de se mobiliser, mais c’était sans compter sur le fait qu’un de nos collègues conseiller municipal et également député n’interdise la publication de ce rapport », conclut le communiqué.

« Effondrement de l'autofinancement avec effet de dominos »

Eric Alauzet a demandé « une évaluation plus précise » au gouvernement.

 Malgré l'absence d'évaluation de l'impact de la baisse des dotations, le député écologiste l'a estimée à la louche : « je l'évalue à 1,5 milliard », disait-il lors de l'audition de Mme Lebranchu à qui il demandait cependant « une évaluation plus précise » et des « efforts de clarification ». Il réclamait aussi une incitation des collectivités à préférer les « investissements s'auto-amortissant » et citait l'exemple bisontin du nouvel éclairage public financé par les économies réalisées sur la consommation d'électricité.

Nicolas Sansu pointait de son côté « l'inquiétante » absence d'étude d'impact effectuée par le gouvernement qui se contente « de projections au fil de l'eau ». Également soulevés par les associations d'élus où la droite est majoritaire, la Banque postale, l'OFCE, ou encore le cabinet Klopfer, spécialisé dans l'audit financier des collectivités, le député communiste souligne les risques de cette situation : « la raréfaction massive des dotations va entraîner un effondrement de l'autofinancement des collectivités avec un effet de dominos touchant aussi les départements ».

Spirale peu vertueuse pour l'emploi

Outre la baisse de l'autofinancement, les autres conséquences sont selon lui « une baisse des effectifs » des agents des collectivités par le non remplacement des départs en retraite et la non reconduction des contractuels, une augmentation de la fiscalité locale, la fonte du patrimoine public, une détérioration des services publics de proximité. La baisse des investissements se traduisant par « de l'argent en moins dans l'économie », comme le soulignait au printemps dernier Jean-Louis Fousseret, une spirale peu vertueuse pour l'emploi est en place.

« Si nous voulions garder le même niveau de service, il faudrait augmenter les impôts de plus de 10% », soulignent les communistes bisontins. La potion est amère. C'est celle que boivent, parfois à doses toxiques plus fortes encore, les Grecs, les Portugais, les Espagnols...

 

Factuel a sollicité Eric Alauzet qui n'a pas encore retourné notre appel. Nous publierons évidemment son point de vue. Par ailleurs, Factuel a interrogé plusieurs villes et intercommunalités de la région quant à l'impact de la baisse des dotations sur leur territoires. Nous y reviendrons dès que nous aurons un nombre significatif de réponses.

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