Ambiance délétère au conseil municipal de Besançon

La division de la majorité municipale, unie sur une motion critique du gouvernement, n'est pas en cause. Ce qui a pourri l'atmosphère, c'est une vive tension entre Jean-Louis Fousseret et Jacques Grosperrin, accentuée par la brusquerie des interventions de Michel Omouri à qui Myriam Lemercier a demandé de se calmer ! Du coup, la vraie politique était dans la rue avec près de 200 militants réclamant aux élus de faire plus pour le climat.

cmb

Interdire les propos liminaires en ouverture du conseil municipal comme l'a décidé il y a quelques séances Jean-Louis Fousseret, c'est rogner une part du débat politique local, empêcher l'expression des groupes sur l'actualité. Il est vrai, comme l'a indiqué le maire, qu'on a vu des débats liminaires durer jusqu'à deux heures avant même que ne commence l'examen de l'ordre du jour.

Privé de cette petite tribune, Jacques Grosperrin (LR) a critiqué d'emblée cette suppression dans un rappel au règlement évoquant « la démocratie bafouée alors que le président de la République vient jeudi... Le conseil municipal est un lieu de débat, d'éclairage, les citoyens ont besoin de savoir... » Il a menacé d'un recours au Tribunal administratif et annoncé que son groupe interviendra sur tous les rapports.

Réplique de Fousseret : « Vous sautez sur toutes les occasions pour faire de la polémique... Allez au Tribunal administratif, je pourrai démontrer ma bonne foi... » Le point 3 de l'ordre du jour, le transfert de la délégation de l'adjoint à la santé Cyril Devesa (EELV) au conseil de surveillance du centre de soins des Tilleroyes à la première adjointe Danièle Dard (LREM) illustre la résolution de Grosperrin qui demande comment la décision a été prise. « Par le maire, en accord avec M. Devesa », répond, un peu pincé Jean-Louis Fousseret, tant d'ordinaire, ce genre de délibération passe comme une lettre à la poste...

Pascal Bonnet (LR) aura quand même pu donner son analyse de l'éviction des propos liminaires : « C'est parce que vous avez une opposition dans votre majorité, mais c'est l'opposition municipale qui est bâillonnée avant tout ». Philippe Mougin (RN) parle de « déni de démocratie », de « minorité flouée, bafouée... » et fait une suggestion : « pourquoi ne pas limiter propos liminaires à 15 min, la paix reviendrait dans assemblée... » Fousseret fait remarquer : « on n'est pas en guerre », Mougin répond : « je parle de la paix des esprits... ». Le maire se veut rassurant : « vous interviendrez tant que vous voulez... »

Grosperrin glisse que la proposition de Mougin est « intéressante mais ce qui vous gêne, c'est que vous n'avez pas envie d'entendre votre opposition interne... » Le sénateur remue le couteau dans la plaie en rappelant les divergences de la majorité sur la vidéo-surveillance. Le maire se sent obligé de préciser et commet un début de lapsus : « j'ai dès départ été pour, pas ma majorité... Dans mon oppo... euh ma majorité, il y a des des opinions divergentes... »

La politique dans la rue...

En partie écarté du conseil municipal, le débat politique s'est tenu à l'extérieur avec la manifestation pacifique de 150 à 200 personnes répondant à l'appel de huit associations environnementales (ici sur Factuel). Les élus devaient passer entre deux rangs de militants et sympathisants les exhortant à accélérer les mesures visant à limiter l'impact du changement climatique. Les élus de l'intergroupe (EELV-PVF-2 PS) avaient prévu le coup et distribuent un texte expliquant être en phase avec leurs interpellateurs : « les projets que vous décrivez sont ceux que nous portons... » (lire ici).

D'autres élus entamaient une ébauche de discussion, échangeaient des coordonnées en vue de contacts ultérieurs. Une chose est claire, c'est à ce genre d'événement que l'on constate qu'on est pleinement rentré en pré-campagne pour les élections municipales de 2020.

« Malgré tout ce qui a déjà été engagé, il faut faire davantage », dit Olivia, une trentenaire venue avec son vélo. « On est venu dire aux élus qu'on fait confiance à certaines associations qui sont ultra-compétentes », dit Antoine. François Giscard regrette « que la rue ne soit pas pleine » pour dire que « l'écologie doit être prioritaire ». A deux pas, Christine est « surprise qu'il y ait autant de monde ». Et Jocelyne est là « pour l'écologie, la CSG, le prix de l'essence et contre la montée du fascisme... »

La Mission locale ressoude la majorité sur une motion... et les questions de la droite sur le CCAS crispent Jean-Louis Fousseret

La politique sera aussi revenue, comme souvent, par le biais d'une motion de l'ensemble des groupes de la majorité critiquant le projet du gouvernement de confier les Missions locales à Pole emploi. Initiée par le groupe PS, elle a été approuvée par les trois autres groupes, les communistes s'opposant aux propositions d'atténuation de LREM. Quoi qu'il en soit, le texte critique un « processus [qui] fait courir aux élu-es le risque de perdre leur capacité de pilotage de l'action des missions locales au profit de Pôle emploi, sans que les objectifs de simplification des démarches soient atteints. De plus, les difficultés de Pôle emploi à totalement assumer ses missions actuelles sont connues (sous-traitance, moyens limités, nombre de demandeurs suivi par conseiller très élevé, etc.) : on peut donc s’interroger sur sa capacité à assurer des missions supplémentaires. » (texte intégral ici)

L'examen du rapport d'activités 2017 du CCAS est l'occasion d'un échange ahurissant. A Pascal Bonnet qui demande pourquoi les personnels de terrain ont diminué tandis que l'encadrement augmentait, ce que Factuel a relevé en présentant le conseil municipal (voir ), Danièle Dard répond sans fard : « je n'ai pas ce sentiment ». Bonnet s'exclame à juste titre : « Vous avez quand même lu le rapport avant de le présenter ! »

La première adjointe, également en charge du social, répond : « Excusez moi, je ne peux pas vous répondre ». Fousseret, qui préside le CCAS, vient à son secours : « il y a eu une modification dans l'organisation ». Le placide élu LR hausse alors à peine le ton : « quelqu'un a-t-il lu le rapport dans la majorité ? » Le maire réplique : « ne soyez pas désagréable », Bonnet rétorque : « C'est vous qui l'êtes en refusant de répondre alors que c'est dans le rapport ! » Fousseret tente d'avoir le dernier mot : « toutes les réponses à vos questions sont dans l'analyse des besoins sociaux (ABS) ». Le hic, c'est que l'organisation du CCAS n'y figure pas (voir l'ABS global ici et par quartiers )...

Pas de réponse à des questions qui n'ont rien du secret-défense !

On n'en a pas fini avec le CCAS car Michel Omouri (LR) veut connaître le montant moyen des 78 micro-crédits accordés, mais là aussi les réponses sont laconiques : « c'est confidentiel », dit Jean-Louis Fousseret, « ça se fait sur critères, je n'ai pas à les connaître, demandez à votre collègue qui siège au conseil d'administration... ». Omouri demande à voix basse à sa voisine, Mina Sebbah (LR) qui lui souffle – parce qu'elle ne peut juridiquement pas prendre part au débat : « quand on pose des questions au CA, on n'a pas de réponse... » Danièle Dard finit par lâcher que le micro-crédit dépend d'une commission d'attribution...

On reste pantois devant un tel refus de répondre à des questions qui n'ont rien du secret-défense !

Jacques Grosperrin salue ensuite « le travail exceptionnel du directeur » de l'école des beaux-arts et demande benoîtement à Jean-Louis Fousseret son « avis sur la politique de l'ISBA » Réponse du tac au tac : « elle est excellente... parmi les cinq meilleures nationales ». L'adjoint à la culture Patrick Bontemps (PS) ajoute qu'un problème est que l'école est handicapée par rapport aux autres qui, elles, sont « soutenues par les agglos... »

Sur l'orchestre Victor-Hugo, Pascal Bonnet demande quelles sont « les perspectives avec la Bourgogne ». Jean-Louis Fousseret salue le soutien de PMA et de Montbéliard et indique souhaiter pour les années à venir « un embryon d'orchestre régional, mais pour une fusion, il faut être deux et nous avons été seul... » En attendant des jours meilleurs, « il faut que l'orchestre garde son niveau... »

Pascal Bonnet salue le « long débat de commission » sur la chaufferie de Planoise, la « volonté politique de baisse structurelle » des prix pour les locataires, mais s'inquiète « que ce ne soit pas ressenti, voire ressenti comme des hausses... » L'adjointe Anne Vignot (EELV) rebondit sur le premier compliment : « la commission est dynamique et on peut discuter librement ». Elle se veut rassurante sur les factures de chauffage : « nous pourrions résister à une baisse des températures. On a annoncé – 12,4% sur les factures, – 5,88% s'il fait plus froid, – 15,6% s'il fait moins froid... »

Myriam Lemrecier à Michel Omouri : « j'aimerais que vous vous calmiez ! »

L'examen des rapports relatifs aux ressources humaines est l'occasion d'une nouvelle prise de bec sur la sécurité et la police municipale. Jacques Grosperrin s'appuie sur les « propos alarmants de Gérard Collomb sur les quartiers » en quittant le ministère de l'Intérieur et suggère de « réfléchir à des changements de missions », d'autant que la « nomination d'un nouveau directeur de la police municipale tarde... » 

Jean-Louis Fousseret le prend mal : « si je suis la cible, c'est que je dérange quand même... Le directeur de la police est parti le 1er novembre... Jacques Grosperrin n'a rien à dire, alors il attaque sur tout... Ce monsieur me titille, mais vous  n'arrivez pas à m'énerver, vous êtes trop mauvais pour ça... » L'élu d'opposition déplore « l'attaque personnelle ». L'adjointe à la sécurité Danièle Poissenot évoque de « fausses infos dommageables » selon lesquelles le directeur serait parti au printemps... Pour le remplacer, « on a des candidatures, on ne peut pas avoir deux directeurs en même temps... »

Philippe Mougin critique une note du maire à la police municipale lui intimant de « ne pas intervenir dans les quartiers prioritaires, ce que les codes pénal et de procédure pénale ne le prévoient pas... Il ne faut pas mettre en faute nos agents, mettre en porte à faux la commune... » Jean-Louis Fousseret assume : « la police municipale doit se replier en cas de danger, sécuriser la population, appeler la police nationale... Ce sont les termes de la convention avec la police nationale... »

Michel Omouri (LR) ironise : « la police municipale intervient dans les cages escaliers, mais comment chasser avec des tasers des dealers ayant des armes à feu ? Et quand le commissariat de Planoise va-t-il enfin ouvrir ? » La question fait bondir le maire : « Mais il est ouvert ! Et l'Etat attend les sorties des écoles pour nommer des policiers. Il y a eu de gros incidents Marseille-Nord, Toulouse-Le Mirail, Lyon, Trappes où l'insécurité est beaucoup plus importante que chez nous. On doit avoir des policiers nationaux dans les jours à venir. Le nouveau ministre de l'Intérieur viendra inaugurer le commissariat quand il y aura les nouveaux effectifs... »

Michel Omouri n'est pas satisfait de la réponse, dit être « passé la semaine dernière place Cassin où on dit que la commission de sécurité n'est pas d'accord pour qu'il soit ouvert... » Le directeur départemental de la sécurité publique adresse un message à Jean-Louis Fousseret avec les heures d'ouverture du lieu. « Depuis quand ? » lance brusquement Omouri. Réponse : juillet. Myriam Lemercier (LREM) lui demande de se calmer. Il rétorque en criant : « je pose une question technique calmement ! » Plusieurs élus de gauche se lèvent alors, le maire suspend la séance quelques minutes...

En fait, le commissariat de Planoise aura son « groupe territorialisé » de quinze agents le 4 décembre. Pour l'heure, ils ne sont que trois...

Des applaudissements pour les prénoms « insultes à la France »

Au retour, Ilva Sugny est grave lorsqu'elle présente le 25 novembre, journée de lutte contre les violences faites aux femmes. Une minute de silence avait ouvert le conseil en hommage à Razia, la jeune femme assassinée le 30 octobre. L'élue aux droits des femmes parle de ce « triste jour... En France, on peut mourir parce qu'on est femme... Razia était seule, sans protection. Elle avait pourtant parlé, personne ne l'a entendue. Elle a crié, notre société n'a pas su la protéger... »

Elle évoque sans le nommer Eric Zemmour qui a proféré une abjection publique à une jeune femme étrangère à la télé en lui disant que son prénom est une insulte à France : « Ici, au conseil, il y a Karima, Sorour, Mina, Ilva, Abdel... Sommes nous une insulte pour la France ? Moins engagées pour la république que Bernadette, Ségolène ou Roselyne... Soyez beaucoup dans la rue le 25 novembre ». Elle est applaudie dans tous les rangs. Jean-Louis Fousseret ajoute : « j'ai dit à la présidente de Solidarité-Femmes que nous serions au côté de l'association pour que Razia ait un enterrement digne... »

La majorité divisée sur le contrat de ville

Il fallait un sujet montrant les divisions de la majorité municipales. Ce fut sans surprise une convention du contrat de ville consécutif aux déconstructions des barres des 408. Elle prévoit notamment de geler le foncier jusqu'en 2030, exigence de l'Etat, avant la construction d'un « nouveau quartier mixte et durable », de ne reconstruire ailleurs que 112 logements sociaux alors qu'on en démolit 500, une subvention de près de 6 millions d'euros pour participer aux démolitions qui avoisinent les 10 millions.  

Thibaut Bize (PCF) explique le désaccord de l'intergroupe à propos de la « perte sèche de 388 logements sociaux qui ne va pas dans le sens du développement de la ville ». Ce qui empêche un vote contre et le conduit à l'abstention, c'est l'aide de l'Etat à GBH pour déconstruire, mais qu'on ne se méprenne pas : cette abstention vaut « moralement » un vote contre.

Philippe Gonon (AGIR-UDI) a pour sa part « quatre raisons d'approuver la démolition d'un dinosaure architectural, la dédensification, le financement, et le temps de réflexion pour construire un nouveau quartier ». Il suggère qu'on réfléchisse à un éventuel EHPAD. Problème, étant élu intéressé comme 19 autres conseillers, il n'aurait pas dû intervenir dans le débat. Dans le même cas, l'adjoint à l'urbanisme Nicolas Bodin (PS) et le président de GBH Pascal Curie (LREM) interviennent également, même si leurs propos sont techniques et plutôt éclairants pour l'assemblée et les observateurs.

« Les réhabilitations doivent être poursuivies »

Bodin estime qu'on aura « dans dix ans le même nombre de logements qu'aujourd'hui » et explique qu'avec 1146 logements vacants sur 18.000 logements sociaux, « la vacance est supérieure à celle d'autres villes ». Curie se dit pour sa part « stupéfait qu'on ne vote pas ce rapport » et assure que « la loi ELAN ne modifie pas les investissements de GBH sur les 10 ans à venir ». Fousseret le coupe : « tu ne peux pas donner un avis comme président de GBH... » A droite, plusieurs voix s'élèvent : « c'était intéressant... »

Michel Loyat, qui a le droit de parler, connaît le sujet pour avoir été adjoint à l'urbanisme lors du précédent mandat. Il rappelle avoir critiqué en son temps la politique de Nicolas Sarkozy et Benoît Apparu qui faisaient « du logement social résiduel » alors qu'il était avant « accessible à 70% de la population ». Aujourd'hui, Loyat est « pour les mêmes raisons opposé aux orientations du gouvernement (APL) », constate « l'échec du vivre ensemble à Planoise, d'où l'importance des réhabilitations qui doivent être poursuivies ».

Pour Christophe Lime (PCF) que personne à droite n'écoute sauf Pascal Bonnet, il faut « déduire [des chiffres donnés] la vacance forcée, celle qu'on organise en démolissant les 408 ». Il souligne aussi que Besançon a 95% des logements sociaux de l'agglomération et souhaite « forcer l'objectif de davantage de logements publics afin que les communes périphériques répondent à leur population qui va encore plus loin, jusqu'en Haute-Saône... Le logement public, c'est aussi de la rotation d'habitants pour les écoles et la vie culturelle... »

Le rapport est adopté par 21 voix pour (LREM, PS, Centre, MoDem, LR) tandis que 12 élus s'abstiennent (EELV, PCF, RN). 

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