Alternance en douceur au département du Doubs

Christine Bouquin va démissionner de ses autres mandats. Elle a dédié son élection à la présidence du Conseil départemental à Claude Girard qui fut à la tête du département de 1999 à son décès en 2004, à la veille du basculement à gauche de l'assemblée. Avec un catalogue de mesures plutôt qu'un programme, la droite est-elle prudente ou mal préparée ?

Christine Bouquin et son futur directeur de cabinet, Daniel Benazeraf.
Christine Bouquin et Daniel Benazeraf en 2015

Pas de triomphalisme à droite mais de la joie et de la fierté. Pas de larmes à gauche mais de l'amertume et... de la fierté aussi. Fierté d'avoir gagné, fierté du bilan en dépit de la défaite. Et une conviction partagée pour dire la « légitimité » de chaque élu, minoritaire ou majoritaire, et, semble-t-il, une estime réciproque entre la nouvelle présidente, Christine Bouquin, et son prédécesseur, Claude Jeannerot. Au point qu'elle lui présentera... sa mère après la séance d'installation.

Claude Jeannerot aura, comme doyen d'âge, présidé une dernière fois l'assemblée qu'il quittera après le contrôle, en cours, de la Chambre régionale des comptes. Autrement dit dans quelques semaines. Il laissera alors la place à son remplaçant, Raphaël Krucien. A ceux qui pourraient le traiter de lâcheur, il répond d'avance: « je m'étais présenté pour assurer la continuité politique du département pour un mandat de transition et de transmission, ces conditions ne sont plus réunies ».

Pas de cumul pour Christine Bouquin
La nouvelle présidente a annoncé qu'elle « abandonne » ses autres mandats : maire de Charquemont, présidente de la communauté de communes de Maîche et présidente départementale de l'association des maires de France. Elle quitte aussi son emploi de cadre dans une entreprise micro-mécanique.

« Métabief et Chaux-Neuve moribonds à notre arrivée »

Il a aussi rappelé son bilan : « le Doubs d'aujourd'hui est profondément transformé et modernisé ». Il a donné quelques exemples : « 27 collèges reconstruits ou neufs, 19 centres de secours et d'incendie construits et reconstruits », un retard en maisons de retraites « rattrapé grâce à une politique d'investissement offensive : 500 lits nouveaux et 1300 modernisés... La véloroute... La création du Pays de Courbet... La modernisation de la station de Métabief et du tremplin de Chaux-Neuve, moribonds à notre arrivée... »

Il a aussi défendu les « politiques de solidarité représentant pour nos concitoyens les plus fragiles plus de liberté, d'autonomie, de dignité : le contraire de l'assistanat tant décrié par ceux qui ne savent pas de quoi ils parlent ». Les oreilles ont sifflé du côté du FN et de quelques autres. Celui qui rappelle n'avoir jamais perdu une élection sauf en interne, au PS, pour la désignation de la tête de liste pour les élections sénatoriales de septembre 2014 en 26 ans de vie politique, a indirectement répondu à la droite locale qui critiquait dans la campagne « la politique de guichet » : « le Doubs a initié il y a quelques mois un dispositif d'accompagnement global au service de l'insertion sociale et professionnelle des allocataires du RSA, imité par 73 autres départements ». Sous-entendu : dont certains de droite puisque la gauche en dirigeait soixante...

Martine Voidey présidera le groupe de gauche

Il a parlé des plans engagés dans le haut débit numérique et la protection des rivières. Il a défendu sa gestion : « le Doubs est le moins endetté des départements de la grande région, le moins fiscalisé. Je laisse à la nouvelle équipe une collectivité en bon état financier ».

Il dit son « regret de n'avoir pas su faire partager les enjeux du scrutin », mais reste lucide : « à l'évidence, les électeurs ont regardé ailleurs, mais leur décision est souveraine ».

Les 11 vice-présidents : Annick Jacquemet (Saint-Vit), Philippe Alpy (Frasne), Françoise Branget (Besançon-2), Serge Cagnon (Maîche), Virginie Chavey (Montbéliard), Ludovic Fagaut (Besançon-5), Odile Faivre-Petitjean (Besançon-4), Philippe Gonon (Besançon-3), Florence Rogeboz (Pontarlier), Denis Leroux (Morteau), Alain Marguet (Ornans).

Il a parlé des plans engagés dans le haut débit numérique et la protection des rivières. Il a défendu sa gestion : « le Doubs est le moins endetté des départements de la grande région, le moins fiscalisé. Je laisse à la nouvelle équipe une collectivité en bon état financier ». Il dit son « regret de n'avoir pas su faire partager les enjeux du scrutin », mais reste lucide : « à l'évidence, les électeurs ont regardé ailleurs, mais leur décision est souveraine ». 

Après quoi, Annick Jacquemet (Saint-Vit), qui brigua un temps la présidence, a présenté la candidature de Christine Bouquin (Maîche) pour la nouvelle majorité. Magali Duvernois (Bethoncourt) a présenté pour la gauche celle de l'ancienne vice-présidente Martine Voidey (Valentigney), qui n'a pas repris sa carte au PS, mais présidera le groupe minoritaire. Sans surprise, le résultat a été de 24 voix pour la première, 14 pour la seconde. 

L'émotion de Christine Bouquin

Saisie d'émotion, Christine Bouquin a très vite convoqué la mémoire de Claude Girard, décédé la veille de la prise du conseil général par les socialistes en 2004. Elle a parlé du « souvenir d'un homme, d'un ami, d'un père… Je le revoie luttant contre la maladie. Il me demandait si je serais prête à poursuivre son action… Oui, je suis prête, Claude. Onze ans que tu nous as quittés, je suis prête et fière de prendre cette responsabilité, et je t'offre cet instant… » La nouvelle présidente a aussi « salué » avec « beaucoup de respect » le travail de son « cher collègue » Claude Jeannerot.

Le nouveau directeur de cabinet vient de Charquemont
Le futur directeur de cabinet de Christine Bouquin s'appelle Daniel Benazeraf. Il était jusqu'à présent directeur des services de la commune de Charquemont dont Mme Bouqin est maire : « j'ai été embauché il y a 25 ans quand elle a été élue », dit cet ancien responsable de l'urbanisme à la DDE.

Elle a rappelé les têtes de chapitres du projet de son camp, se gardant bien d'entrer dans les détails, donnant du crédit aux sortants qui soulignaient « l'absence de programme » de la droite, soulignant même qu'elle n'avait qu'à appliquer le leur... Personne n'est en effet contre « l'accès à des services publics de qualité au plus près des habitants, des infrastructures adaptées et modernes, des conditions d'enseignement optimales et sécurisées, voit les aînés vieillir au coeur de leur quartier ou de leur village, la cohésion sociale par des emplois durables, une dépense publique mieux maîtrisée et une fiscalité minimale ».

« Guidée par des valeurs simples mais fortes - unité, proximité, réalisme -, Christine Bouquin n'a rien dit de nouveau par rapport au programme de son camp qui est surtout un catalogue d'intentions qu'on peut lire ici. Elle a surtout fait preuve de prudence : « notre enthousiasme est élevé, mais notre collectivité est contrainte avec des dotations de l'Etat en chute et un levier fiscal bloqué ». Néanmoins elle insiste sur « la cohésion sociale et territoriale, défis de demain ». Elle annonce que pas grand chose ne changera : « nous ne souhaitons pas remettre en cause ce qui fonctionne. Faire table rase à chaque alternance n'est pas une politique et ne sera pas notre politique ».

Prudence et précautions ou impréparation ?

Il ne faut donc pas attendre de chamboulement de cette année « de transition » qu'est 2015, « déjà engagée budgétairement », pendant laquelle « nous évaluerons les politiques menées et étudierons la mise en place concrète de notre programme ». On peut voir dans ces précautions, le refus d'une précipitation trop hâtive, mais aussi l'aveu d'une certaine impréparation. Car enfin, les 24 élus de la nouvelle majorité sont tous élus locaux, pour la plupart expérimentés. Cinq sont conseillers généraux sortants, trois sont ou ont été conseillers régionaux, l'une ayant même été députée.

Reste que la nouvelle minorité de gauche n'est pas moins expérimentée. Sur ses quatorze élus, huit sont sortants dont cinq étaient vice-présidents et l'un député ! Tous sont maires, adjoints ou conseiller municipaux. La majorité peut en être sûre : le moindre faux-pas sera souligné. Claude Jeannerot a d'ailleurs donné quelques ingrédients de la recette du succès qu'il « souhaite » à Christine Bouquin : « nous étions un exécutif uni et solidaire, il n'y a jamais eu de comportement déloyal, erratique ou discordant dans ma majorité. Je vous souhaite la même cohésion. Ne cédez pas à la mode de l'essentiel en cent jours, prenez le temps, impliquez votre opposition… Mais je suis rassuré en vous entendant, l'institution n'aime ni les grands coups de barre à droite, pas plus qu'à gauche… »

A cela, Christine Bouquin répond : « Je m'engage à ce que dans cette assemblée, nous puissions travailler ensemble. Nous l'avons fait des années, vous l'avez fait depuis 2004… Nous aurons d'autres orientations, complémentaires de ce qui fonctionne bien ».

Philippe Mack, ex-chef de cabinet : « On va aller à Pôle-emploi »

Vous étiez chef de cabinet de Claude Jeannerot. Que faisiez-vous ?
La gestion de l'agenda, du protocole, des cérémonies, de la rédaction de discours. C'est différent du directeur de cabinet qui est dans la stratégie.
Comment êtes-vous arrivé là ?
J'étais militant socialiste à Montbéliard en 2003. Quand la gauche est arrivée aux responsabilités, j'ai pris un poste de conseiller de cabinet sur cette ville. Puis j'ai rencontre le président qui cherchait un chef de cabinet...
Quelle est votre formation ?
J'ai fait une maîtrise de gestion-communication à Paris. Je suis Parisien, dans le Doubs depuis 1993. Je finissais mes études, mon premier poste a été à Montbéliard dans une association de réhabilitation du centre ville...
Il y a de l'émotion dans ce que vous vivez aujourd'hui ?
Le plus compliqué, c'est la brutalité, la rapidité de ce qui arrive. On a passé 10 ans avec une équipe, et en trois jours on doit faire nos bagages. On n'y est pas préparé... On est préparé à l'idée, mais pas à le faire... Ça tient à notre statut qui est lié au mandat du président. Il n'y a pas de préavis.
Combien de personnes sont concernées ?
Onze. Il y a les emplois de cabinet, et les emplois détachées, par exemple de secrétariat, qui retourneront à la fonction publique.
Avec cette débâcle, comment allez vous vous recaser ?
Si on veut travailler en cabinet, l'offre est en effet amoindrie... On va aller à Pôle emploi, on a droit à deux ans...
Vous avez des pistes ?
On va d'abord se poser un peu... Ensuite, accepter d'être mobile. Le président essaie de recaser les gens avec son réseau...
On dit que le PS ou l'UMP ne sont pas des partis de militant, mais d'élus et de collaborateurs d'élus...
Les collaborateurs sont des militants. Être élu est un travail. On ne se choque pas qu'un patron ait des collaborateurs proches... Le cabinet de Claude Jeannerot était modeste : un directeur, un chef et quatre spécialistes des grands domaines (solidarités, économie, éducation-culture, environnement). On travaille pour le président, on fait des notes, des discours... C'est indispensable, on travaille aussi pour les vice-présidents : un cabinet, c'est pour l'ensemble de l'exécutif.
Participez-vous aux débats politiques ?
Oui, chaque semaine en réunion de la majorité et du cabinet. Il y avait une ambiance exceptionnelle, un président incontesté, des discussions mais pas de remise en cause. Dès le début, il y a eu un projet commun, partagé.
La droite aura-t-elle plus de difficultés ?
Ils n'ont pas de projet, ils ont des actions. La force de Claude Jeannerot, c'était un projet quantifiable, évaluable...



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