Madame AC de nationalité ivoirienne a quitté son pays avec son mari et sa fille M, âgée de quelques mois pour éviter à cette dernière l’excision, pratique qui a lieu selon les traditions dans son pays, et où il est difficile d’y échapper sauf à fuir. Le couple passe par la Libye, où M a été séparée de sa mère, qui l’allaitait encore, à l’âge de 8 mois, pour être emprisonnée avec son père pendant de longs mois, sa mère étant dans une autre prison. M en a des séquelles psychologiques et somatiques très importantes et pour l’instant, a un suivi régulier en France.
Libérés des prisons libyennes, elle et son mari traversent la Méditerranée séparément, elle avec sa fille. Madame AC ne retrouve pas son mari à son arrivée en Italie.
Faute de prise en charge pour les demandeurs d’asile dans ce pays (hébergement en particulier, situation bien connue et bien documentée par les ONG), elle arrive en France en mars 2020 et accouche de sa deuxième fille S à son arrivée.
Mme AC et ses deux filles sont placées en procédure Dublin par le Préfet du Doubs : Madame AC doit demander l’asile en Italie, où elle est expulsée, avec ses deux filles de 2 ans et demi et 6 mois à BARI en octobre 2020. Aucune prise en charge, aucun hébergement, comme la première fois et sa demande d’asile n’est pas enregistrée.
Madame AC n’a d’autre choix que de revenir en France à Besançon avec ses deux filles. Madame AC est de nouveau placée en procédure Dublin par le Préfet du Doubs.
Néanmoins, le Tribunal Administratif (TA) de Besançon saisi par Madame AC annule l’arrêté portant remise aux autorités italiennes par un jugement rendu le 06 mai 2021 en retenant notamment que la France est responsable de l’examen de la demande d’asile de Madame AC. Il est ainsi précisé que :
« L’exécution du présent jugement implique nécessairement que le préfet du Doubs délivre à Mme AC une attestation de demande d’asile lui permettant de saisir l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, et ce dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent jugement ».
Malgré ce jugement, le Préfet du Doubs croit pouvoir continuer à placer Madame AC en procédure DUBLIN Italie, pensant ainsi pouvoir faire fi de ce jugement, et ce malgré les injonctions de l’avocate de Mme AC.
Certes un appel et une demande de sursis à exécution du jugement ont été déposés par le préfet du Doubs devant la Cour Administrative d’Appel (CAA) de Nancy. C’est son droit. Mais cet appel n’est pas suspensif et la Cour n’a pas prononcé la suspension du jugement. Le préfet du Doubs doit donc obtempérer au jugement du TA en attendant la décision de la CAA.
Dans cette triste affaire, le Préfet du Doubs affiche une totale inhumanité, et un acharnement insupportable, ce qui ne nous surprend plus. Il va plus loin en s’affranchissant totalement d’une décision de justice qui, si elle n’est pas devenue définitive, doit néanmoins être exécutée dans l’attente de la position de la Cour en l’absence de toute suspension de son exécution.