Planoise : square Van-Gogh, ou la chronique d’un déracinement

À Planoise, le « nouveau programme de renouvellement urbain » continuer d’imposer ses règles. Bien des barres ont disparu depuis 2009, mais État et municipalité souhaitent poursuivre l’offensive. Au menu du jour, le square Vincent Van-Gogh. Ses occupants sont aujourd’hui contraints de quitter les lieux, leur « bloc » devant être prochainement démoli. Sans avoir eu leur mot à dire, et contraints de devoir vivre en-dehors du quartier pour pouvoir prétendre à une HLM. Une sentence dure à avaler pour certains, très attachés à leur localité et leur vie.

Des paroles aux actes

Le bailleur avait promis « de ne pas lâcher les riverains » fin septembre 2019. Troubles et insalubrités récentes venaient d’être dénoncés par des résidents, accusant les pouvoirs publics, mais aussi l’agence locale de les abandonner. « S’ils veulent transformer le site en ghetto, qu’ils continuent à nous ignorer… ils auront un gros problème sur les bras », rapportait ainsi un interlocuteur à l’Est républicain. Quelques mois plus tard, la décision de raser les blocs était officialisée, les habitants étant dès lors invités à préparer leurs cartons pour la rentrée 2020.

Si certains s’en sont accommodés ou satisfaits, bien d’autres ont vite déchanté. Les fusillades des derniers mois ont certes minoré la confiance et l’affection, mais beaucoup sont restés épris de ce territoire qu’ils ne résument pas qu’à une litanie de faits divers. Une condition indiscutable leur est pourtant imposée : l’interdiction de paraître à Planoise et dans une dizaine de secteurs jugés « sensibles. » Une doctrine de dépeuplement assumée, puisque la « troisième ville de Franche-Comté » a enregistré la perte du quart de ses administrés en moins de vingt ans.

Une image d’Épinal, lacérée par forfait

Il y’a encore peu, le square Van-Gogh était pourtant vu comme un véritable écrin de convivialité. Nul besoin de remonter aux années 70 ou 80 pour retrouver des nostalgiques, 2013-2015 étant resté dans les annales. À cette époque les familles du coin avaient restructuré elles-mêmes le terrain central alors laissé vague, surmontant des garages désaffectés. Le journal local « la passerelle » et « France 3 » contaient ces jours heureux. Potagers populaires, jeux d’enfants, espaces de gratuité, et fêtes alternatives, avaient émergé, sans l’aide de l’administration ni le tapage des élus.

Mais l’ensemble sera arrêté courant 2015, avec la destruction des fondations souterraines. La fin d’un projet remarquable, qui se mêle au forfait progressif des gestionnaires. Petit à petit l’entretien des lieux se met à vaciller, au même rythme que les ragots fuitant sur l’avenir des lotissements. À travers les médias, moisissures, nids de rats, ou urine persistante, apparaissent. Une réalité qui n’a pas pour origine le deal, déjà en grande partie dédouané dans la feuille de chou. Car on peut surtout se demander si la « démission » des responsables n’est due qu’aux difficultés contextuelles.

Le bannissement comme vertu

Plusieurs décennies de politiques sociales sont ainsi désavouées. Chômage, paupérisation, déclassement, ostracisme, absence de perspectives, font plus que jamais des ravages. Mais faute de pouvoir agir sur ces causes, l’objectif est de juguler leurs conséquences visibles. Quels que soient les dommages collatéraux. Ne parvenant pas à contrôler ces espaces et individus jugés « ingérables », les Autorités virent de grès ou de force les foyers concernés pour les disséminés au fil du vent. Les arracher et les replanter ailleurs, comme de simples carottes ou radis.

Peu importe si logement, cadre, ou environnement commercial et culturel, peuvent être aussi loués. Car oui des planoisiens ne veulent pas s’exiler à la Bouche ou Saint-Ferjeux, heureux où ils sont. Et ne comprennent pas qu’un jour des bureaucrates décident que la foudre devait taper ici plutôt que là. Leurs parcours, besoins, et avis, on s’en passera donc. Anne Vignot clamait-il y’a quinze jours vouloir « construire des alternatives concrètes et durables avec les habitants. » En attendant, comme d’autres, je prépare mes valises le cœur serré... pour une destination inconnue, mais déjà haïe.

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