Besançon le, 12 octobre 2015
Monsieur le Ministre,
Nous joignons notre voix à celles, nombreuses et de tous horizons, qui vous demandent de mettre fin immédiatement aux réadmissions de demandeurs d’asile en Hongrie, et, par-delà, de remettre en cause les accords de Dublin.
En effet, nous, citoyens, enseignants, parents d’élèves, militants associatifs, pouvons témoigner au quotidien de leurs conséquences, entrainant malheur et injustice.
Ainsi, à Besançon, plusieurs familles sont dans des situations particulières qui devraient leur permettre de déposer leur demande d’asile en France, mais la Préfecture du Doubs s’y oppose :
- Famille T. : Leur transfert vers la Hongrie a été interrompu pour raisons médicales, mais les services de la Préfecture du Doubs refusent de prendre en compte ce motif (cf. CE, 26 octobre 2010, N°343298 et CE, référés, 30 septembre 2013, N° 372375) et ont porté leur délai de réadmission à 18 mois.
- Famille G.-K. : Alors que Madame seule avait déposé ses empreintes en Hongrie, c’est Monsieur, plus âgé que son épouse et n'ayant pas d'empreintes dans ce pays qu’on a tenté de « réadmettre » puis libéré. Le couple a été « déclaré en fuite » avec délai de réadmission prolongé d’un an. Selon le règlement Dublin 3 article 11, c'est la France qui est l’État responsable de la demande d'asile.
- Famille H. : Madame et son fils de 4 ans ont été placés en rétention préalablement à leur « réadmission » en Hongrie, séparant ainsi l’enfant de son père qui n’était pas présent lors de leur interpellation. C’est au nom de son refus d’embarquer qu’elle a été également « déclarée en fuite » avec délai de réadmission prolongé d’un an.
Par ailleurs, plusieurs autres familles sont en attente de leur réacheminement en Hongrie, alors que la situation de l’accueil des demandeurs d’asile dans ce pays est maintenant largement connue de tous.
Les déclarations des plus hautes autorités du pays ne laissent aucun doute quant à la saturation du dispositif d’accueil, sans faire de distinction entre les nouveaux arrivants et les personnes réacheminées.
Nos associations ont été amenées à apporter leur soutien à des familles qui étaient convoquées par la police pour être conduites à l’aéroport pour être renvoyées en Hongrie, mais ne s’y sont pas rendues, en attente d’une réponse des services de la préfecture à leur demande d’autorisation de déposer leur demande d’asile en France :
- Famille G.-G.-H. : Une importante mobilisation d’enseignants, parents d’élèves, associations, s’est organisée pour soutenir ce couple, accompagné de ses 3 enfants et de la mère de
Monsieur qui a besoin de soins. Ils ont adressé une demande d’autorisation de déposer leur demande
d’asile en France, sans réponse à ce jour.
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Famille G . : Dans le même cas que la famille précédente, sa convocation était pour le lundi 12 octobre.Cette énumération n’est pas exhaustive et d’autres familles vivent dans l’attente angoissée de leur convocation (et/ou de leur arrestation). Nous leur apportons notre total soutien et constatons que la population des quartiers dans lesquels elles vivent et où leurs enfants sont scolarisés est très sensible à leur situation et s’organise pour manifester sa solidarité.
Par ailleurs, nous savons qu’à Lyon, par exemple, des familles dans la même situation ont été autorisées par la préfecture à déposer leur demande d’asile en France, ce qui prouve qu’il est possible immédiatement de suspendre l’application du règlement Dublin et de ne pas envoyer des enfants, des femmes et des hommes vers un pays qui ne saura pas les accueillir dignement ni traiter leur demande d’asile.
Monsieur le Ministre, nous vous prions de donner rapidement des instructions claires aux services préfectoraux pour que prennent fin le plus vite possible les réacheminements de demandeurs d’asile vers la Hongrie.
Enfin, nous faisons nôtres les arguments de l’Action collective - Système d’asile européen : il faut en finir avec le règlement Dublin - du 23 juin 2015 initiée par la Coordination Française pour le Droit d’Asile, qui demande la suppression du règlement Dublin, notamment car :
. il concentre inévitablement les demandeurs dans les États qui forment la frontière extérieure de l’UE (Grèce, Italie, Pologne...)
. il est reconnu en échec par le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants. Ce dernier constate “l’échec systémique du mécanisme de Dublin” et préconise d’“inverser la logique actuelle en permettant aux demandeurs d’asile de déposer leur demande dans le pays de leur choix à l’intérieur de l’Union européenne”.
Veuillez croire, Monsieur le Ministre, à nos sentiments respectueux.
Collectif de Défense des Droits et Libertés des Etrangers,