Le Tribunal invalide l’urgence à expulser Solmiré du squat de Tarragnoz

Par une ordonnance en date du 29 avril 2019 la juge des référés a rejeté la requête des Voies Navigables de France qui demandait au tribunal administratif l’expulsion dans un délai de 3 jours de l’association Solmiré et des mineurs isolés étrangers occupants la maison éclusière de Tarragnoz.

 

Dans sa décision la juge souligne que les mineurs qui habitent l’appartement occupé ne disposent pas d’autres solutions d’hébergement, que le logement occupé (vacant depuis 2015) ne présente pas d’utilité pour la bonne marche du service public et que contrairement à ce que prétend la VNF, il n’existe pas de risque imminent pour les jeunes à se maintenir dans cet hébergement. Les conditions d’urgence et d’utilité n’étant pas remplies, la procédure d’urgence utilisée par la VNF n’a pas pu aboutir. La VNF a désormais la possibilité de se pourvoir en cassation auprès du conseil d’État ou alors de saisir à nouveau le tribunal administratif via une procédure normale (sans caractère d’urgence).

 

Cette décision judiciaire est un soulagement pour les mineurs occupant l’appartement réquisitionné comme pour l’association Solmiré. À long terme, l’inquiétude demeure concernant la situation des mineurs étrangers isolés non pris en charge par le département et rejetés par les services d’hébergement d’urgence de l’État. Sur ces problématiques l’association Solmiré restera donc mobilisée afin de contraindre les pouvoirs publics à assumer leurs responsabilités.

 

Le rassemblement du 27 juillet devant le tribunal administratif puis la mairie de Besançon ont recueillis une forte mobilisation et constituent un signe encourageant pour la suite de cette lutte de longue haleine : la défense des droits de l’enfant.

 

L’association Solmiré remercie les nombreux soutiens qui part leur présence, leurs dons ou leurs coups de mains ont participé à cette victoire.

 

Compte rendu de l'audience du 27 juillet :

 

Forte mobilisation des soutiens de Solmiré et des jeunes menacés d’être remis à la rue, mardi 27 juillet, devant le Tribunal administratif et, ensuite, à la mairie : plus de 100 personnes ont répondu à l’appel, en plein mois de juillet, ce qui montre que l’été ne relègue pas à l’arrière-plan une lutte sociale aussi importante que celle de la protection des mineurs étrangers face à l’indifférence des autorités publiques…

 

A l’audience, une jeune magistrate, juge unique dans cette procédure de référé. Elle donne la parole aux avocat.e.s et ne fera aucun commentaire ; chaque partie s’en rapporte à ses arguments écrits et développe oralement ce qui lui semble important :

 

– pour VNF, l’avocat répète ce qu’il a développé dans sa requête sur l’entrée de Solmiré dans la maison éclusière par effraction (2 barillets changés) et insiste sur l’urgence par rapport à 3 types de risques : risque sanitaire (gaz et électricité, mais il ne fournit qu’un certificat datant de 2018 pour justifier des risques), sécurité des personnes et des biens (pas d’autonomisation totale du local technique de commande de l’écluse, danger de proximité avec des machines hydro-électriques, en zone inondable, occupation de l’appartement situé au 2ème étage par des mineurs, immeuble réservé à des agents VNF, difficulté d’accès pour les pompiers en cas de sinistre car pas d’accès par l’entré habitations…) et enfin entrave au bon fonctionnement du Service Public de la Navigation. L’avocat réitère sa demande d’expulsion sous 3 jours (avec 300€ d’indemnités par jour de retard) et autorisation de recours à la force publique.

 

– pour Solmiré, son avocate rappelle que des échanges répétés, respectueux et cordiaux ont eu lieu entre l’association et le responsable local de VNF dès le début de l’occupation (10 avril 2021), que l’argument de l’accès bloqué à la partie habitation ne tient pas, puisque l’huissier est monté jusqu’au 2ème étage en avril, et à nouveau en juillet, pour constater l’occupation.  Sur l’urgence et les risques, l’avocate démontre qu’en 3 mois, il n’a jamais été fait état par VNF d’un risque sanitaire par rapport au gaz et à l’électricité (l’argument est donc seulement d’opportunité aujourd’hui), pas plus que d’un risque par rapport aux inondations ; quant au bon fonctionnement du Service public, elle insiste sur une occupation qui ne concerne que l’appartement du second étage, par une association qui est présente chaque jour aux côtés des jeunes et que jusque-là, aucun incident n’a été signalé et rien dans la requête ne vient prouver le contraire. Les « risques allégués pour plus tard » que Solmiré change le barillet de l’accès au local technique sont donc pure spéculation et quel intérêt Solmiré pourrait-il bien avoir à agir ainsi ?

 

Pour ce qui concerne les logements qui ne pourraient être occupés que par des employés VNF, il se trouve que, de l’aveu même du requérant, ils ne le sont plus depuis 2016 (et même au-delà), ce que corrobore l’absence dans la requête de demande de mise à disposition d’un logement de fonction par un employé.

 

L’avocate de Solmiré cite ensuite la jurisprudence qui pourrait permettre à la Présidente de cette audience du TA de faire primer les droits de la personne sur le droit de propriété : décisions récentes d’autres tribunaux allant dans le sens de la primauté de l’intérêt des enfants en attente de reconnaissance de minorité, contexte sanitaire interdisant aux Départements de laisser des mineurs à la rue, refus répétés du 115 bisontin de les mettre à l’abri.

 

Elle demande enfin que si le TA donne gain de cause à VNF, la décision soit assortie d’une injonction à la prise en charge des mineurs hébergés au squat par le Département et par l’Etat.

 

La présidente demande à l’avocat de VNF s’il a quelque chose à ajouter et, au vu de sa réponse négative, clôt l’audience en annonçant que sa décision est mise en délibéré et sera rendue sous quelques jours.

 

Laisser un commentaire