Le Squat Denfert devant la justice ou l’équilibre des droits

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Si l'ouverture d'un squat destiné à héberger des demandeurs d'asile durant l'hiver, a fait l'objet d'une plainte de la part des propriétaires, elle a également donné l'occasion au tribunal d'instance et à la justice civile de s'informer et de s'étonner sur l'état de non droit dans lequel se trouvent les demandeurs d'asile sans logement alors qu'il revient à l’État de s'en charger. L'affaire a été jugée.

Droit au logement

Le choix de l'ouverture de ce squat s'est effectuée à partir d'une nécessité d'assistance à personnes en danger, laissées sans hébergement en hiver. Face à cette situation et vu l'abondance de logements vides dans notre cité, la loi permet au Préfet en liaison avec le Maire de réquisitionner le cas échéant certains d'entre eux en cas d'urgence. Force est de constater qu'ils n'utilisent pas dans ce cas. Ainsi certains citoyens indignés en sont venus à organiser le Squat Denfert (6 Avenue Denfert-Rochereau) qui a permis de protéger plus d'une dizaine de personnes cet hiver dans un grand appartement qu'ils ont su aménager. Tout cela bien sûr en toute illégalité; d'où l'ordonnance de référé du 11 avril dernier .


Droit à la propriété

Après avoir refusé le bail précaire que leur proposaient les occupants en invoquant eux-mêmes le caractère insalubre des lieux et la nécessité, pour pouvoir le louer, de faire des travaux dans cet appartement non occupé depuis 7 ans, les propriétaires à travers leur avocat ont pourtant exigé lors de l'audience une indemnité d'occupation surprenante de 1200 euros mensuels.


Si le juge ne pouvait justifier une occupation sans droit ni titre, il a cependant débouté les propriétaires de leurs prétentions en « l'absence de démonstration de l'existence d'un préjudice » et en précisant que si les occupants « ne contestent pas être entrés dans les lieux sans y être invités et qu'ils s'y maintiennent contre la volonté des propriétaires, ce qui est constitutif d'une voie de fait »,…. « ces derniers ne créent aucun trouble aux autres habitants, ni d'ailleurs au voisinage, et ont d'ailleurs procédé à des menus travaux de rénovation dans l'appartement, qui se trouvait avant leur arrivée, en état d'insalubrité, bien inoccupé depuis de nombreuses années ».


Examen de proportionnalité

Le tribunal a su ainsi trouver une solution satisfaisante, équitable, mettant en balance « un examen de proportionnalité nécessaire entre les deux droits constitutionnels et conventionnels que constituent, d'une part, le droit de propriété et, d'autre part, le droit à la dignité humaine et au logement décent ».


De plus le tribunal a retenu que les demandeurs d'asile « attestent, par ailleurs, solliciter les services de la préfecture du Doubs et la cellule du 115 afin que leurs soient trouvés une solution de logement »… et qu' « au jour de l'audience, aucun hébergement, même d'urgence, ne leur a été proposé ». Il a souligné ainsi qu'« une expulsion immédiate sans solution d'hébergement en période hivernale apparaît disproportionné et compromettrait leur démarche pour faire valoir leurs droits en tant que demandeurs d'asile » et pour conclure a accordé aux occupants un délai supplémentaire d'un mois après la signification de l'ordonnance pour quitter les lieux.

Dans cette affaire d'hébergement d'urgence, alors que le squat a joué son rôle en période hivernale, nos autorités préfectorales et municipales n'en sortent par contre pas grandies.

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