Une salariée en situation d’handicap vient d’être licenciée pour une rage de dent et exercice du droit de grève sur une seule journée. C’est en solidarité avec leur collègue de travail qu’une soixante de salarié a débrayé, dont une vingtaine à distance au vu de la crise sanitaire, devant les locaux de Teleperformance ce vendredi 18 décembre 2020 à 10h.
Le syndicat SUD commente sur Twitter : « Les 2/3 des conseillers clientèles de teleperformance belfort, en CDI, revotent la grève générale dénonçant des conditions de travail insupportables sur lidl et edf. La directrice, invitée, a fui devant les questions posées en levant les bras au ciel ».
En 2017, le patron de Teleperformance était le 4ème patron le mieux payé de France, juste après Carlos GHOSN, avec un salaire annuel de 12,2 millions d’euros, selon Libération. Il partira avec une indemnité de départ de 9 millions d’euros, toujours selon Libération, alors que les salariés au nombre d’environ 2200 dans toute la France sont payés tout juste au SMIC pour les conseillers clientèles.
« On est sous-traité dans tous les sens du terme », déclare un salarié
Selon l’organisation syndicale SUD, après un unième cas Covid19 avérés venant de survenir sur le site de LIDL le 16 décembre 2020, soit 30% des cas provenant de Belfort sur les 13 sites de Teleperformance, la tension est à son maximum sur le site situé au Technom. Le syndicat s’en offusque d’autant plus que le management de proximité y est dénoncé depuis le début de la crise sanitaire, des bonbons étaient distribués en libre-service il y a peu, affirme le syndicat.
Avec 5 prudhommes en cours et l’intervention par deux fois de l’inspection du travail sur le centre d’appel, les salariés dénoncent la pression sur les temps de travail, la multiplication des débriefes écrits informatisés, les débriefes vexatoires de la hiérarchie, des intentions de mettre en place des caméras et des logiciels de traçage... Face aux incidents informatiques nombreux, les salariés en télétravail doivent systématiquement se justifier qu’ils ne fraudent pas, sous peine de ne pas être payés. A l’instar de leur collègue de travail licenciée pour une demi-journée d’absence, ils dénoncent une tolérance zéro pour tout absentéisme qui ne serait pas dû à un arrêt maladie.
« Si ils n’ont pas de pitié pour une salariée en situation d’handicap, ils n’en auront pas pour nous. Ce qui est arrivé à notre collègue, ça peut nous arriver demain. Quand on a une panne de chaudière, il nous dise que le seul justificatif acceptable est médical », déclare un salarié.
Les erreurs sur fiche de paie seraient nombreuses. Une salariée aurait même été mise en demeure par la sécurité sociale suite à une erreur de saisie du service des ressources humaines de Teleperformance. Le problème n’est toujours pas réglé à date.
La salariée licenciée explique que personne ne l’a aidé à porter ses affaires (ordinateur, écran et fauteuil) lorsqu’elle est partie en télétravail, alors que le service RH connaît très bien ma reconnaissance handicap, surenchérit-elle, et le caractère particulièrement grave de mon handicap, surtout pour porter des charges.
Un salarié qui a dénoncé les conditions de travail, précise qu’il a récemment été qualifié en sa personne de danger grave et imminent, sans que la procédure ne puisse aboutir tant elle était dépourvue de réalité. Selon le syndicat SUD, cette procédure visait à intimider et à museler les salariés réfractaires aux méthodes de management dénoncées.
Un tract de SUD dénonce un logiciel qui analyse toutes les interactions informatiques et enregistrent les appels : « Le logiciel va analyser tous les mots clés que vous utiliserez et fera des remontées à votre superviseur en fonction des paramétrages. Selon Teleperformance, le logiciel va même plus loin : il analyse vos émotions, votre rythme de parole… » Teleperformance parlerait d’intelligence artificielle, selon le syndicat, là où les salariés parle de flicage et d’espionnage.
Les salariés en télétravail sont écoutés à raison de deux à 4 fois par mois, et ils sont notés en pourcentage sur plusieurs items déterminant le montant de leur prime variable ; l’un de ces items note si pendant l’appel il y a eu, ou non, des « des bruits de fond », ce qui choque les salariés.
« Quand on est sur le centre, il y a beaucoup de bruit, ce qui est parfois très fatigant. On ne s’est jamais inquiété de savoir si il y avait des bruits de fond. Et maintenant on voudrait nous reprocher le bruit éventuel de nos enfants dans la maison »
A Belfort ce sont près de 200 salariés qui travaillent dans le centre d’appel. Plus de la moitié de l’effectif actif serait en précarité. L’inspection du travail du siège de l’entreprise a exigé un plan de résorption de la précarité. En 2020, le taux d’absentéisme a oscillé entre 20 et 50% à Belfort.
Contre toute attente, les contrats en précarité ont un taux d’absentéisme supérieur aux embauchés, c’est dire la mauvaise ambiance qui règne dans ce centre d’appel, même les nouveaux s’y sentent vraisemblablement mal.
Le dialogue social serait au plus bas. L’entreprise a refusé de répondre aux réclamations individuelles et collectives pendant plusieurs mois, selon le syndicat SUD. Les représentants du personnel ne peuvent pas prendre contact avec les salariés en télétravail car l’employeur se refuse à mettre des solutions en place allant dans ce sens, alors que les solutions existeraient et seraient prête à l’emploi. Selon le syndicat SUD, il n’existe aucun accord collectif, ou charte, sur le télétravail : « Les négociations sur le télétravail ont avorté suite à la volonté de l’employeur d’intégrer dans l’accord des modulations hautes et basses pour les télétravailleurs, et surtout de baisser le délai de prévenance des plannings des salariés en télétravail de 5 semaines à 3 semaines. Malgré de nombreux appels à relancer la négociation, tout syndicat confondu, l’employeur n’a répondu à personne et élude le sujet. »
Tout le directoire de l’entreprise vient d’être remercié et remplacé par un autre directoire au niveau DRH, PDG et PDG adjoint, ce qui fait craindre au syndicat SUD une politique de restructuration et le retour à d’éventuels plan de sauvegarde de l’emploi ou rupture conventionnelle collective, qui, toujours selon le syndicat, est souvent précédé d’une grande pression au travail sur les anciens.
« Les anciens ne sont plus les bienvenus à Teleperformance, il coute trop cher, et nous nous plaignons plus facilement de nos conditions de travail qu’un salarié qui ne travaille que depuis 2 mois. Je pense qu’ils ont peur qu’il y ait une vague de suicide chez nous », déclare un salarié.
Le syndicat SUD n’hésite pas à parler d’harcèlement institutionnel, comme chez Orange, et en appelle à l'intervention de Philippe DOMINATI, président du conseil d'administration de Teleperformance et sénateur de Paris (Les républicains)