General Electric : courrier de la présidente de Région au ministre de l’Economie

Monsieur le Ministre,

Face à la crise que nous traversons la mobilisation de l'Etat est sans précédent.  Sur le plan économique, les principales mesures du Gouvernement, abondées notamment par une participation financière des régions pour le fond de solidarité national, permettent de soutenir des centaines de milliers d'entreprises.

Si les conditions sanitaires sont réunies, j'aspire à une reprise rapide de l'activité économique tout particulièrement en Bourgogne -Franche -Comté où 366 000 salariés sont actuellement en activité partielle soit 52% des salariés du territoire.

L'épisode du Covid19 met en exergue de nombreuses difficultés à travers le pays dont celle d'un site industriel du Nord Franche-Comté pour lequel vous vous êtes personnellement investi. Sans une nouvelle intervention de votre part, le compromis entre General Electric et l'intersyndicale du 21 octobre 2019, et qui a démontré la détermination de toute une région pour sauvegarder emplois et compétences, risque d'être profondément remis en question.

Les tensions sont palpables et ne seront qu'accrues dans les jours qui viennent. Fragilisés depuis 2018, les 270 fournisseurs de l'usine de Belfort et de Bourogne s'apprêtaient à se diversifier pour garder la tête hors de l'eau. Or, le courrier de General Electric Power Gas du 20 avril leur demandant de baisser leur prix de vente de 20% est une provocation qui ne peut rester sans réponse de votre part. La médiation avec GE France et la saisine du médiateur des entreprises sont de natures à rassurer les entreprises.

Mettre la pression sur le prix dans le contexte actuel relève du suicide économique et industriel et cela démontre la volonté de la firme de Boston d'externaliser les activités belfortaines sous prétexte de contexte sanitaire. Les informations en ma possession confirment un redémarrage de l'activité délocalisée en Hongrie, voire en Arabie Saoudite ou à Greenville.

C'est une remise en cause totale du projet industriel qui a été travaillé de concert entre les salariés et la direction locale et cela depuis plusieurs mois. Il s'en dégageait 10 axes de développement dont un projet de relocalisation des cycles courts de fabrication. Ces investissements rentables à court et moyen terme ne semblent plus la priorité du groupe tout comme la diversification . GE ne juge non plus opportun de poursuivre la piste de l'aéronautique en raison des difficultés de sa division aviation suite à l'arrêt total du trafic aérien mondial.

Pire encore. Jugeant le site de Belfort moins compétitif que d'autres sites européens, GE prend comme prétexte l'absentéisme et la diminution temporaire de l'activité liée à la pandémie de Covid19 pour accélérer une délocalisation vers son usine de Hongrie.  Avec un an d'avance, certaines pièces à faible valeur ajoutée sont transférées mais d'autres fabrications suivent comme les aubes directrices qui ne font pas partie de l'accord de 2019.

Enfin, l'activité réparation de rotors est projetée en Arabie Saoudite alors que Belfort est le site référence pour cette maintenance. Un retour aux USA de la production de turbines initialement transférée ici est à aussi l'étude.

Tout cela va est contraire aux intérêts, tant pour les sous-traitants que pour les salariés de GE Belfort et Bourgogne.

L'activité turbine à gaz continue sa progression et de nouveaux marchés ont été décrochés par le groupe à travers le monde assurant ainsi activité, croissance et emploi. Les chiffres 2019 confirment bien une reprise du marché du gaz avec plus de 39 gigawatt produits, soit une hausse de 60% par rapport aux prévisions pessimistes GE justifiant ainsi le PSE et la suppression de 485 emplois.

Voilà autant d'éléments que je souhaite porter à votre connaissance et qui doivent alerter le Gouvernement. Une interpellation rapide des dirigeants de GE est plus que nécessaire afin de retrouver l'esprit des accords d'octobre 2019.

La mondialisation a permis de localiser les usines là où les conditions sont les plus favorables.  L'impératif du moindre coût a fait oublier des paramètres qui refont surface aujourd'hui. A l'heure d'un plan de relance ambitieux basé en partie sur une relocalisation de pans entiers de notre économie, il semble plus que nécessaire de concentrer la production d'une même chaine de valeur autour d'un seul site. Vous pourrez faire de GE un cas d'école à suivre.

J'insiste donc une énième fois sur l'opportunité qu'offrent les 50 millions d'euros du fonds Maugis, tant pour les sous-traitants que pour le développement des activités industrielles structurantes.  Face à l'imbroglio juridique, les projets d'implantations dans le nord Franche-Comté sont au point mort, alors qu'ils devraient être l'une des clés de ce plan de relance.

Je rencontrerai très prochainement, aux côtés du représentant de l'Etat dans le département, les sous-traitants et l'intersyndicale afin de faire un point très précis de cette situation qui me préoccupe au plus haut point.

En espérant pouvoir échanger rapidement avec vous sur ce sujet, je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma très haute considération.

Marie-Guite Dufay, présidente du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté

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