Les États Généraux des migrations (EGM) tente de résoudre cet apparent paradoxe à un moment où après avoir entendu à l'envi que la crise migratoire était un problème européen, chacun peut percevoir soudainement un silence impressionnant sur le sujet à l'approche des élections européennes.
9 mai : JOURNÉE INTERNATIONALE POUR L’EUROPE…. C'était l'occasion pour les États Généraux des Migrations d'amorcer une once de débat critique sur un sujet à propos duquel beaucoup trop d'idées fausses circulent sans grande réaction. Une conférence de presse a donc eu lieu ce 9 mai pour aborder ce thème en liaison avec les migrations, occasion également pour les États Généraux des Migrations de se faire mieux connaître.
Les EGM sont en effet apparus en novembre 2017, suite à un courrier de juin adressé au Président de la République à propos d'une demande de création d'un cadre de concertation avec la société civile sur ses politiques migratoires. C'est ce courrier signé par 470 organisations et demeuré sans réponse qui a en fait lancé les États Généraux des Migrations; soit une mobilisation nationale avec des contacts européens, en faveur d'une politique migratoire plus solidaire. En Franche-Comté, l'Assemblée locale Franche-Comté Sud des EGM a regroupé 27 associations militantes et citoyennes dont le CCFD, le CDDLE, La LDH, le MRAP, Terres des Hommes, RECIDEV, SOLMIRE, Welcome- Franois, Welcome aux buis.
Construire là où les politiques migratoires détruisent
De ce refus de dialogue est née la volonté de collecter des observations sur les conditions réelles d'accueil et de tri des migrants. Ainsi peu à peu 1500 collectifs et associations locales ont participé à une consultation cherchant à démontrer que des alternatives existent et à construire là où les politiques migratoires actuelles détruisent. Ainsi 106 cahiers de doléances ont été rédigés. Parus au printemps 2018 leurs préconisations se retrouvent condensées dans un Manifeste constituant le « socle commun pour une politique migratoire respectueuse des droits fondamentaux et de la dignité des personnes » finalisé en juin 2018 à Montreuil lors de la première session plénière des EGM. Une synthèse des cahiers de doléances a donné lieu ensuite à la publication du « Cahier des faits inacceptables» et du « Cahier des alternatives ».
Interpeller l'Union Européenne pour faire face à la crise de l'accueil
Aujourd'hui les États Généraux des Migrations en France présentent ces cahiers aux candidats aux élections européennes et leur proposent de signer 12 engagements qui en résultent. Ces engagements concernent un accueil digne, l’arrêt de l’externalisation des frontières, la suppression du Règlement de Dublin et proposent une approche construite sur la défense de droits humains comme la liberté de circulation et d’installation et des alternatives souhaitables dans un contexte mondialisé et sur un territoire où les migrations ont toujours constitué une richesse. Tout citoyen peut également prendre position en ligne
En date du 13 mai 132 candidats aux élections européennes de 6 listes différentes ont signé et pris en compte ces engagements... et la campagne se poursuit tout comme l'interpellation d'autres candidats... A cette occasion il est bon de rappeler que le fait migratoire qui divise tant nos gouvernements européens ne représenterait aucun problème s'il était partagé et assumé de façon solidaire puisque les demandeurs d'asile ne représentent que 0,2% de la population européenne et que de ce fait la crise véritable n'est pas migratoire mais bien plutôt une crise de l'accueil.
Abroger le règlement Dublin
Actuellement la seule harmonisation du droit d'asile entre les pays membres de l'UE est représentée par le règlement Dublin qui est en train de la faire éclater en mettant à mal la solidarité nécessaire à sa survie. C'est en cela entre autres, que défendre les migrants signifie également sauver l'Europe.
En effet imposer au premier pays d'entrée dans l'UE , comme le permet le règlement Dublin, la seule responsabilité de la gestion de la demande d'asile des personnes migrantes explique la montée des extrêmes dans certains pays. Il apparaît clairement que ce ne sont pas les migrants qui sont responsables de l'arrivée de Salvini au pouvoir en Italie mais bien ce règlement discriminatoire. Depuis, Savini lutte à sa manière contre ce règlement et change les règles qui imposaient jusqu’à présent de débarquer dans des ports italiens les naufragés recueillis par les navires de l'opération Sophia dans sa lutte contre les passeurs. Ainsi les ports italiens sont ils désormais fermés aux migrants et les opérations de sauvetage en mer arrêtées jusqu'à la fin septembre 2019.
Si de son côté notre Président s’est indigné du traitement des migrants détenus en Libye, et des marchés aux esclaves en feignant de découvrir leur existence alors que des ONG en faisaient état depuis plusieurs années, il n'a pour autant jamais envisagé de renoncer à financer les « autorités » libyennes "habilitées" à retenir les migrants. Il a ainsi fermé les yeux sur les violences et les trafics pour en venir même à offrir 6 bateaux aux gardes côtes libyens pour soutenir la lutte contre l’émigration clandestine et le terrorisme alors qu'avant seule l'Italie équipait la marine lybienne.
De son côté Victor Orban, au pouvoir depuis 2010, oblige désormais les Hongrois en contrepartie de son rejet des migrants, à faire des heures supplémentaires qui ne leur seront payées que dans un délai de 3 ans (!). Cette mesure s'est bien prise en Europe et touche bien la précarisation de l'emploi en vigueur dans l'UE.
Face à ce risque de désintégration de la solidarité européenne il serait bon de construire un système mettant en place des conditions égales d'accueil dignes et qui garantisse aux demandeurs et demandeuses d'asile les mêmes chances d’obtenir une protection partout en Europe en tenant compte de leurs choix, déterminés par leurs attaches familiales, et leurs projets tout en en leur assurant une formation linguistique sérieuse favorisant leur intégration.
La crise migratoire et notre mode de développement
Force est de constater que tant que nous continuerons à percevoir le problème migratoire comme étant situé à part, en dehors de notre système de gouvernance politique, économique et social en Europe comme dans nos relations avec les pays du Sud et du reste de la planète, nous ne trouverons pas de solutions pérennes aux migrations. En effet, qu'elles soient provoquées par des persécutions dites politiques ou d'origine économique ou climatique, toutes les causes de ces mouvements de populations sont inextricablement liées. Pour que les migrants puissent rester chez eux , il faudrait qu'ils puissent y vivre dignement ; or il n'est pas sûr que nous y contribuions vraiment.
On ne peut sans cesse vouloir minimiser les conséquences de nos choix de développement, refuser de s'attaquer aux causes de ces migrations et penser « en même temps » que la situation changera. On ne peut plus sans cesse attendre qu'une augmentation de la sécurisation des frontières « endiguera ces flux » grâce à une construction de murs aussi illusoire qu'excessivement coûteuse.
Ces sommes considérables gaspillées pourraient être investies autrement et permettre un développement bien compris dans les pays d'origine de ces candidats à l'exil afin de promouvoir avec eux de réelles et ambitieuses politiques multilatérales de coopération et d’éducation.
Les catastrophes humaines auxquelles nous assistons sur nos écrans de télévision ne se font pas en marge de notre mode de développement et nous ne pouvons plus ne pas le savoir. Il faudrait aussi évoquer le travail détaché ou l'augmentation des frais d'inscription payante à l'université pour les étudiants étrangers en France ... En bref repenser une politique migratoire plus positive au sein de l'UE.
Changer l’ordre des choses et l’ordre du monde
Il est urgent de s’attaquer aux facteurs qui poussent les migrants à quitter leur pays et qui les précarisent quand ils arrivent en Europe : corruption, pillage des ressources naturelles, mal-développement, exploitation des plus faibles, conditions de travail et de vie dégradantes.
Il nous revient de plus en plus en tant que citoyens de prendre charge des initiatives sur ce thème comme sur d'autres que nos gouvernants délaissent tant le maintien du statut quo et de leurs prérogatives reste leur seule obsession, leur « seule alternative ». Ce diktat génère pourtant surtout un désarroi dans nos sociétés mondialisées. Il nous revient d'insister sur les alternatives de solidarité à l'occasion de ces élections européennes en luttant aussi contre l'abstention afin d'éviter une entrée individualiste progressive dans une époque post-démocratique quelque peu inquiétante.
Actuellement les associations rassemblées dans les États Généraux des Migrations à Besançon et en Franche Comté continuent leur travail quotidien pour un accueil digne des demandeurs d'asile comme des mineurs étrangers isolés ; elles protestent contre certaines pratiques illégales de la Préfecture du Doubs reconnues par le tribunal administratif tout comme la fermeture de certaines municipalités sur le sujet et soutiennent à partir de leurs pratiques que des alternatives existent.
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