Cachez tous ces migrants que je ne saurais voir !

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Si au Conseil municipal du 12 décembre une majorité de conseillers se sont opposés avec raison à la motion  produite par les Républicains " Pour fixer les conditions d'accueil des réfugiés à Besançon"  comme ils s'étaient opposés lors du précédent conseil à la charte du FN  "Ma commune sans migrants", on peut constater cependant que cela n'a pas empêché la voirie municipale de Besançon d'aménager de nouvelles vasques et autres obstacles à toute nouvelle implantation de tente à Chamars sous l'ancien corps de garde après que le TA eut enjoint la Préfecture de loger ceux qui y dormaient dans le froid....à la vue de tous.

Stratégie de survie contre stratégie médiatique

Seule une procédure de référé a permis qu'une ordonnance du Tribunal Administratif mette à l'abri cette famille et au juge de rappeler qu'aux termes de l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence » et qu'en l'espèce on ne pouvait que relever « une carence caractérisée des services de l’État dans la mise en œuvre du droit à l'hébergement d'urgence constituant une atteinte grave et manifestement illégale à ce droit », ce qui l'a amené à enjoindre le Préfet du Doubs de trouver un hébergement pour cette famille dans un délai de 24 heures (qui se trouve aujourd'hui dans la banlieue de Montbéliard)... Sans ce référé que ce serait-il passé ?

Précisons que cette famille, demandeuse d'asile, dont le prochain rendez-vous en Préfecture est fixé au début janvier n'avait d'autre ressource pour attendre cette date, le 115 étant saturé, que de dormir à la rue par les températures négatives actuelles. « Stratégie médiatique ! » observa le représentant de la Préfecture avec cynisme au TA, « Plutôt stratégie de survie ! » rétorqua l’avocat de la famille.

Bref si les migrants relèvent d'une intervention de l'État, la salubrité publique relève bien, elle, de celle de la Municipalité et on peut se féliciter en l'espèce d'une belle coordination entre Préfecture et Mairie dans cette opération au risque de voir la lisibilité de la position municipale contre les motions précitées devenir un peu floue.

Un climat de « désaccueil »

Certes la mairie agit. Elle mène  sa politique mais en silence...sans avancer de motions irrecevables, fondées sur une suspicion systématique des immigrés qui autorise leurs auteurs à s'arroger des fonctions, comme celle de l'OFPRA, qu'ils n'ont pas. Toutefois au delà des débats et de retour dans la réalité, quel sens compréhensible la ville offre-t-elle à nos concitoyens à travers cette réactivité de la voirie ? Et en définitive quelle différence de fond instaure-t-elle vraiment avec ces motions lues en conseil municipal, discutées et rejetées avec tant de vigueur ???

En fait toute une palette graduée du « désaccueil » circule et s'exprime, des teintes les plus vives aux plus diluées, et aujourd'hui si la famille sous la tente a disparu, qu'a-t-on vraiment résolu sur le fond en transformant le corps de garde de Chamars en entrepôt pour vasques à fleurs municipales ?

Rappel de quelques faits réels

Juste un rappel face à la tartufferie ambiante : « La France est l’un des pays européens où les chances d’obtenir l’asile sont les plus faibles : en 2015, elle a rejeté 67% des demandes, contre 47% en moyenne en Europe. C’est le 25ème pays en termes de taux d’octroi » selon le centre Primo Levi qui vient de sortir un rapport significatif : "Persécutés au Pays et déboutés en France"

Par ailleurs il n'est pas inutile de rappeler les termes de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, référence internationale du droit d’asile, qui considèrent que la qualité de « réfugié » doit être reconnue à toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ». Ce ne sont donc pas simplement les opinions politiques des demandeurs qui sont concernées et cette convention touche les demandeurs de toute provenance et pas seulement des pays en guerre.

Réquisition ?

A Besançon pendant ce temps il existe des appartements d'une grande superficie, vides depuis des décennies. Chacun en connaît au centre ville. la Mairie et la Préfecture peuvent là aussi agir de concert pour subvenir à l'état d'urgence dans lequel se trouvent ces personnes en détresse sociale, à la rue; force est de constater qu'elles ne le font pas ; il y en a sans doute encore mais tant qu'on ne les voit pas... : « Cachez tous ces migrants que je ne saurais voir. Par de pareils plaideurs, les âmes sont blessées, Et cela fait venir de coupables pensées. » (d'après Molière).

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