« Affaire Youssoupha » : pourquoi tant de haine ?

Dans le cadre de la compétition nationaliste de football Euro 2021, le rappeur Youssoupha, connu depuis longtemps pour ses engagements antiracistes, a écrit la chanson de présentation de l’équipe de France.

Depuis cette annonce, la fachosphère française s’est défoulée et acharnée pendant plusieurs jours sur Youssoupha. Si vous pensiez que l’extrême droite allait chercher des solutions pour faire face à la misère et à la crise sanitaire, vous vous trompiez lourdement. En bon bourgeois qu’ils sont, les fascistes ont bien plus important à faire en s’attaquant à deux poids lourds de la culture populaire : le rap et le foot.

La qualité de ce morceau de rap est assez médiocre selon moi. Pourtant ce n’est pas la musique en elle même que l’extrême droite a matraqué dans les médias dominants.

Alors sur quoi se base cette polémique inutile ?

Pour commencer, les réactionnaires en tout genre reproche à Youssoupha la fameuse « affaire Zemmour », où les médias rabâchent depuis dix ans cette même phrase sortie de son contexte.

« A force de juger nos gueules les gens le savent

Qu’a la télé souvent les chroniqueurs diabolisent les banlieusards

Chaque fois qu’ça pete on dit qu’c’est nous

J’mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Eric Zemmour »

Malgré une belle rime riche en 3 syllabes et des assonances, Eric Zemmour, amoureux de la langue française, porte plainte pour menace de mort.

Youssoupha avait gagné son procès en appel en 20121, la justice avait affirmé que les propos du rappeur "n'excédaient pas les limites admissibles en matière de liberté d'expression artistique".

La cour avait relevé, par ailleurs, que le rap est "un style artistique permettant un recours possible à une certaine dose d'exagération".

Affaire conclue ? Pas pour l’extrême droite haineuse et revancharde, qui essaie d’autres malhonnêtetés intellectuelles comme lorsqu’elle parle de cette ligne tirée du titre « Éternel recommencement »2:

« J’mélange mes fantasmes et mes peines,

comme dans ce rêve où ma semence de nègre fout en cloque cette chienne de Marine Le Pen » 

La phrase est violente et percutante, sortie de son contexte c’est encore pire. Le rappeur dit ici qu’il mélange ses fantasmes et ses peines, ce qui donne une phrase comme celle la. Ses fantasmes étant d’avoir un enfant et ses peines sont représentées par Marine Le Pen. D’accord c’est violent, ça fait mal aux oreilles de la petite bourgeoisie ou du beauf de service, mais bon c’est du rap !

Les médias capitalistes et les politiciens seraient moins choqués s’ils s’intéressaient plus souvent à nos classes populaires et à notre culture.

Autre phrase retirée de son contexte, et qui est la pire sournoiserie intellectuelle tentée par les détracteurs de Youssoupha :

« J'en veux aux blancs, cyniques et condescendants
Qui pensent que le monde ne se voit qu'à travers les yeux de l'occident
J'préfère répéter que je suis noir comme ça y'a pas de risque
Qu'ils disent un jour que j'étais blanc comme ils l'ont dit du Christ »

Ces lignes sont tirés du titre « L’enfer c’est les autres »3, Youssoupha aborde de manière cru les clichés qui circulent dans notre société.

Le morceau dans son ensemble est une dénonciation du racisme et du communautarisme.

En fait, ce titre est surtout un défouloir pour le rappeur qui écrit son blues et dit en vouloir à la terre entière. Cet extrait que j’ai sélectionné représente bien la couleur du morceau :

« J'en veux aux huissiers qui nous bougent, au blues de nos mamas
J'en veux à Mobutu, à Bush, à Barack Obama
J'en veux à Osama, à BHL, à Benoît XVI
J'en veux au monde entier, y'a que mon pe-ra qui m'apaise »

Retirer cette phrase de son contexte (« J’en veux aux blancs ») pour traiter le rappeur de raciste est une attaque vraiment basse, à l’image de ce que fait l’extrême droite en général ( https://www.factuel.info/blog/enlevement-denfant-tentative-de-meurtre-tags-nazis-et-mauvais-gout-actualite-de-lextreme-droite-locale).

Soit le RN/FN est sournois et vicieux, et cela n’étonnera pas grand monde.

Soit cette soi-disant « élite » politique et intellectuelle n’est pas capable de comprendre une chanson que nos ados comprennent facilement.

A l’image de Michel Onfray qui profite de « l’affaire » pour qualifier Yousssoupha « d’islamo-gauchiste ».

Un terme qui fait froid dans le dos, nous rappelant le « judéo-bolchévique » des années 1930. Surtout un terme qui, encore il y a 10 ans, était uniquement utilisé par les groupes fascistes les plus violents et les plus groupusculaires.

En 2021, les mots inventés par des néonazis des années 2000 se retrouvent dans la bouche d’un philosophe bourgeois très médiatique.

En conclusion, « l’affaire Youssoupha » n’a pas lieu d’être, tout comme les nombreuses autres polémiques qui ont déjà existé pour s’attaquer au rap français.

Ce même rap français qui a fusionné depuis presque 30 ans avec la culture littéraire française, qui vend le plus d’albums et de téléchargements qu’aucun autre style, qui porte la voix des plus précaires, qui fédère nos classes populaires, qui véhicule des valeurs tout aussi populaires,…

D’ailleurs le football est aussi fédérateur comme cette équipe de France métissée. Elle est un cauchemar pour le RN/FN et ses électeurs racistes.

S’attaquer à Youssoupha était encore une manière pour les riches réactionnaires de s’attaquer à nos classes populaires et à notre culture.

Loral Aitken, spécialiste des ultra-riches et des violences bourgeoises.

1 https://www.lemonde.fr/societe/article/2012/06/28/eric-zemmour-perd-son-proces-en-appel-contre-le-rappeur-youssoupha_1726665_3224.html

2 Eternel recommencement, Youssoupha: https://www.youtube.com/watch?v=uy09xPP849Q

3 L’enfer c’est les autres, Youssoupha: https://www.youtube.com/watch?v=__r1nSYFjAc

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