A Teleperformance, les robots ordonnent à l’humain comment penser et ressentir !

Cet article explique comment les émotions de tous les clients qui appellent un service client vont être analysées, stockées, sans leur consentement, dans des pays hors de l’union européenne, à des fins commerciales ; mais pas que probablement ? Si vous appelez votre service client ORANGE, EDF, LIDL, VEOLIA, BNP, GROUPAMA, ENGIE..., vos émotions et vos personnalités seront peut être bientôt fichées, ces groupes étant tous sous traités en partie par Teleperformance qui propose cette nouvelle offre à ses clients.

L’œil de Moscou aux portes de nos maisons !


Il fut un temps où les dénonciations de Edward SNOWDEN faisait scandale au point d’obliger cet ex agent de la CIA et de la NSA à se réfugier à l’étranger. La NSA avait alors été accusé de capter les moindres mots dans les conversations téléphoniques, sur les répondeurs vocaux, de mettre en place des systèmes d’écoute sur internet permettant la surveillance des réseaux sociaux, du contenu des mails, des conversations WhatsApp. Aujourd’hui, la société Teleperformance met en place un système quasi similaire pour l’ensemble de ses salariés en France, en toute transparence et cela dans l’indifférence médiatique la plus totale. Il semble que surveiller les salariés à ce haut niveau de degré soit passé dans les mœurs.

Teleperformance vous observe !


Avec deux de leur logiciel nommés "TP interact" et "TP observe", la société entend intervenir en temps réel sur l’ordinateur du salarié afin de lui donner des directives.

Elle parle d’analyse prédictive et entend analyser les émotions des conseillers clientèles et des clients en temps réel afin de prévoir-prédire les réactions humaines du client et du conseiller clientèle.

Non il ne s’agit pas d’un résumé du film "Minority Report" mais bel et bien d’une réalité que l’actionnaire principal Daniel JULIEN, deuxième fortune du CAC 40, a défini comme axe principal et stratégique pour les années 2019-2022. Pour la société Teleperformance, cet axe de travail est une valeur ajoutée lui permettant de fidéliser ses clients actuels et d’en acquérir de nouveaux via cet atout présenté comme différenciant. Pour ce faire, la société a fait appel à la technologie de Call Miner devenu son sous-traitant en la matière.
Call Miner aurait développé des paramétrages qui permettent de faire apparaître des pop-ups sur l’écran du conseiller clientèle quand celui-ci est en conversation avec le client. Selon nos sources, cela donnerait des pop-ups tels que :
  • Vous ne parlez pas assez vite, augmentez votre débit de voix !
  • Vous parlez trop vite, baissez votre rythme
  • Soyez plus gentils avec votre client
  • Excusez-vous auprès de votre client
  • Dis merci à ton client, tu n’as pas assez dit merci
Le syndicat le plus représentatif de Teleperformance, SUD, s’en est indigné par tract le 27 février 2020, titrant : "intelligence artificielle pour nous fliquer, big brother is watching you"

Le robot vient dire à l’humain comment se comporter humainement et entend lui dicter des règles d’humanité

Les émotions d’un salarié deviennent donc un indicateur supplémentaire à surveiller et à contrôler. Elles sont évaluées en fonction de normes d’expressions standardisés par l’outil informatique, c'est à dire par un robot, par l’intelligence artificielle, et cela indépendamment de la diversité des personnalités.

Il s’agit de surveiller la personnalité du client ...

... et la personnalité du salarié, accroissant ainsi l’exigence émotionnelle du salarié par une forme de standardisation des règles de sentiments désincarnés. Par le fait, l’intelligence artificielle viendra changer les procédures de travail. Des enregistrements sont programmés sur une période de plusieurs mois,

et l’outil analyse les mots utilisés, mais également les attitudes, les émotions, les silences, etc.

Les résultats des analyses se présentent sous forme de scores pour différents indicateurs, des scores qui pourront être en contradiction avec les évaluations écrites des superviseurs « humains ».

Le robot devient le chef suprême de la relation client et édicte les règles humaines à suivre, une inversion inquiétante.

Après le script très contraignant du discours en centre d’appel, le script des émotions fait son apparition.
Aux états unis, ces types de logiciels sont très décriés car ils ne distinguent pas la diversité des accents si différents d’un état à l’autre, et génèrent par le fait des injonctions incohérentes. A Belfort, les superviseurs sur EDF et LIDL doivent déjà traquer les bruits de fonds en télétravail et les indiquer dans une grille d’écoute tracabilisée dans le dossier informatique des salariés. Ces derniers craignent logiquement que ce logiciel soit mis en place prochainement pour s’introduire dans les foyers en télétravail et ainsi reprocher aux télétravailleurs le bruit des enfants ou des voisins, la venue d’un facteur qui toque à la porte… Selon les paramétrages, les commentaires robotiques sont également susceptibles de déterminer le montant de la prime du salarié. En effet, les salariés y sont notés comme à l’école, et de cette notation découle une prime dite : « rémunération variable ».

Pour ce faire, Teleperformance n’entend pas recueillir le consentement des salariés, ni celui des clients, et invoque l’intérêt légitime de la profession.

Jamais le client ne sera informé que ses émotions vont être analysées et stockées.
Les données seront conservées et analysées dans des data centers situés en dehors de l’union européenne, et cela pour une durée conséquente. Cela signifie donc que des pays en dehors de l’union européenne géreront des données personnelles de salariés et de clients de tous les pays d’Europe appelant un service client, que leurs émotions seront analysées de manière intrusive.

Manifestement le président du conseil d’administration des actionnaires de Teleperformance : Philippe DOMINATI, sénateur les républicains, n’y voit aucun inconvénient.


Et que fera Teleperformance de l'analyse des émotions et des personnalités de tous ces clients qui appellent les services clients dans le monde entier, puisque cette entreprise est le leader mondial des sous traitant en centres d'appel ?

Quel traitement ? Les données seront-elles utilisées uniquement à des fins commerciales ? Seront-elles revendues à des tiers ? On peut légitimement se poser la question puisque l'entreprise refuse de recueillir le consentement des clients et des salariés, et refuse d'informer les clients.

Consulté sur ce projet, les élus du personnel de Teleperformance ont voté à l’unanimité le recours à une expertise. S’en est suivi un vote favorable à l’unanimité contre l’utilisation de ces logiciels.

Teleperformance a fait le choix de ne respecter ni l’avis des élus du personnel, ni celui de l’expertise, ni les recommandations préconisées par ces deux entités.

Focus sur l’expertise

L’expertise a fait part de grandes difficultés dans l’exercice de sa mission. Teleperformance y est décrit comme peu coopératif et peu transparent.

L’expertise note par exemple que le projet souligne essentiellement le « pour quoi » d’un tel logiciel mais pas le « comment ».

Or, c’est dans le « comment » que l’impact sur les conditions de travail est rendu visible. L’expertise fait part également de difficultés dans la diffusion d’un questionnaire destinés aux collaborateurs, sur le sujet de ces logiciels. La société Teleperformance a tout fait pour limiter la participation à ce questionnaire :
  • en ne le rendant accessible que sur une courte période d’une semaine
  • en pleine vacance d’été
  • sur un temps de réponse relativement court
  • et avec (comme par hasard) d’énormes difficultés techniques pour se connecter à la plateforme du questionnaire digital.
Malgré toutes ces contraintes, ce sont plus de 300 personnes qui ont participé à l’enquête avec un bon millier de verbatims, c’est dire l’envie des salariés d’absolument s’exprimer sur le sujet.
Une motion du CSE, votée à l’unanimité le 27 aout 2020, souligne :
« la très forte expression de mal-être en lien avec des conditions d’exécution de l’activité quotidienne rythmée par un process ultra contrôlé, une autonomie quasi nulle ainsi qu’une exigence permanente à la tenue des objectifs ». La motion renchérit sur le fait que l’expertise préconise « de revoir la prévention des risques professionnels et les modalités d’exécution de l’activité des personnels concernés et profiter de l’introduction de ces nouveaux outils pour revisiter la culture d’entreprise et la QVT [Qualité de vie au travail] (et bien intégrer les facteurs de risques psychosociaux). En effet, comme le rappel le Code du travail (article L.4121-1), tout projet doit améliorer les conditions de travail.»
Dans une autre motion votée à l’unanimité le 23 septembre 2020, les élus du personnel expliquent que :
l’expertise « montre en effet que l’activité des téléconseillers est soumise à de fortes contraintes : rythme de travail intensif, exigences émotionnelles, manque d’autonomie, contrôle continue des performances, activité statique et répétitive réalisée dans des ambiances bruyantes, stressante etc. C’est un travail qui cumule de nombreux facteurs de risque psychosociaux. L’ajout d’outils de contrôle des salariés risque d’accroitre ces contraintes et d’affaiblir les salariés.Ce projet est de nature à détériorer les conditions de travail des salariés. En outre, aucune évaluation des risques n’a été réalisée permettant la mise en place de mesure de prévention adéquate. »
Mais Teleperformance n'entend respecter aucunes de ces préconisations et met en place ses logiciels d'intelligence artificielle, bon gré mal gré.

Dans un silence inquiétant, le robot vient tout doucement prendre la place de l’être humain.

Les sociétés de centre d’appel « B2S » et « Comdata » semblent être les principaux concurrents de Teleperformance en la matière.
I-robot, c’est peut-être pour très bientôt !  

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