Paris, 17 octobre 1961, 20h30. À cinq mois de la fin de la guerre d’Algérie, des dizaines de milliers d’Algériens, hommes, femmes et enfants, manifestent pacifiquement contre le couvre-feu qui leur est imposé, sur une base discriminatoire, par le préfet de police Maurice Papon, sur ordre de Michel Debré, premier ministre, hostile à l’indépendance de l’Algérie.
La répression est d’une violence inouïe : onze mille personnes sont raflées, brutalisées et détenues dans des camps improvisés ; certaines sont refoulées en Algérie. Plusieurs centaines sont «noyées par balles» dans la Seine. Pourtant, le lendemain, les rapports officiels ne font état que de deux morts.
Aujourd'hui, 60 ans après ces exactions, la France n’a toujours pas reconnu sa responsabilité dans ce crime d’État que constitue le 17 octobre 1961. Pourtant, Jean-Luc Einaudi a bien parlé de « massacre » dans une tribune publiée dans Le Monde le 20 mai 1998, et si le préfet Papon l'a poursuivi à l'époque pour diffamation à cause de ce mot, il a été débouté de sa plainte et le terme de "massacre" a bien été considéré comme légitime par le tribunal.
Pourtant aujourd'hui, alors que nous célébrons le 60ème anniversaire de ce massacre, crime d’État non reconnu, le nombre de victimes reste encore une énigme officielle.
On ne construit pas une démocratie sur des mensonges et des occultations. Après plus d’un demi siècle, il est temps :
- Que le Président de la République, au nom de la France confirme, par un geste fort, la reconnaissance et la condamnation de ce crime d’État. Comme il l’a fait en septembre 2018 pour l’assassinat de Maurice Audin, et en mars 2021 pour celui de maître Ali Boumendjel par l’armée française et pour un système de torture généralisé. Cette reconnaissance doit s’étendre aux milliers d’Algériens qui en ont été victimes ,
- Que l’État français reconnaisse sa responsabilité dans l’internement arbitraire, pendant la guerre d’Algérie, d’Algériens dans des camps ,
- Que la liberté d’accès aux archives soit effective pour tous, historiens et citoyens,
- Que la recherche historique sur ces questions soit encouragée dans un cadre franco-algérien, international et indépendant ,
- Qu’une loi de réparation soit mise en œuvre.
Aujourd’hui, 17 octobre 2021, nous ne pouvons assister à cette montée en puissance de l’islamophobie sans rien dire, qui n’est plus le seul fait de l’extrême droite et gangrène la droite et le pouvoir en place.
La récente déclaration du Président de la République à propos de l’Algérie, montre qu’il tente de remettre le débat de ce pays sur la scène politique française, à des fins électorales, dans une approche faite de surenchères et de populisme. Ce jeu extrêmement dangereux, en paroles pour l’instant, peut se traduire par des actions très violentes, par d’autres 17 octobre 1961.
Aujourd'hui, 17 octobre 2021, nous saluons la mémoire et le travail de Jean-Jacques Boy, décédé en janvier dernier, militant infatigable des droits du peuple algérien, et en particulier des victimes du 17 octobre 1961 à Paris. Jean-Jacques est à l'origine de ce rassemblement annuel sur le pont Battant où l'an dernier il fit ici-même, sa dernière apparition publique. Nous ne l'oublions pas et nous rendons lui hommage.
Rassemblement dimanche 17 octobre 2021 à 17 heures Pont Battant à Besançon
Ceux qui ont amené une fleur, la jetteront dans le Doubs, en hommage aux victimes du crime d’État non reconnu du 17 octobre 1961, et en hommage à Jean Jacques BOY.