« Le ministère de l’Intérieur n’a pas à mettre au pas les journalistes qui couvrent des manifestations »

Le Syndicat national des journalistes ne mâche pas ses mots après l'adoption du Schéma national du maintien de l’ordre : « Sous Christophe Castaner, la liberté de la presse a été sérieusement piétinée avec plus de 200 journalistes empêchés de travailler par les forces de police et de gendarmerie. Gérald Darmanin, lui, propose carrément aux journalistes couvrant les manifestations de se mettre au pas ! » Avec la Ligue des droits de l'homme, le SNJ a attaqué en référé le SNMO devant le Conseil d'Etat.

Principale organisation de la profession, le Syndicat national des journalistes a réagi vivement à la publication du nouveau Schéma national du maintien de l'ordre décidé par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Voici l'intégralité de son communiqué :

« Le ministère de l’Intérieur vient de se doter d’un Schéma national du maintien de l’ordre (SNMO). Si ce document constitue une première et réaffirme la nécessité de garantir la liberté de manifester, il y a lieu de s’interroger sur un certain nombre de dispositifs notamment en matière d’information, de liberté de la presse et de protection des journalistes. Ce qui commence à faire beaucoup.

Schéma nationale du maintien de l'ordre : morceaux choisis sur les journalistes

2.2 Il est nécessaire d’assurer une prise en compte optimale des journalistes et de protéger ainsi le droit d’informer. Cette collaboration doit être fondée sur une meilleure connaissance mutuelle et doit favoriser le travail des journalistes mais également la bonne conduite des opérations de maintien de l’ordre.
2.2.1 La nécessité de préserver l’intégrité physique des journalistes sur le terrain est réaffirmée. Eu égard à l’environnement dans lequel ils évoluent, les journalistes peuvent porter des équipements de protection, dès lors que leur identification est confirmée et leur comportement exempt de toute infraction ou provocation.
2.2.2 Un officier référent peut être utilement désigné au sein des forces et un canal d’échange dédié mis en place, tout au long de la manifestation, avec les journalistes, titulaires d’une carte de presse, accrédités auprès des autorités.
2.2.3 Il sera proposé la réalisation d’exercices conjoints permettant aux forces d’intégrer la présence de journalistes dans la manoeuvre et à ces derniers de mieux appréhender les codes et la réalité des opérations de maintien de l’ordre en environnement dégradé.
2.2.4 Concomitamment, il sera proposé aux journalistes des sensibilisations au cadre juridique des manifestations, aux cas d’emploi de la force et notamment aux conduites à tenir lorsque les sommations sont prononcées, ainsi qu’aux dispositions du SNMO.
Il importe à cet égard de rappeler que le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes ou de membres d’associations. Dès lors qu’ils sont au coeur d’un attroupement, ils doivent, comme n’importe quel citoyen obtempérer aux injonctions des représentants des forces de l’ordre en se positionnant en dehors des manifestants appelés à se disperser.
3.5 Une stratégie de communication opérationnelle au plus près des acteurs. Les opérations d’ordre public, en raison de leur complexité grandissante mais également de l’environnement médiatique dans lequel elles s’inscrivent, doivent faire l’objet d’une communication externe dynamique, destinée à expliquer l’action de l’État, à rétablir les faits et à lutter contre les fake news.
3.5.3 L’embarquement de journalistes au plus près des forces est également possible.

Le SNMO affirme « la nécessité d’assurer une prise en compte optimale des journalistes », « de protéger ainsi le droit d’informer », et « la nécessité de préserver l’intégrité physique des journalistes sur le terrain ». Ça va mieux en l’écrivant, non ? Rappelons que, sous Christophe Castaner, la liberté de la presse a été sérieusement piétinée avec plus de 200 journalistes empêchés de travailler par les forces de police et de gendarmerie. Gérald Darmanin, lui, propose carrément aux journalistes couvrant les manifestations de se mettre au pas !

Ainsi, le ministre de l’Intérieur « propose la réalisation d’exercices conjoints permettant aux forces d’intégrer la présence de journalistes dans la manœuvre et à ces derniers de mieux appréhender les codes et la réalité des opérations de maintien de l’ordre en environnement dégradé » et « des sensibilisations au cadre juridique des manifestations, aux cas d’emploi de la force et notamment aux conduites à tenir lorsque les sommations sont prononcées, ainsi qu’aux dispositions du SNMO. » Depuis quand il revient au ministère « d’éduquer » les journalistes ? Pourquoi ne pas leur tenir le stylo ou la caméra pas dessus le marché !

Si le SNMO autorise « les journalistes à porter des équipements de protection », le document restreint dans le même temps la qualité de journaliste professionnel aux seuls titulaires de la carte de presse ! En France, c’est la loi qui détermine le statut du journaliste ; pas la carte de presse.

Le Syndicat National des journalistes (SNJ), première organisation de la profession, estime que le ministre de l’Intérieur bafoue ouvertement la liberté de la presse. La Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg rappelle, et sans ambiguïté : « Les médias jouent un rôle crucial en matière d’information du public sur la manière dont les autorités gèrent les manifestations publiques et maintiennent l’ordre. En pareilles circonstances, le rôle de ''chien de garde'' assumé par les médias revêt une importance particulière en ce que leur présence garantit que les autorités pourront être amenées à répondre du comportement dont elles font preuve à l’égard des manifestants et du public en général lorsqu’elles veillent au maintien de l’ordre dans les grands rassemblements, notamment des méthodes employées pour contrôler ou disperser les manifestants ou maintenir l’ordre public. En conséquence, toute tentative d’éloigner des journalistes des lieux d’une manifestation doit être soumise à un contrôle strict. »

► Le SNJ relève que ces dispositions ont été prises sans aucune concertation avec les représentants de la profession.

► Le SNJ demande à M. Gérald Darmanin où en sont les plaintes de journalistes et les signalements à l’IGPN ? Son prédécesseur s’était engagé, publiquement le 11 décembre 2018, « à traiter ces plaintes et signalement avec la plus grande célérité ».

► Le SNJ rappelle au ministre que la liberté de la presse est constitutionnelle et inconditionnelle. »

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