Une reconnaissance symbolique importante

Depuis une vingtaine d’années, la prise en charge des personnes dépendantes est inscrite dans l’agenda politique de la plupart des pays de l’Union européenne. En France le débat s’est longtemps cristallisé autour de la prestation à accorder aux aidés. Cela s’entend, mais cela explique également, largement, que la question des aidants proches ait été occultée jusqu’à maintenant. La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, qui entre en vigueur en ce début d’année, prévoit à la fois la reconnaissance de l’existence des aidants et un droit au répit. Cette reconnaissance symbolique, le fait de les nommer dans la loi, à défaut de résoudre toutes les difficultés, est importante. Quant au droit au répit, il se concrétise par une aide pouvant atteindre 500 euros par an pour le financement ponctuel d’un hébergement, d’un accueil de jour ou d’un renforcement de l’aide à domicile. Il est également prévu de financer un dispositif d’urgence en cas d’hospitalisation de l’aidant – situation relativement fréquente. Cette reconnaissance symbolique et financière est d’autant plus nécessaire que le projet de loi fait le choix d’investir sur le maintien à domicile des personnes âgées, ce qui suppose une aide toujours disponible.

Or, il faut s’attendre à une baisse du nombre des aidants potentiels à l’horizon de 2040, notamment en raison de l’augmentation du taux d’activité des seniors, principalement des femmes seniors, en première ligne pour l’aide aux personnes âgées dépendantes. Encore davantage qu’aujourd’hui, il faudra une aide professionnelle pour pouvoir se substituer à l’entourage. Il faudra également que l’activité professionnelle puisse être conciliable avec une activité d’aidant. Car si les aidants ont besoin de professionnels compétents et qualifiés, ils manifestent également le souhait de garder leur indépendance, ne souhaitent pas aboutir à leur professionnalisation dans ce rôle, notamment en raison de l’âge élevé des personnes aidées. Ils veulent d’abord pouvoir bénéficier de formules de conciliation avec leur travail. Autrement dit, ils ont besoin de temps et de trouver un équilibre, entre une implication familiale et une activité professionnelle.

Ainsi, l’enjeu n’est pas uniquement d’avoir les moyens financiers de déléguer le soin de ses proches à des professionnels, fussent-ils bien formés, pendant que l’on travaille davantage, mais d’avoir les moyens temporels d’en prendre soin soi-même. Bien sûr les professionnels sont nécessaires, pas assez nombreux, pas suffisamment considérés et rémunérés, mais tout aussi certainement, il y a une partie de la relation qui ne peut être déléguée à personne, parce que ce qui fait la valeur d’une présence, d’une écoute, d’un échange, c’est sa gratuité, pas son tarif.

Barbara ROMAGNAN

Chronique publiée dans L’Humanité le 11 janvier 2016

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