Une autre répartition du temps de travail

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Loin de la loi travail adoptée par le coup de force du 49-3 à l'Assemblée nationale mardi 10 mai, un collectif a lancé un appel, dans le magazine Alternatives économiques, pour remettre la réduction du temps de travail au cœur du débat. Cet appel s'appuie sur les convictions des signataires qui considèrent que nous devons partager le travail et les richesses afin d'avoir les moyens de vivre décemment ; que nous ne sommes pas uniquement des travailleurs et que notre humanité a besoin de temps libre, de temps bénévole à partager, de temps pour sa famille et ses amis, de temps pour soi, pour se réaliser pleinement. Il s'appuie aussi sur le bilan des 35 heures mises en œuvre en France sous le gouvernement gauche plurielle emmené par Lionel Jospin. Même si tout n'est pas rose, il en ressort de nombreux éléments très positifs : taux de chômage qui passe de 12 à 8% en trois ans et qui concerne toutes les catégories de chercheurs d’emploi, comptes sociaux équilibrés, balance commerciale positive, stimulation de la négociation collective sans précédents, satisfaction de nombreux salariés du fait d'un gain de temps personnel, plus grande implication des pères de jeunes enfants dans la vie de famille, stagnation des temps partiels qui touchent principalement les femmes alors qu’ils augmentent dans le reste de la zone euro.

Depuis 1997, les conditions ont bien entendu changé, et ne pas le prendre en considération nous conduirait à l'échec. Nous ne sommes plus dans la même situation au regard du niveau de la dette, du taux de croissance et de l'intégration européenne. De même, la révolution numérique et l'uberisation changent, dans une certaine mesure, la nature du travail. Il n'est pas toujours exercé dans un même lieu, ni dans un temps déterminé, sa dimension collaborative s'accroît, certaines organisations deviennent moins hiérarchiques (ce qui ne signifie pas pour autant la fin du rapport de subordination).

Plus concrètement, pour partager autrement le travail, encore faut-il pouvoir distinguer ce qui est du travail de ce qui ne l'est pas. Il faut aussi pouvoir compter ce temps passé au travail, et savoir qui effectue le travail. Mais si les conditions de mise en œuvre changent, une autre répartition du temps de travail n'en est pas moins nécessaire et souhaitable, d'une part parce que la révolution numérique, tout en créant de nouveaux emplois, en détruit énormément, – il faudra donc répartir ce qui existe et prendre le temps de se former pour intégrer les évolutions ; d'autre part parce l'aspiration à une vie meilleure pour tou-te-s n'a rien perdu de son actualité.

Barbara Romagnan

Chronique publiée dans L'Humanité du 23 mai 2016

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