Trains régionaux : quelles attentes pour l’usager d’aujourd’hui et de demain ?

La fédération nationale des associations d'usagers des transports de Bourgogne-Franche-Comté a écrit une lettre ouverte aux conseillers régionaux, avant la session de vendredi 25 mai consacrée à la convention TER (trains express régionaux) passée avec la SNCF.

En préambule, la FNAUT rappelle la stratégie de mandat 2016-2021 adoptée par le Conseil Régional et son engagement n°23 : "Développer l'usage du train pour les bourguignons-francs-comtois, en agissant sur trois leviers : une offre de trains plus fournie sur le territoire , une nouvelle gamme tarifaire simple,lisible et dynamique, un titre de transports unique en lien avec les agglomérations".

Elle rappelle également l’enjeu principal de la mobilité dans la région, en particulier pour les jeunes actifs, étudiants ou en recherche d'emplois. Avec des contraintes de plus en plus importantes, le budget consacré à la mobilité (environ un tiers) doit être sacralisé mais pas de n'importe quelle façon.

Pour répondre à cet engagement, il convient d’être ambitieux pour envisager une utilisation aisée, confortable et rapide du TER par les citoyens de la région tout en favorisant un report modal favorable à une mobilité plus écologique. Cette ambition passe d’une part par l’exigence d’une qualité de service concrétisée par un système de bonus/malus imposé à l’opérateur SNCF. D’autre part par le maintien d’une desserte fine du territoire avec pour socle le maillage ferroviaire actuel qu’il convient de sauvegarder pour demain, la délégation de service public pouvant dans certains cas être bénéfique. Enfin, des moyens humains et matériels dans les trains et gares, avec des tarifs attractifs faire face à la concurrence agressive des cars et du covoiturage. Sans oublier une distribution commerciale simple et efficace qui devra prendre en compte le paradoxe d’une dynamisation des gares et l’usage croissant des outils dématérialisés.

1. Les dessertes

L'engagement politique de ne fermer aucune ligne ou de les transférer en mode routier est un acte politique fort. La FNAUT espère que tous les acteurs (SNCF Mobilités et Réseau, Conseil Régional) le tiendront jusqu'en 2025 et au-delà. L’amélioration et l’augmentation de l’offre sur les services annuels 2018, 2019 et 2020 est à remarquer également. La convention TER prend en compte les besoins croissants de mobilité sur la dorsale Rhin Saône de la région (3 allers-retours
(AR) en plus, en moyenne, sur les axes Belfort Besançon Dijon Mâcon) mais aussi sur Dijon Nevers (3 AR rapides en plus). Toutefois, nous déplorons une absence de vision interrégionale de la mobilité. En particulier sur les lignes TER suivantes :

  • Dijon-Bourg en Bresse : Envisager un cadencement aux 2h de 6h à 22h permettrait une correspondance avec les TGV de/pour Genève et TER pour les vallées alpines sans passer par Lyon: diminution du temps de trajet d’une heure entre Dijon et Genève par exemple.
  • Besançon-Lons le Saunier-Lyon : Des trous horaires de mi-journée (exemple entre Lons et Lyon de 10 à 16h: le prolongement d'un TER Belfort/Lons arrivant à 12h jusqu'à Lyon est possible). Les Belfort Lyon (4 AR par jour) mériteraient d’être prolongés vers Mulhouse afin d’assurer des correspondances multiples vers l’Alsace, l’Allemagne et la Suisse. A moyen terme, la FNAUT souhaite que soit étudiée la possibilité d'au moins un A/R par jour Lyon /Mulhouse empruntant la LGV non saturée entre Besançon et Belfort avec des matériels aptes à 200 km/h. Ce service TERGV s'adresserait à une clientèle aujourd'hui délaissée et ne ferait pas concurrence aux TGV Strasbourg/Lyon.
  • Morez St Claude Oyonnax (Lyon) : La fermeture depuis décembre 2017 de cette ligne n'est pas inéluctable. Le lien entre le Haut-Jura et Lyon est tout aussi indispensable pour l'économie locale (Plastic Valley, proximité de Genève) que le lien avec Dijon ou Besançon.
  • Liaison transfrontalière Vallorbe-Frasne-Pontarlier : le flux de circulation routière à la frontière (18 000 personnes quotidiennement) montre la nécessité de mettre en circulation au moins 2 AR supplémentaires entre ces villes afin de répondre aux besoins des frontaliers.
  • Dijon Nevers Tours : le renforcement des TER Dijon Nevers se fera au détriment des liaisons directes Dijon Tours (suppressions annoncées en décembre 2018). Or, ce renforcement pourrait au contraire bénéficier à l’augmentation de la fréquentation de bout en bout par la diminution du temps de parcours envisagée entre Nevers et Dijon.
  • Paray-le-Monial Lyon : les 4 AR quotidiens sont insuffisants, mal répartis dans la journée (aucune arrivée à Paray avant 11:47) et ne bénéficient pas de la rénovation intégrale de la ligne en 2017. Le temps de parcours peut être réduit en relevant la vitesse sans coût.
  • Créer de nouvelles liaisons en partenariat avec Grand Est afin de réduire l’usage de la voiture sur les liaisons: Auxerre Troyes (par car), Dijon Nancy (par train), Nancy-Epinal-Belfort TGV (par train).

Au delà de ces liaisons, 3 axes plus régionaux ont été négligés

  • St Claude /Pontarlier Dole (Dijon) : la grille horaire actuelle est incompréhensible. Elle doit être repensée pour garantir 4 AR Dole St Claude directs avec correspondance à Mouchard pour/de Besançon et à Dole pour/de Dijon. L’usage de petits automoteurs X73500 en unité multiple avec coupe/accroche à Mouchard est indispensable pour clarifier et équilibrer les relations Dole St Claude et Dole Pontarlier. La capacité sera adaptée aux pointes du WE.
  • Lignes du Morvan (Auxerre Corbigny ou Auxerre Avallon) : les objectifs de la refonte de la grille en juillet 2015 deviennent de plus en plus caduques. Les temps de parcours sont augmentés par manque de volonté et sont loin de l’objectif des 2h30 entre Clamecy/Avallon Paris. Il convient de maintenir et développer les liaisons directes avec Paris tout en augmentant l’offre l’été avec des TER touristiques (Canal du Nivernais, Vézelay, Arcy sur Cure...).
  • La desserte périurbaine de Dijon et Besançon ou la valorisation des étoiles ferroviaires : La croissance démographique de ces villes et de leur périphérie doit orienter la région Bourgogne Franche Comté vers un rapprochement avec la métropole de Dijon et l’agglomération de Besançon pour répondre au mieux aux besoins de mobilité des habitants de ces territoires.
  • La création de pôles d’échange multimodaux autour des haltes TER existantes ou à construire doit garantir un passage rapide et efficace vers les tramways, bus urbains et modes doux. D’ici 2025 et la fin de la convention TER, il convient d’ouvrir des haltes au Zénith de Dijon, à Longvic ou au CHU de Besançon. De décaler les haltes de Dijon Porte Neuve (correspondance Tram 1) ou de Neuilly les Dijon (à Crimolois avec parking relais) et de faire de Franois un pôle essentiel à l’Ouest de Besançon. A moyen terme, une réflexion sur un RER dijonnais devrait aboutir au prolongement de liaisons TER actuelles (Exemple: Is sur Tille vers Selongey).

Enfin, une interrogation sur le peu d'éléments liés à une potentielle ouverture à la concurrence dans cette convention. Tout au plus, il est question de Dijon-Besançon ou Besançon-Belfort, 2 lignes relativement rentables. Il aurait été plus judicieux de demander à un opérateur alternatif de démontrer son savoir-faire sur des lignes plus « rurales ». Rappelons que le risque est mesuré car la région rédigera son cahier des charges dans le cadre d'une délégation de service public.

2. Les moyens du TER : état des lieux et perspectives

2-1 Le Matériel

  • Le parc matériel est plutôt récent. L’acquisition de 24 Régiolis entre 2017 et 2020 réduira encore l’âge moyen du parc TER de la région. A cela, il convient d'ajouter une cinquantaine d’AGC/BGC et une vingtaine de X73500 acquis entre 2000 et 2010. La rationalisation du parc est une bonne chose pour optimiser les coûts de maintenance. Reste à maintenir un parc conséquent pour faire face à la forte demande des week-ends, des veilles de vacances ou aux immobilisations suite à révision ou incidents. Du matériel de réserve judicieusement réparti avec un conducteur doit être prévu pour éviter les retards ou carences. Quant à la maintenance en elle-même, la nouvelle convention note précisément toutes les opérations incluses (ou non) dans les coûts de fonctionnement. Cette maintenance s'appuiera sur l'expertise des sites de maintenance de Perrigny les Dijon et de Nevers.
  • Cas particulier : le renouvellement des rames Corail à l’horizon 2024. Même si ce remplacement constitue un investissement indépendant de la convention, il y a tout de même un lien primordial: la qualité et l’offre à venir des liaisons assurées actuellement par ce matériel : Paris Dijon Lyon ou Belfort Lyon (cf. notre demande de TERGV Lyon/Mulhouse). La capacité des futurs trains est un enjeu majeur surtout à l’approche de Paris. Toutefois, les durées de trajet supérieures à 1h obligent à posséder un matériel capacitaire et confortable.
  • L’assise spacieuse, douce et équipée de prise électrique ou de lumière individuelle sont un minimum requis pour l’usager d’aujourd’hui et de demain. La tenue de voie devra être au moins comparable aux voitures Corail (mouvements latéraux...). Enfin, ces trains devront être accessibles à tous, muni d’une connexion WIFI, d’un espace vélo dimensionné et d’un coin restauration. Autant de services que la concurrence a pris en compte très partiellement sur ces mêmes liaisons (cars interurbains) d’où l’intérêt de faire monter en gamme le TER longue distance.

2-2 Le personnel

  • ➢ À travers cette convention, la région devrait avoir un regard sur la gestion prévisionnelle des emplois et compétences du pôle TER de la SNCF. En effet, le contribuable régional est le contributeur quasi-exclusif de la SNCF. L'absence de service faute de conducteurs partis à la retraite et non remplacés constitue une faute de l’entreprise publique qui n’a pas su anticiper. La région, à travers cette convention, doit avoir un levier de pression (pénalités) pour s’assurer du recrutement périodique et ainsi d’une bonne qualité de service.
  • ➢ La généralisation des contrôles par brigade est instituée par cette nouvelle convention. Même si les premiers résultats semblent donner satisfaction à la SNCF et à la région, l’avis est plus nuancé pour les usagers. D’une part, parce que les agents à bord des trains sont là pour assurer un lien sécuritaire en cas d’incidents, mais aussi pour assurer une information instantanée pour les correspondances en cas de retard. Le maintien de binômes de contrôle dans les trains longue distance ou de fortes fréquentations est à privilégier. Une souplesse peut être apportée sur les lignes de faible fréquentation à condition que chaque halte dispose d’une borne de distribution de titres de transport (voir 3-B).

2-3 Les gares et points d'accueil multimodaux

  • En terme d'intermodalité, les bons exemples existent en Bourgogne Franche Comté (Beaune, Dijon, Nevers, Besançon, Dole, Vesoul....) mais ne concernent souvent que les gares principales. Une dynamisation des gares du réseau TER doit passer par une présence humaine assurée par la SNCF, une collectivité locale ou un commerce, laquelle aura pour mission de donner toute information sur la mobilité et le tourisme local. L'objectif est de faire des gares des pôles d’attractivité pour dynamiser l’ accès au transport ferroviaire. A ce sujet, la FNAUT invite les conseillers à consulter le rapport du CEREMA paru en avril 2017 intitulé : « Développer des services dans les gares TER ». Ce rapport donne des idées de développement inédites.
  • L’accessibilité des haltes et gares a fait l’objet d’un agenda d’accessibilité programmé qui manque cependant d'ambition et de moyens. En attendant, la convention TER 2018-2025 doit déterminer les solutions alternatives pour les personnes à mobilité réduite avec une contrainte minimale (réservation à 24h et non 48h par exemple).

3. Quel lien avec l'usager ?

3-1 Les tarifs

  • Des dispositifs de remboursement en cas de retards ou suppressions de trains sont introduits dans la nouvelle convention TER mais doivent aussi couvrir les situations de grèves. Ce qui est notable car rien n’existait jusqu’à présent. Tous les voyageurs sont concernés et c’est une bonne nouvelle (abonnés ou occasionnels). Néanmoins, les modalités semblent difficilement atteignables (20 trains en retard en un mois pour un abonné, remboursement pour un retard de 1h au moins pour un occasionnel). Il conviendrait mieux de s’aligner sur les remboursements pratiqués par la SNCF sur les TGV et Intercités afin de garantir une homogénéité et une meilleure compréhension des usagers : au delà de 30min: 25% de compensation. Par ailleurs les abonnements doivent pouvoir être suspendus plus facilement.
  • La nouvelle grille tarifaire en place depuis septembre 2017 associée à une carte de réduction peu onéreuse (20€) est accueillie favorablement par les usagers car simple et lisible. Toutefois, il manque un niveau en dessous de 5 € (pour un parcours inférieur à 35 km). En effet, l’effet pervers de cette nouvelle grille est de faire augmenter considérablement le coût pour les usagers parcourant une courte distance en train (exemple de Dijon Gevrey : 11km pour 5€ sans réduction). Nous sommes convaincus que le train a aussi sa pertinence dans les courtes distances surtout dans le périurbain de Dijon ou Besançon. Une modification à la marge de la grille doit donc apparaître dans la convention 2018-2025 en parallèle d'une augmentation inférieure à l'inflation telle que définie audacieusement dans ce contrat.
  • Un des reproches fait au train est de faire monter la facture très vite quand l’usager voyage en famille ou en groupe. Un tarif de groupe existe mais au delà de 10 personnes. Ce seuil mériterait d’être abaissé dès le début de la convention afin d’attirer un maximum d’usagers et d’atteindre les objectifs fixés en terme de fréquentation et de recettes.

3-2 La distribution commerciale

  • La dématérialisation du titre de transport est en développement continuel. L’application SNCF donne satisfaction mais doit s’améliorer pour pouvoir prendre plusieurs billets en une fois par exemple. Cependant, tous les usagers ne disposent pas d’outils multimédias. La plateforme Mobigo peut répondre à ces attentes mais ne peut satisfaire aux besoins immédiats d’un usager occasionnel (envoi du billet par la poste). De plus, il restera une part non négligeable d’usagers qui n’auront pas accès à ces 2 outils: les touristes. À l’heure où la région veut devenir une destination touristique de renommée mondiale, un moyen de distribution dans chaque halte ou gare est à prévoir. Cela peut prendre différentes formes: guichets, distributeurs simplifiés avec monnayeur et paiement en CB (le coût d’une tablette numérique, d’une imprimante et d’un lecteur de carte bancaire est 2 à 3 fois moins cher qu’un distributeur SNCF limité et peu performant).
  • Un autre point à développer: la polyvalence des agents de circulation (SNCF Réseau) présents obligatoirement dans certaines gares (sécurité des circulations). La FNAUT pense qu’il est tout à fait envisageable de former ces agents à la vente de titres de transport ou à l’information des voyageurs et de réaliser ces tâches dans les gares de faible trafic (Avallon, St-Claude, Clamecy) sans nuire à la sécurité. Il est regrettable d'acter des fermetures de guichets alors qu'un agent est et restera présent dans l'enceinte de la gare. Enfin, les boutiques SNCF en milieu urbain tissent un lien de proximité et doivent étoffer leurs offres pour devenir de véritables agences de voyages (exemple de la boutique de la Mouillière à Besançon).

3-3 La concertation avec les usagers

La nouvelle convention évoque sommairement une concertation avec les usagers (article 11). Or, cette obligation faite au prestataire de service doit être précisée (format, périodicité, sectorisation...). L'écoute des doléances des usagers est indispensable afin d'apporter les actions correctives en concertation avec la région, autorité organisatrice. Nous pouvons voir plus loin, en impliquant les usagers dans le suivi de cette convention. En parallèle, l'idée de référents de ligne SNCF est à maintenir pour un contact direct avec les usagers via les réseaux sociaux. Cette démarche existait auparavant
via les blogs « maligneter... ».

3-4 L'information programmée et en temps réel

  • L'information dite programmée concerne essentiellement les horaires des trains. Peu de changement interviennent en cours d'année dans la mesure où les services annuels sont commandés dès juin pour une application au deuxième dimanche de décembre. En dehors des outils dématérialisés, le maintien des fiches horaires et le retour d'un recueil des horaires de tous les Ter de la région (que l'on peut envisager payant) sont de bonnes sources d'informations qui plaisent tant à l'usager du quotidien qu'à celui qui vient visiter la région. L'exemple suisse ou allemand en la matière montre qu'il y a encore une place pour le format papier.
  • L'information instantanée ne peut passer que par une forme dématérialisée. 2 outils sont encore à développer : les afficheurs légers dans tous les arrêts et l'information à bord des trains par connexion GSM par exemple. En effet, en cas d'incident ou de retard, l'usager doit être informé, même si le train qu'il emprunte ne comporte pas de contrôleur. Le conducteur peut aussi aider à sécuriser le voyageur inquiet.

En résumé, la FNAUT Bourgogne Franche Comté restera vigilante sur l'application de cette nouvelle convention et en particulier sur l'engagement politique de ne fermer aucune ligne TER dans la région. Les chiffres donnés d'augmentation de la fréquentation et des recettes semblent optimistes mais la prudence exercée par la région en terme d'augmentation de l'offre, essentiellement orientée sur les grands axes, nous laisse à penser que rien n'est impossible. Prudence encore une fois sur les moyens dédiés au TER et la problématique du renouvellement du parc Corail qui reste suspendu aux décisions d'le-de-France. Prudence enfin sur l'ouverture à la concurrence limitée à une ou deux lignes. Vous l'aurez compris, « Trop de prudence » resteront comme les mots de la fin de notre lettre ouverte et un bon résumé de cette nouvelle convention TER 2018-2025.

Cédric Journeau, Président de la FNAUT BFC
Bâtiment de La Visitation - 22 rue de la Sous préfecture - 39100 Dole

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