Terrible, l’amie Maya vient de nous quitter.

Sa chaleur humaine, son ouverture, ses colères et sa grande gueule libertaire nous manquent déjà... ll lui arrivait d'être plus chiante que moi en réunion ce n'est pas peu dire.

Maya est connue pour ses engagements politiques et féministes, souvent mêlés (voir fiche Afp ci-dessous), elle est moins citée pour son rôle majeur dans les mouvements la défense des services publics et pour une santé de proximité, démocratique et égalitaire, comme dans le Collectif national contre les franchises, dans Notre Santé en Danger ou dans le vaste mouvement autour des Lilas et de son emblématique maternité... Elle est venue maintes fois aux Rencontres nationales et aux débats de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, et malgré la fatigue, elle restait souvent jusqu'au bout depuis l'arrivée du vendredi soir jusqu'à l'assemblée générale du dimanche matin.

Je voudrais juste évoquer 4 instants parmi tant d'autres…

- Notre Rencontre d'Arcachon-Cazaux en mai 2010. Lorsque j'introduis les orateurs, je leur recommande de parler 10 mn maxi pour ne pas limiter le débat avec la salle. Tous sont Ok mais lorsque c'est le tour de Maya, alors que nous venons juste de plaisanter avec grand clin d'œil tous les deux, elle me fusille de son regard noir et de sa voix de tribun inoubliable elle hurle à la salle que personne n'a jamais pu la faire taire et la limiter. C'était tout elle, capable de passer de la gentillesse la plus douce, de l'auto-ironie, à l'attaque frontale énergique contre tout ce qui se présentait.

- Un soir à la fête de l'Humanité, vers 2011 ou 2012 je crois, on organise une tribune sur les maternités, le droit des femmes et la défense de l'IVG. 5 ou 6 femmes, et je crois que j'étais en tribune le seul homme (peut être deux si ma mémoire ne flanche pas trop). Avec une ironie mordante, Maya me glisse à l'oreille ; bon on accepte les minorités ici, mais tu n’as pas intérêt à monopoliser la parole. Bon ben j’étais prévenu, car derrière le sourire ironique se dissimulait à peine l'énergie batailleuse. Et pour monopoliser la parole, elle parlait en vraie connaisseuse.

- aux Rencontres de Nantes en juin 2013, très importantes pour moi puisque j'abandonne la présidence occupée depuis 2006, on se retrouve à discuter avec Maya et notre cher grand pote Jean V. On évoque Cuba. Je lui explique alors que je vais faire en Sicile une conférence sur le "Che, libertaire ou non ?". Et là elle se lâche, elle se raconte, son long périple à Cuba durant de nombreuses années, ses travaux dans différents milieux dont l'enseignement, ses conflits et ses haines pour un pays qu'elle aime toujours mais dont elle recrache à jamais le despotisme. Elle parle de ses jeunes années (chose rare, en tout cas avec moi), des découvertes parfois mêmes romantiques de l'île caraïbe (oui c'est bien de Maya dont il s'agit) et souhaite m'accompagner à Sélinonte, localité qui lui donne grande envie de voyage. Bon sang Maya pourquoi ne m'as tu pas accompagné, et en plus cela m'aurait reposé, je n'aurais pas pu en placer une.

- aux Rencontres de Creil des 13-15 novembre 2015 qu'on a failli ne pas pouvoir tenir à cause des attentats parisiens de la veille, Maya est très pâle. Sans doute déjà très affaiblie. Elle est marquée par son Paris agressé et s'épanche en me parlant d'ami-e-s qui vivent proches du Bataclan. Plus d'éclats de voix désormais. On s'embrasse fortement lors de son départ, discret pour une fois, et c'est pour moi tristement la dernière fois que je la vois de près.

Dans notre monde hyper conventionnel, où l'on hésite à dire les choses, où notre attitude policée conforte en fait les pouvoirs dominateurs et forcément réducteurs de toute nature et émiettent progressivement nos qualités démocratiques, Maya va laisser un très grand vide. Sa manière de nous remuer qui parfois nous énervait fortement quand la réunion s'éternisait et qu'elle ne faisait rien pour contribuer à bien la terminer, est une extraordinaire qualité pour la démocratie que nous voulons plus directe et plus citoyenne, même si ce n'était pas toujours en faveur de l'efficacité. Gueuler c'est la vie, le conflit chaleureux, c'est la vie, l'exigence et la radicalité, c'est ce qui nous permet d'avancer et relance nos espoirs.

Et toi Maya tu ne vas plus nous aider à réagir en ce sens.

Muchos besos y abrazos. "Salud" fraternal y Hasta luego compañera

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