Après des années de négociations opaques sous emprise des lobbys d’affaire, le Parlement européen a ratifié mercredi dernier l’accord commercial avec le Japon, le JEFTA.
Le JEFTA "couvre un tiers de l’économie mondiale, ce qui en ferait le plus important accord de commerce et d’investissement à ce jour".
Cet accord de libre-échange UE-Japon vise à favoriser les opportunités pour les secteurs d’exportation, (produits agricoles pour l'UE, automobiles pour le Japon). Cependant, le JEFTA est une version d’accord de nouvelle génération (cf. CETA), dont le champ d’application dépasse les seules barrières tarifaires. Cette version "ne comporte pas de mécanisme de sanctions en cas de non-respect des normes sociales et environnementales référencées dans le chapitre sur le développement durable tandis que le reste de l’accord est couvert par un système de sanctions. Il garantit donc les droits des firmes transnationales, mais ne garantit pas le respect des normes sociales et environnementales. Il comporte par ailleurs un chapitre sur la coopération réglementaire et adopte l’approche des « listes négatives » pour la libéralisation des services. C’est pourquoi plusieurs conditions devraient être remplies avant toute décision de ratification du JEFTA".
Cette ratification programmée avant les élections européennes et dont la conclusion s'est déroulée dans le plus grand silence médiatique, est très alarmante.
L'introduction de la coopération réglementaire autorisera de hauts fonctionnaires à proposer des textes de loi en amont du processus réglementaire. Les élus européens seront exclus de ces conseils de coopération et les hauts fonctionnaires auront le droit de rejeter les textes qui ne retiennent pas leur intérêt. Compte-tenu des réalités de lobbying, il va sans dire qu'aucune limite n'est posée avec le milieu des affaires, ce qui revient à dire que cet accord autorise les conflits d’intérêts en amont du processus démocratique. "Quand on sait que le Japon poursuit actuellement la Corée du Sud devant l’Organe de règlement des différends de l’OMC, car le gouvernement coréen souhaite contrôler la radioactivité du poisson exporté par le Japon suite à la catastrophe de Fukushima, on est en droit de se questionner sur le type de « barrières réglementaires » qui seront considérées comme menacées par le JEFTA. "
En matière environnementale, les interventions de la Russie, des Etats Unis ou encore de l'Arabie Saoudite, lors de la COP 24, ont bien montré que l'accord de Paris n'est pas contraignant puisqu'il n'existe aucune sanction pour les états qui déclinent les accords multilatéraux sur l'environnement. Le texte du JEFTA se base précisément sur ce point et n'est donc pas limitatif. L'absence du chef de l'Etat Français lors de ces rencontres, en dit long sur la réalité de l'implication et sur la conscience des enjeux et des priorités.
Concernant les droits sociaux, si l'accord réaffirme les engagements des états vis-à-vis de l'Organisation Internationale du Travail, le Japon n’ayant pas ratifié deux des huit conventions fondamentales de l’OIT, tout porte à croire que les droits du travail dans l’UE seront considérés comme des « obstacles au commerce et à l’investissement ».
Concernant la sécurité sanitaire, le renforcement de la propriété intellectuelle en faveur des grandes entreprises (avec une mention spéciale pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques agricoles) va réduire la transparence dans le secteur industriel. « L’absence de toute référence au principe de précaution va favoriser la remise en cause par le Japon de la directive OGM, notamment via le Conseil de Coopération Réglementaire, le Japon étant le pays qui en autorise le plus dans la production et l’alimentation » explique Thierry Jacquot de la Confédération Paysanne.
Le système de "Listes négatives" signifie "que tous les services (l’essentiel de l’économie japonaise et européenne, en ce compris l’enseignement, la santé ou les transports publics par exemple) sont libéralisés, à la seule exception des secteurs explicitement cités en annexe du traité. Ce principe s’oppose à celui de « listes positives » de l’OMC : seuls les services explicitement engagés par les États membres sont libéralisés. La protection des services publics et des services d’intérêt général, comme les hôpitaux ou les universités, n’est donc pas garantie si ces services ne sont pas explicitement protégés par les États."
Après les retours catastrophiques des règlements judiciaires effectués par les tribunaux d'arbitrage dans le cadre d'autres accords de libre-échange, qu'en sera-t-il du JEFTA ? Quand les états ne consultent plus leurs citoyens, qu'ils n'ont plus leur mot à dire et que seul le Parlement Européen se substitue aux décisions qui les concerne, pouvons-nous sereinement croire à l'amélioration du processus démocratique ? Peux-t-on laisser faire quand tout converge vers une suppression des droits fondamentaux des populations au profit de la finance et du commerce ?
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Sources :