Socialisme de l’offre… clarté obscure

Voici que la question de l’emploi public, forcément néfaste pour la droite libérale – qui en ce domaine ne fait que son métier – est devenu centrale dans le débat de ce qu’il serait convenu de continuer d’appeler « la gauche ». À en croire l’éditorialiste du Monde Françoise Fressoz dans son blog le 12 février dernier (ici), c’est à un véritable acte de courage, d’héroïsme peut-être, que se livre le maire de Lyon en proposant de diffuser dans les territoires (traduisez : dans les collectivités territoriales) le « socialisme de l’offre » dont il s’est fait le théoricien depuis quelques années. Attardons-nous aux effets de cette nouvelle idéologie et notamment sur l’opposition entre service public et activités privées.

Dans le texte qu’il propose au prochain congrès du PS (1), Gérard Collomb « appelle à une fiscalité plus favorable à la prise de risque et à l'innovation, réclame des réformes de structure en précisant qu'en France « le coût de production des services publics est supérieur de 2,7 points de PIB à la moyenne des autres pays européens » (3).

« Réforme de structures » ! Locution magique devenue argument d’autorité en éliminant tout recours au raisonnement, et ce, d’autant plus que le revendiquent ceux qui peuvent continuer à s’appeler « la gauche » par le simple fait qu’ils peuvent battre électoralement « la droite ». On sait pourtant ce que recouvre cette idéologie : coût du travail trop élevé et intervention publique démesurée sont les deux causes profondes de « la crise ». Il serait d’un archaïsme évident de traduire cela par : rémunération du capital insuffisante et manque de liberté pour les marchés financiers !

Autre traduction dans le plus pur « conservatisme le plus étroit » (4) : démantèlement du droit du travail et surendettement public. On pourrait bien sûr en rajouter tant les déclinaisons du discours sur les « pauvres trop riches » et « les fonctionnaires parasites » sont légions.

Je voudrais juste faire part d’une réflexion qui m’est venue à propos de l’emploi public. Les fonctionnaires et employés hors-statut des institutions publiques perçoivent une rémunération grâce à quoi ils achètent, consomment, voire épargnent. Si leur poids dans l’économie est non seulement trop important mais même cause du chômage de masse que nous connaissons, il nous faut bien conclure que l’argent qu’ils injectent dans le commerce et les banques est de l’argent mauvais, « sale » même !

Un employé d’une régie publique de distribution d’eau qui dépense 100 € au supermarché du coin fait du tort à l’économie de l’offre tandis que la même personne employée d’une compagnie privée dépensant 80 € (il est heureusement moins payé !) participe à l’effort de réforme des structures (il est en intérim) et donc au sauvetage de « notre » économie. Heureusement le « socialisme de l’offre » va rétablir la propreté de l’argent en « [libérant] l’activité pour endiguer la double crise « sociale » et « morale » dans laquelle le pays est enkysté depuis des années »(5). Employés de toutes les fonctions publiques rejoignez la précarité de l’emploi privé pour sauver le monde !

Accessoirement, j’indique que nombre des signataires de la motion « Collomb » sont des élus locaux qui pestent contre la réduction des dotations de l’État aux collectivités territoriales, ce qui devrait quand même être considérée comme une bonne mesure de dégraissage du secteur public !

Parmi ces signataires, d’après l’article du Monde, figurerait le maire de Besançon qui selon Factuel.info considère que « la baisse des dotations est nécessaire mais trop rapide ! » (voir ) Le « socialisme de l’offre » gagne du terrain. Un « pragmatique » député EELV, dans le même compte rendu, estime que sa mise en œuvre est trop tardive. Tout en tenant un discours ferme d’opposition à la politique d’austérité, d’autres élus s’accommodent très bien de leur participation aux majorités du « socialisme de l’offre » voire à ses exécutifs (et aux indemnités afférentes). Y a pas que certain argent qui soit « sale » !

 

(1) Je ne suis pas adepte des sigles et autres acronymes cherchant toujours à donner les noms complets, développés. Pourtant je fais une exception lorsque cela me permet de ne pas écrire des noms détournés de leur sens premier.
(2), (3) et (4) : en référence à l’article de Françoise Fressoz déjà cité.

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