Réponse de l’association Solmiré au communiqué du Préfet du Doubs

Police aux frontières de Pontarlier

Le 29 octobre 2020, Joël Mathurin, Préfet du Doubs a publié un communiqué concernant les pratiques préfectorales en matière de délivrance de titres de séjour aux jeunes majeurs étrangers. Ce communiqué dépeint une situation dans laquelle la Préfecture traiterait avec équité et de manière globale les demandes de titre de séjour, sans opérer de discrimination en fonction de la nationalité des requérants.

L’association Solmiré mesure un écart important entre cette déclaration et ce que ses bénévoles constatent au quotidien sur le terrain.

Le Préfet du Doubs affirme que les demandes de titre de séjour sont examinées sans tenir compte du pays d’origine du demandeur. Pourtant l’association Solmiré constate que les officiers de la Police aux Frontières sous ses ordres continuent de déclarer irrecevables les documents d’identité guinéens, en s’appuyant sur une étonnante directive hiérarchique qui préconise le refus systématique de tous les documents d’état-civil guinéens, sans exception (note de la DCPAF du 01/12/2017). Directive non abrogée qui produit depuis des années une discrimination ne laissant aux Guinéens aucune chance ou presque d’accéder un jour à un titre de séjour.

Il est à noter, que pour les jeunes Ivoiriens et Maliens, leurs documents sont souvent évalués par la Police aux Frontières irrrecevables et non faux, mais le Préfet refuse quand même le séjour pour ces jeunes et prononce une OQTF, sans apprécier la situation globale.

Pour M. le Préfet, la possession de documents d’identité dont la recevabilité est contestée par la Police aux Frontières, c’est la preuve irréfutable que la personne qui les détient est arrivée majeure sur le territoire français, qu’elle a indûment profité des dispositifs de la Protection de l’Enfance et qu’elle ne peut donc pas bénéficier des voies de régularisation réservées aux anciens mineurs pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance. Ce qui remet en doute les décisions prises par les professionnels du Département.

Si l’on suit ce raisonnement, tous les Guinéens qui sont pris en charge par le Département du Doubs sont des majeurs menteurs se faisant passer pour des mineurs, puisqu’ils possèdent tous des documents d’identité déclarés irrecevables par la Police aux Frontières de Pontarlier. Cela confine à l’absurde et prêterait d’ailleurs à rire si les conséquences n’étaient pas aussi désastreuses pour ces jeunes.

Dans son communiqué, le Préfet du Doubs explique que l’examen des documents d’état-civil n’est jamais le seul motif de refus de titre de séjour. Ce n’est pas tout à fait vrai, ce n’est pas tout à fait faux… En effet, dans chacune des nombreuses décisions d’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) dont l’association Solmiré a eu récemment connaissance, le Préfet avance deux motifs : le rapport de la police aux frontières concernant les documents d’identité, ainsi que le manque de preuves concernant l’absence de lien avec la famille restée dans le pays d’origine. Ce dernier motif est particulièrement pratique pour la préfecture, puisqu’il est rigoureusement impossible de prouver une absence de lien… Grâce à ces deux motifs aussi invérifiables l’un que l’autre, le Préfet dispose ainsi en permanence d’éléments lui permettant de refuser aux Guinéens tout droit au séjour, et ce quelle que soit leur situation. Ce n’est pas tout à fait ce que l’on peut qualifier d’examen de la « situation globale du requérant ».

Au delà de ces considérations techniques, ce que l’association Solmiré constate, c’est que ces pratiques de la Préfecture du Doubs ont comme conséquences pour les jeunes majeurs la fin brutale de leur emploi, la rupture de leur formation et la création d'une précarité inutile et injustifiable dont certains garderont à jamais le traumatisme.

Lors de l’entrevue qu'il nous a accordée le 27 octobre dernier, M. le Préfet déclarait que la France était honorée de la protection qu’elle apportait aux mineurs étrangers. Au contact quotidien des enfants étrangers laissés à la rue par les autorités, l’association Solmiré regrette là encore de ne pas pouvoir faire preuve d’un si grand enthousiasme.

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