Réponse à un cynique de peu de conviction

Réponse à Eric Alauzet, suite à son interpellation sur les Vaîtes.

Vous avez raison sur un point, M. Alauzet. Oui, la question de l’urbanisation des Vaîtes est décidément devenue un enjeu central de ces municipales à Besançon. Un symbole de la remise en cause du bétonnage à tout-va et du mode de gouvernance anti-démocratique de la ville de Besançon.

Comme votre conférence de presse éclair aux Vaîtes – je déplie mon vitabri/je cause aux journalistes/je repars – n’a pas eu l’écho espéré, vous en remettez une couche ce mardi, en me ciblant cette fois personnellement.

« Les élus sont disqualifiés pour trouver seuls des solutions » écrivez-vous, avant de poursuivre me concernant « de même que la responsable d’une association qui est fortement engagée dans l’élection municipale et dont on connaît l’avis particulièrement tranché ».

La responsable associative engagée à l’avis tranché que je suis répond donc au cynique de peu de conviction que vous êtes.

Ce que vous appelez « avis tranché », M. Alauzet, se nomme en politique conviction. Je comprends que le concept de conviction vous échappe quelque peu, vous qui vous êtes spécialisé dans le suivisme en politique depuis quelques années. Passé du groupe EELV au groupe socialiste lors de votre dernière mandature. Soutien du candidat d’union de la gauche Benoît Hamon à la Présidentielle puis d’Emmanuel Macron quand il s’est avéré que ce dernier sortirait gagnant des élections. Votre engagement à vous obéit à ce que j’appellerais « la technique du doigt mouillé » : vous regardez dans quelle direction souffle le vent et vous suivez.

Je comprends que vous soyez décontenancé car, oui, j’ai des convictions. Entre autres convictions, je suis intimement convaincue que bétonner 34 ha de terres arables cultivées par des maraîchers et des horticulteurs, des jardins populaires, bétonner des terres entrecoupées de zones humides, espaces boisés, prairies, pour vouloir y construire à terme 1800 logements dans une ville à la population stable et où la vacance des logements est passée de 6,1 % en 2007 à 10,1 % en 2016 (derniers chiffres INSEE), le tout dans un contexte de réchauffement climatique et de raréfaction des ressources naturelles…. Oui, j’ai la conviction que c’est une aberration à la fois écologique et sociale, et que c’est le projet d’un ancien monde qui se meurt.

Vous avez (partiellement) raison sur un deuxième point, M. Alauzet : quand vous parlez des élus - ce mardi - ou des politiques - lors de votre conférence de presse - qui sont disqualifiés. Oui, M. Alauzet, effectivement, vous, vous êtes disqualifié. Vous comme l’ensemble des sortant·es de cette majorité Fousseret, partie d’une union de la gauche et accouchant d’une monstruosité politique où l’on se retrouve avec des adjoints PCF à un maire En Marche.

Je suis étonnée cependant de vous voir tomber dans une démagogie de bas niveau sur les politiques ou les élus dans leur ensemble – tous dans le même panier, tous disqualifiés. Tout le monde ne vous ressemble pas et tou·tes les élu·es ne sont pas aussi inconséquent·es que vous l’êtes. La confiance de nos concitoyen·nes en ses représentant·es est au plus bas, du fait d’années de trahisons politiques diverses, dont vous avez votre part. Mais, désolée pour vous, nous sommes encore quelques-un.es à croire en la noblesse du politique, à croire qu’un engagement politique dans notre société fait sens, à penser qu’un autre monde est possible.

Et comme il faut bien se doter d’une stratégie quand on a comme objectif une transformation en profondeur de la société, nous croyons encore en la démocratie, au droit du peuple à décider pour lui ce qui est juste, et présentons donc notre option politique au suffrage universel. Et ce, quelque soit l’imperfection des institutions de cette V° République. Vous êtes un cynique M. Alauzet. Vous êtes un cynique quand, constatant le peu de confiance accordée aux hommes et femmes politiques par le peuple, du fait de l’action de vous et vos semblables, vous prétendez nous mettre au même niveau que vous et nous disqualifier en nous rabaissant à votre niveau.

Vous écrivez « les élus qui trouvent seuls des solutions »… L’exercice du pouvoir macroniste est en effet un exercice solitaire. Nationalement, vous soutenez un gouvernement qui, seul, décide de tout, et dirige le pays contre sa population. Vous soutenez un régime politique qui tend vers l’autoritarisme, mutilant sa population lorsqu’elle se révolte – Vous n’avez pas eu un mot pour les Gilets jaunes honteusement réprimé·es par ce gouvernement. Localement, vous êtes membre de l’équipe municipale de M.Fousseret, qui a brillé par sa conception autoritariste du gouvernement de la ville et de la gestion de sa majorité municipale. Concernant les Vaîtes, votre équipe municipale a méprisé la première opposition des habitant·es du quartier, qui ont été caricaturé·es en petits propriétaires terriens uniquement préoccupé·es de leurs petits intérêts personnels. Votre équipe municipale a ignoré la deuxième opposition aux Vaîtes, lorsque Nuit Debout est venue installer une éphémère ZAD.

Vous et vos collègues de la majorité avez également dans un premier temps tenté d’ignorer l’association des Jardins des Vaîtes. Puis quand vous n’avez plus pu l’ignorer, vous l’avez caricaturée, en essayant d’utiliser mon engagement politique pour décrédibiliser notre parole, ce que vous tentez de nouveau aujourd’hui. Personne n’est dupe, M. Alauzet : ni les adhérent·es et soutiens de l’association qui sont de tous horizons, ni France Nature Environnement qui nous a aidé dès le départ, ni le Tribunal Administratif qui nous a donné gain de cause. A part vous, tout le monde sait faire la part des choses entre engagement associatif et politique.

Les professionnel·les de la politique comme vous ne cessent pourtant de mettre en scène les « acteurs de la société civile » qui sont censés donner une caution d’ouverture à leur candidature. Vous avez fait réaliser toute une série de ridicules vidéos où vous faites vanter par d’autres vos qualités mirifiques, votre sens de l’écoute, votre humilité, etc, etc. Il faut choisir M. Alauzet ! Vous ne pouvez pas mettre en avant la « société-civilité » de vos soutiens lorsqu’il s’agit de mettre en valeur votre personne, et « en même temps » critiquer l’engagement citoyen de vos adversaires politiques. A moins que vous ne considériez que les citoyen·nes ne puissent que servir de caution au professionnel de la politique que vous êtes.

C’est parce que des politiques comme vous se sont montrés incompétents depuis tant d’années, que des personnes comme moi se retrouvent aujourd’hui à devoir faire le boulot eux et elles-mêmes. Quand les pelleteuses sont arrivées aux Vaîtes en janvier, en l’absence d’arrêté préfectoral, alors que la consultation publique était encore en cours, qu’étais-je censée faire, qu’étions-nous censé·es faire ? Quel membre de l’équipe municipale actuelle nous a été d’un quelconque secours ? Croyez-vous que ce soit un plaisir pour moi de décortiquer les PLU, les PLH, les comptes-rendus de Conseil Municipal plutôt que de lire bandes dessinées ou essais ? Croyez-vous que je ne préférerais pas cultiver mon jardin plutôt que de lutter pour que vous ne le détruisiez pas ? Pensez-vous que j’ai apprécié d’être menacée de dépôt de plainte par Territoire 25 pour avoir organisé des évènements aux Vaîtes ? Pensez-vous qu’après le Tribunal Administratif, je suis satisfaite de devoir de nouveau travailler jusqu’à minuit des dossiers sur la situation du logement à Besançon pour argumenter au Conseil d’État ?

Vous êtes également un cynique lorsque vous prétendez vouloir faire une convention citoyenne tirée au sort pour décider du sort des Vaîtes, vous dédouanant ainsi de n’avoir aucune idée et refusant toute responsabilité sur la question. Vous êtes un cynique, parce que vous détournez des outils démocratiques pour enterrer une question et une lutte portée par une opposition démocratique. Les Vaîtes, c’est aussi le symptôme et un exemple de ces grands projets inutiles décidés par des élu·es en totale déconnexion des besoins et des avis des habitant·es, et même pire, contre eux. En la matière, vous êtes un bon élève d’Emmanuel Macron, de son grand débat (grand blabla) qui a permis de ne pas répondre aux revendications des Gilets jaunes, ou de sa convention citoyenne pour le climat qui a pour objectif de calmer les ardeurs des mouvements pour le climat. Emmanuel Macron nous a déjà fait le coup de l’enfumage par le grand blabla national ; on sait ce que veut dire « dialogue social » dans l’entreprise. Ces démonstrations de pseudo concertation, qui ne servent en fait qu’à avaliser ce qui a été décidé en amont, ne trompent plus personne.

Et puis, permettez-moi de rire de vous avoir vu tenir votre conférence sur la démocratie citoyenne aux Vaîtes – sans avoir prévenu aucune des deux associations locales en amont de votre visite ! Le beau symbole en effet que voilà !

Puisque vous ne semblez avoir aucune idée propre sur les Vaîtes, je me permet de vous en donner quelques-unes. Les Vaîtes doivent être préservées, l’activité maraîchère maintenue, les exploitations horticoles accompagnées vers des pratiques biologiques, la faune et la flore locale doivent être laissées tranquilles. Il faut laisser vivre et jardiner les personnes de toutes origines et de tous âges qui se retrouvent aux Vaîtes. Il faut ouvrir ce lieu à tou·tes les Bisontin·es par des chemins de promenade respectueux de la nature et des jardins.

Nous avons une pépite de nature, de jardins, de vie sociale en plein cœur de ville – il y a bien mieux à faire que de tout détruire non ?