Rémunération et heures supplémentaires

2013-02-20code-travail

Le projet de loi porté par la ministre du Travail, Myriam El Khomri, largement popularisé par Emmanuel Macron, prévoit de rendre possible la baisse de la rémunération des heures supplémentaires en dessous des 10 %. Ainsi, pendant que le chômage ne cesse d’augmenter, on encourage le recours aux heures supplémentaires qui incite à faire travailler davantage ceux qui ont un emploi et on diminue encore les possibilités de création d’emplois nouveaux. Cette proposition dévalorise également le travail de ceux et celles qui le réalisent, alors même que les salariés français sont parmi les plus productifs du monde. Cette proposition méconnaît aussi les questions de conditions de travail et de santé et de vie familiale des salariés. En effet, s’il est prévu que les heures supplémentaires soient davantage rémunérées c’est parce qu’elles sont coûteuses pour la vie des salariés.

Cette proposition est enfin incompréhensible au regard des possibilités déjà offertes. Les lois sur les 35 heures ont introduit l’annualisation qui permet de moduler le temps de travail sur l’année. Ainsi, un salarié peut faire 40 heures une semaine et 30 heures la semaine suivante sans que le patron n’ait à payer les 5 heures supplémentaires de la première semaine, puisque le temps de travail moyen est de 35 heures.

Les lois Aubry ont également mis en place le forfait jours qui consiste à décompter le temps de travail en nombre de jours par an, plutôt qu’en heures par semaine. La rémunération est forfaitaire et donc indépendante du nombre d’heures effectivement accomplies. Au départ réservé aux cadres, il a été étendu en 2005 aux non-cadres « ayant des responsabilités nécessitant une autonomie dans leur travail ». Aujourd’hui, 39 % des cadres au forfait font plus de 50 heures. Le forfait jours concerne environ 12 % des salariés en général, près de 1 salarié sur 5 (19,2 %) dans les entreprises de plus de 500 salariés et pratiquement 1 cadre sur 2. Ils travaillent donc bien au-delà des 35 heures.

D’autres assouplissements sont intervenus depuis, faisant passer le contingent d’heures supplémentaires autorisées de 130 heures annuelles en 2002 à 220 heures en 2008. La loi Bertrand de 2008 a prévu l’abaissement de la majoration des heures supplémentaires à 10 %, en cas d’accord d’entreprise (contre 25 %, en l’absence d’accord). Enfin, l’accord national interprofessionnel de 2013 permet aux entreprises en difficulté conjoncturelle de conclure des accords augmentant le temps de travail sans hausse de salaire, ou baissant le temps de travail et le salaire en échange d’engagements sur l’emploi. N’est-ce pas suffisant ? Ne serait-il pas plutôt temps de revenir sur un certain nombre de ces assouplissements pour préserver la qualité des conditions de travail et éviter de supprimer davantage d’emplois à défaut d’en créer ?

Barbara ROMAGNAN

Chronique publiée dans L’Humanité le 25 janvier 2016

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