Mercredi 7 juillet 2021.
Lundi matin, au brief de neuf heures, Évelyne nous a apostrophé :
- Et vous, vous êtes vaccinés ?
Nous nous sommes tous regardés en silence, cachant des sourires gênés derrières nos masques. Evelyne a toujours été comme ça, imprévisible dans ses prises de paroles, éruptive.
- Faut peut être penser collectif.. On ne sortira pas de cette épidémie comme ça.
Lou et Djamel m'ont regardé. Sur onze personnes, avec Evelyne sans doute, nous devions être quatre vaccinés. Nous ne nous étions pas posé la question, ou alors cinq minutes. Se faire vacciner remontait de notre enfance, au souci de nos parents, et Djamel plus que nous, puisqu'une fois par an il faisait le voyage au pays..
Une piqûre de temps en temps, une rougeur sur le bras.
Lou m'a même raconté qu'elle adorait le pansement rigolo que mettait son médecin de famille, par exemple un mini ours en peluche ou une bouche qui tirait la langue façon visuel des Rolling Stones.
Jan a repris :
- Elle a pas tort Evelyne. On fait notre vie tranquille, en priant qu'il ne nous arrive pas une chose grave. On baisse la tête, on fait le gros dos quand cela va mal. Et les autres dans tout ça ?
Il a ramassé ses feuilles en tas, a posé son stylo dessus, et replié l'écran de son ordinateur portable.
- Le centre de vaccination n'est pas loin, je vous offre l'heure de travail pour y aller.
Jan c'est pas un mauvais patron. Enfin, il ne nous appelle pas ses « collaborateurs », il ne met pas la tête de l'un d'entre nous sur le mur, tout le monde touche la même prime d’intéressement, les salaires sont corrects. Mais ce n'est pas une coopérative non plus : sa collection de coquillages exotiques ramassés par ses soins n'est pas tombée du ciel ! Il sait très bien que moins ses employés sont malades, mieux ils travaillent. C'est tout.
Nous sommes retournés au boulot. J'entendais discuter dans les couloirs.
Plus tard, ma secrétaire est venu vers moi. Elle m'a tendu quelques courriers à relire et à signer. Au moment de retourner à son bureau, elle s'est tournée vers moi et m'a parlé à voix basse.
- Votre copine Evelyne c'est quand même quelqu'un de bizarre.
J’ai relevé la tête.
-J'étais dans le bureau d'Amina pour caler des rendez vous, notamment avec des nouveaux clients.
- Et ?
- La porte de Mr Jan était entrouverte. J'ai entendu. Elle comprenait pas pourquoi tout le monde avait la même prime d'intéressement. Elle voulait une augmentation. Selon elle, elle valait plus que tout le monde ici. Quelle sal....